Une région au potentiel minier important, encore peu exploité, qui tente de renforcer son attractivité auprès des investisseurs étrangers

L’AEOI est source d’une diversité de ressources minières, dont les gisements sont encore mal connus faute d’études géologiques. Certains pays se distinguent à l’échelle mondiale en se plaçant en producteurs majeurs de minerais : Madagascar (3ème producteur de graphite) ; Rwanda (3ème pour le tantale ; 5ème pour le tungstène et niobium) ; Kenya (7ème pour le zircon ; 8ème pour le titane) ; Soudan (10ème producteur d’or). La valeur des exportations minières sur l’ensemble de la région s’est élevée à près de 9 Mds USD en 2021, portée principalement par les exportations d’or (Tanzanie : 2,7 Mds USD ; Soudan : 2,0 Mds USD). Afin d’attirer les investisseurs, les pays de l’AEOI révisent leur cadre règlementaire et tentent de règlementer et formaliser le secteur artisanal, qui domine toujours la production minière. Le développement du secteur reste toutefois contraint par un ensemble de facteurs structurels tandis que des progrès notables sont attendus dans l’amélioration des conditions de travail et la préservation de l’environnement.

Grâce à ses ressources variées, la région AEOI développe progressivement son secteur minier

Située dans une région géologiquement riche, l’AEOI possède des ressources minières diversifiées en métaux précieux comme l’or (Tanzanie, Soudan, Ouganda, Rwanda) ou en diamant (Tanzanie) ; en minerais industriels tels que la gypse (Ouganda, Ethiopie), le graphite (Madagascar), le zircon (Kenya) ; en métaux ferreux comme le titane (Kenya), le tantale et niobium (Rwanda, Burundi) ou le nickel (Madagascar, Burundi) ; ou en métaux non-ferreux à l’instar de l’étain (Rwanda), cuivre (Erythrée) ou zinc (Erythrée). Seules les îles de l’océan indien (Comore, Seychelles, Maurice) ne possèdent pas de ressource significative, ni d’activités d’extraction. En dépit de cette variété, la quantité de ressources estimées reste mal connue, faute d’études géologiques récentes et d’évaluation qualitative et quantitative précises.

Certains pays comptent parmi les premiers producteurs de minerais. Madagascar est actuellement le 3ème producteur mondial de graphite, et pourrait se placer comme un fournisseur clé de ce minerai. Le Rwanda est l'un des plus grands producteurs mondiaux de tantale (3ème producteur mondial ; 14,3 % de la production en 2020), de tungstène (5ème ; 1,23 %) et de niobium (5ème ; 0,17 %). Le Soudan est le principal producteur d’or de la région (3ème du continent, 10ème mondial) avec une production qui dépasse les 100 tonnes/an. La Tanzanie s’impose également sur la production de métaux et pierres précieuses en étant le 17ème/97 producteur mondial d’or (1,74 % de la production totale) et le 12ème/22 producteur de diamant (0,2 %). Tandis que le Kenya se distingue comme 7ème/18 producteur de zircon et 8ème/23 producteur de titane.

Ces ressources constituent une source de revenus et de devises importante pour les pays de la région. La valeur des exportations minières sur l’ensemble de la région s’est élevée à près de 9 Mds USD en 2021, portée principalement par les exportations d’or. La Tanzanie a exporté une valeur de 3,0 Mds USD de pierres précieuses et métaux dont 2,7 Mds d’or, le Soudan 2,0 Mds USD d’or et l’Ouganda 1,8 Md USD. A Madagascar, le secteur minier devrait constituer un tiers des recettes totales issues des exportations en 2022, devant la vanille (17 %).

Le secteur minier est érigé comme un des piliers du développement économique national par beaucoup de gouvernemments de la région. Les objectifs en matière de contribution au PIB sont élevés, et souvent peu réalistes. Le Kenya s’est ainsi fixé, dans le plan Vision 2030, de porter la contribution du secteur minier à 10 % du PIB en 2030, une contribution qui s’élevait à seulement 1,1 % en 2021. L’Ouganda compte également sur ce secteur, qui contribuait seulement à hauteur de 1,8% du PIB en 21, pour accéder au statut de pays à revenu intermédiaire.

Le développement de l’activité minière reste contraint par certains facteurs structurels, comme l’absence de données fiables et récentes sur les ressources ; le manque de soutien financier aux activités d’exploration ; le besoin de renforcement des capacités institutionnelles et de formation de main d’œuvre qualifiée ; la prévalence du secteur informel et du commerce illicite des minerais ainsi que les infrastructures inadéquates (transport terreestres, ports, accès suffisant à l’énergie électrique).

 

Des cadres règlementaires récemment renouvelés afin de favoriser les investissements privés et étrangers

Les ressources minières et minérales découvertes et exploitées sont la propriété des Etats (ou dans de rares cas, des autorités locales) pour l’ensemble des pays de la zone. Les gouvernements sont en charge, via des ministères dédiés de la gestion de ces ressources et de la délivrance des titres miniers. Afin de créer un environnement règlementaire et fiscal attractif pour les investisseurs, de nombreux pays ont procédé à la création ou à la réforme récente de leurs codes miniers. Le Kenya et Djibouti ont ainsi révisé leurs codes miniers en 2016, le Burundi s’est quant à lui doté de cet outil en 2013. Des incitations fiscales ont également été adoptées. Au Rwanda par exemple, le Rwanda Development Board a mis en place des mécanismes d’incitations fiscales telles qu’une exonération d’impôt sur les sociétés pour les entreprises minières qui installeraient leur siège dans le pays ainsi qu’une exonération de 7 ans pour les investissements de plus de 50 MUSD, des réductions sur les droits de douanes et TVA. En Ouganda, la taxe imposée sur chaque kilo d’or exporté, qui avait été portée à 200 USD en juin 2021 et nettement réduit l’activité du secteur aurifère, a été abaissée à 100 USD en octobre 2022.

Si des mesures fiscales et règlementaires ont été mises en place pour renforcer l’attractivité du secteur, le cadre règlementaire découle également d’un arbitrage nécessaire pour garantir des revenus aux gouvernements et bénéficier plus largement au développement économique national. Certains Etats imposent ainsi une participation obligatoire de l’Etat dans les entreprises minières. En Tanzanie, cette participation s’élève à au moins 16 % des sociétés de projet ; 15 % en Ouganda (via la Uganda National Mining Company) pour les grandes et moyennes entreprises minières ; 10 % au Burundi. En Erythrée, la société publique National mining company (ENAMCO) possède au moins 40 % des parts dans toutes les opérations.

Un système de redevances payables par les titulaires de licences/permis d’exploitation minière est appliqué sur la valeur brute des minerais. Selon les pays, ces redevances peuvent bénéficier au gouvernement central, aux autorités locales et aux communautés vivant à proximité du site d’extraction. A ces revenus pