Nouvelles économiques du Japon et de la Corée du Sud

 Lettre AGRO Japon – Corée

 N° 65 -octobre - novembre 2022

 

  drapeau Japon

Sommaire

IMAGE DU MOIS :  le riz au coeur des débats sur la sécurité alimentaire au Japon et en Corée

 

riz 
Japon
  • Le coût des importations alimentaires continue de peser sur la balance commerciale japonaise
  • L’approvisionnement alimentaire revient au cœur des débats politiques au Japon
  • Le recours à l’intelligence artificielle pour lutter contre le gaspillage alimentaire se développe dans la distribution
  • La nouvelle réglementation bio pour les vins et spiritueux est entrée en vigueur le 1er octobre
  • L’épizootie d’Influenza aviaire reprend au Japon
Corée
  • Le déficit commercial alimentaire coréen continue de se creuser au 3e trimestre
  • La politique d’achat public de riz fait débat en Corée
  • La peste porcine africaine poursuit sa progression
  • La Corée se prépare à une épizootie d’influenza aviaire de grande ampleur

 

Le chiffre du mois : -51Mds€

Déficit commercial agricole et alimentaire du Japon sur les trois premiers trimestres 2022

 

Japon

a) Actualité politique et économique

Le coût des importations alimentaires continue de peser sur la balance commerciale japonaise

Tiré par l’inflation des produits importés et un taux de change particulièrement défavorable face au dollar et à l’euro, le déficit commercial alimentaire japonais atteint au 3e trimestre 2,56 trillions de yens (environ 18,4 Mds€), dépassant le niveau record de 2,49 trillions de yens atteint au T2.  Sur les trois premiers trimestres 2022, les exportations agricoles et agroalimentaires japonaises progressent de 15%, à 870 MdsY (environ 6,4 Mds€) mais la balance commerciale sur ce poste se creuse de 11 Mds (en g.a.), pour atteindre un niveau record de -51 Md€. Les exportations vers la France sont quasi-stables à 67 M€, avec un déficit commercial bilatéral qui se creuse de 213 M€, pour atteindre 1,3 Md€ sur la période, en raison de la forte progression des importations depuis la France.

Celles-ci poursuivent leur hausse en valeur au 3e trimestre (+7,7%) et atteignent 1,37 Md€ sur les trois premiers trimestres (+18% en g.a.). Parmi les principaux postes, on observe depuis le début de l’année une forte hausse en valeur des boissons (812 M€, +18%), des préparations à base de céréales (83 M€ / +29%), des produits de la minoterie (33 M€, de malt essentiellement / +82%) et des viandes (64 M€ / +29%). L’alimentation pour animaux, qui représente 69 M€, connait en revanche un recul de 8% (principalement dû aux aliments pour animaux domestiques), tout comme les graisses et huiles animales (7 M€, principalement huile de tournesol /-35%). Dans le domaine des produits laitiers, les importations françaises progressent peu (+5%) et reculent en parts de marché (5,4% contre 6,2% sur la même période en 2021), sans doute pénalisées par la faiblesse du yen et la hausse des prix des importations, qui renforcent la compétitivité des produits domestiques. Dans le détail, les fromages enregistrent un recul de 1% (51 M€), alors que les importations de beurre progressent nettement, pour atteindre 11 M€ (+36%). Source : Douanes japonaises

 

L’approvisionnement alimentaire revient au cœur des débats politiques au Japon

La sécurité alimentaire est revenue au premier plan de l’agenda politique japonais dans un contexte de forte inflation alimentaire (+4,1% en septembre) et d’inquiétudes sur l’approvisionnement par voie maritime en raison des tensions en mer de Chine. Le 9 septembre, le Premier ministre Fumio Kishida a ainsi annoncé une révision de la loi fondamentale sur l'alimentation, l'agriculture et les zones rurales de 1999 afin de renforcer l'autosuffisance nationale en matière de produits agricoles, d'engrais et d'aliments pour animaux. Le sujet de la sécurité alimentaire n’avait pas été inclus dans la loi sur la sécurité économique adoptée en mai.

La dépendance du Japon aux importations alimentaires est en effet l’une des plus importantes parmi les pays développés (38% d’auto-approvisionnement en calories en 2020), rendant le pays vulnérable à la fois aux hausses de prix des produits importés et aux ruptures d’approvisionnement en matière d’engrais (importés en quasi-totalité), de produits alimentaires de base ou d’alimentation animale (importés aux trois-quarts).

Commentateurs et analystes interrogent une politique de sécurité alimentaire focalisée, de longue date, sur le riz, pour lequel le gouvernement poursuit des objectifs d’autosuffisance et qui fait l’objet de fortes mesures de protection (aides à la production, droits de douane prohibitifs).

Cependant sa consommation – et sa production – baissent continûment depuis plusieurs décennies, rendant le pays vulnérable en cas de crise. Aussi, dans le cadre d’une réforme globale de la politique de sécurité alimentaire, certains défendent une libéralisation du marché du riz, notamment par un abaissement des barrières tarifaires. Pour les uns, ce type de mesures conduirait à une baisse des prix et au report des producteurs vers d’autres cultures plus rémunératrices, comme le blé (importé à 90%, et dont la consommation est en augmentation) ; pour les autres, elles favoriseraient la compétitivité du secteur du riz, qui deviendrait structurellement exportateur et produirait par là-même des excédents mobilisables pour la population en cas de crise.

Une telle réforme impliquerait cependant des bouleversements dans un secteur marqué par l’atomisation (surface moyenne des exploitations de 3 ha), le déclin démographique (âge moyen de 67 ans) et peu tourné vers la productivité (la moitié des agriculteurs travaillent à temps partiel). Le gouvernement japonais, qui déploie par ailleurs des mesures de stockage public de blé et de diversification de ses chaînes d’approvisionnement à l’étranger, a jusqu’ici privilégié d’autres leviers afin d’améliorer la productivité, notamment l’innovation technique. Financial times, Japan Times, MAFF

 

Le recours à l’intelligence artificielle pour lutter contre le gaspillage alimentaire se développe dans la distribution

Deux groupes de distribution japonais (Lawson et Aeon) expérimentent le recours à l’intelligence artificielle (IA) pour déterminer les réductions à appliquer afin de minimiser les pertes liées au gaspillage alimentaire. L’IA permet de calibrer les promotions de « dernière minute », habituellement décidées par les gestionnaires de magasins selon leur expérience, à partir de critères plus nombreux, tels que l’historique des ventes ou la météo, et maximise ainsi les chances de vente. Le groupe de magasins de proximité Lawson estime qu’en 2021, dans les magasins des préfectures du Tohoku où ce système était expérimenté, celui-ci a permis d’augmenter de 0,6% la marge des magasins et de diminuer de 2,5% les charges liées au gaspillage alimentaire. Il sera déployé dans tous les magasins du groupe dès 2023.

La réduction des pertes alimentaires, qui atteignaient en 2020 un total estimé à 5,22 MT (en diminution de 480 000T par rapport à 2019), est une priorité affichée par le gouvernement japonais et a fait l’objet d’une loi de 2019 sur la promotion du recyclage des ressources et des denrées alimentaires. Pour le secteur de la production, responsable de la moitié environ des pertes (2,75 MT), la loi fixe un objectif de diminution de moitié en 2030 par rapport à 2000 et établit des cibles de pertes par secteur de production vers lesquels les entreprises doivent tendre. La lutte contre le gaspillage se heurte toutefois à des pratiques ancrées à la fois dans la distribution et parmi les consommateurs – c’est notamment le cas de la règle « du tiers », pratique largement répandue parmi les acteurs de la filière qui impose aux producteurs une livraison au distributeur avant que le tiers de la durée de vie d’un produit soit atteint, afin de garantir au consommateur une durée importante avant la date de péremption. Les produits sont ainsi couramment renvoyés aux producteurs en cas de retard de livraison, conduisant à un important gaspillage. Japan Times, MAFF

 

La nouvelle réglementation bio pour les vins et spiritueux est entrée en vigueur le 1er octobre

Cette réglementation, désormais gérée par le MAFF, étend au domaine des vins et spiritueux l’utilisation du label « JAS organic ». Les exportateurs vers le Japon disposent d’une période d’adaptation de trois ans pendant laquelle il restera possible d’appliquer la précédente réglementation (qui relevait de la National tax agency) et qui tolérait les mentions « bio » ou « organic » sur l’étiquetage d’origine des produits importés. A compter du 1er octobre 2025, une certification « JAS organic » sera nécessaire pour maintenir de telles mentions (sauf si un accord d’équivalence sur le bio dans le domaine des vins et spiritueux avec l’UE, souhaité par le Japon, est conclu d’ici-là).  MAFF

 

b) Actualité sanitaire et phytosanitaire

L’épizootie d’influenza aviaire reprend au Japon

Le Japon a enregistré ses premiers cas d’influenza aviaire depuis près de six mois, avec un 1er foyer confirmé le 27 octobre dans la préfecture d’Okayama. Il s’agit du « début de saison » le plus précoce observé au Japon. Cinq autres foyers ont depuis lors été détectés dans les préfectures d’Okayama, Hokkaido, Okayama et Ibaraki. En application des mesures de prévention, 2 millions de volailles ont été abattues, un nombre déjà supérieur à celui de l’ensemble des abattages conduits lors de la dernière saison (1,8 M), au cours de laquelle 30 foyers d’IAHP avaient été détectés entre novembre 2021 et mai 2022. Japan Times, Agrinews

Corée du Sud

 

a) Actualité politique et économique

Le déficit commercial alimentaire coréen continue de se creuser au 3e trimestre

Les exportations agricoles et agroalimentaires coréennes progressent de 26% sur les 9 premiers mois de 2022 en g.a., à 10,26 trillions de Won (7,6 Md€), tirées principalement par les produits de la pêche (+57%), les préparations à base de céréales (nouilles, +23%) et les boissons (+26%). Le solde agroalimentaire se creuse toutefois sur la période de 7,5 Md€ pour atteindre -25 Md€ (-15 Md sur les 9 premiers mois de 2021), en raison d’une progression de 38% des importations en valeur.

Les exportations vers la France augmentent de 34% sur la période pour atteindre 71 M€ mais le déficit bilatéral se creuse de près de 90 M€ pour atteindre 484 M€, en raison d’une forte progression des importations en provenance de France sur la même période (556 M€, +24%). La hausse est particulièrement nette sur le poste des boissons (+35%) et la viande (+34%).

Parmi les autres pays, les Etats-Unis voient leurs parts de marché reculer de 27 à 23% en raison d’un léger recul des exportations de céréales ; la Chine cède également des parts de marché (10,8 à 10,4%). Les pays progressant le plus sont tirés par les importations de céréales (Brésil, Argentine, Inde). Bien que ses exportations de céréales diminuent de moitié sur la période, la Russie maintient ses parts de marché à 3,5% grâce à une forte hausse des produits de la pêche (+56% en valeur). Douanes coréennes

La politique d’achat public de riz fait débat en Corée

Face à la baisse des cours, le parti démocratique (PD) souhaite un mécanisme d’intervention automatique sur le marché du riz. Le PD, qui reste majoritaire au Parlement malgré l’élection du président Yoon (PPP), a déposé une proposition de révision de la loi sur la gestion des céréales qui aurait pour objet de rendre obligatoire des rachats publics pour soutenir les cours du riz lorsque ceux-ci diminuent trop fortement. De telles interventions sont aujourd’hui fréquentes (450 000 tonnes prévues cette année, pour environ 700 M€) mais menées à la discrétion du gouvernement, lequel s’oppose à une telle mesure automatique. Selon le ministère coréen de l’agriculture (MAFRA), elle aggraverait les phénomènes de surproduction que connaît déjà la Corée alors que la culture du riz, dont la consommation diminue tendanciellement, reste plus sûre et rémunératrice que les autres céréales en raison d’aides publiques avantageuses et de barrières tarifaires empêchant de fait toute importation au-delà des quotas minimaux consentis dans le cadre de l’OMC. Le président Yoon a laissé entendre qu’il pourrait opposer son veto à cette proposition.Yonhap, Joongang daily

 

b) Actualité sanitaire et phytosanitaire

La peste porcine africaine poursuit sa progression

Le Premier ministre coréen a demandé un renforcement des mesures de biosécurité après la découverte le 29 septembre de deux nouveaux foyers dans la province de Gyeonggi qui entoure la capitale, Séoul. Il s’agit des 5e et 6e cas confirmés cette année, après la détection de quatre foyers dans la province de Gangwong-do (au nord-Est). Afin d’accélérer la détection des cas en faune sauvage, le MAFRA a par ailleurs annoncé le déploiement d’une brigade canine pour repérer les sangliers morts. Inspirée d’exemples en Suisse et en Allemagne, elle doit permettre de repérer les animaux morts plus rapidement et interviendra dans un premier temps dans trois régions montagneuses particulièrement exposées.Yonhap, Korea Times

 

La Corée se prépare à une épizootie d’influenza aviaire de grande ampleur

Le MAFRA a annoncé un renforcement des mesures de lutte contre l’influenza aviaire à partir d’octobre et jusqu’à février prochain. Au regard de la hausse des foyers observée cette année dans le monde et notamment en Europe, le MAFRA craint en effet un épisode particulièrement sévère cette année, après un impact relativement modéré lors de l’hiver 2021-2022 (46 foyers, le dernier en mars 2022). Plus de six mois après le dernier foyer déclaré, un nouveau cas a été détecté le 19 octobre dans un élevage de canards à Yecheon, au sud-Est de Séoul. Yonhap 1, 2

 

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 Rédigé par : Le pôle agriculture et alimentation du Service économique régional de Tokyo et le Service économique de Séoul.

 Contacts : Jérôme PERDREAU, Conseiller agricole, jerome.perdreau@dgtresor.gouv.fr
Ryoko ISODA, Attachée sectorielle au pôle agriculture et alimentation, ryoko.isoda@dgtresor.gouv.fr
Jina AHN, Attachée économique, en charge des questions agricoles au sein du SE de Séoul jina.ahn@dgtresor.gouv.fr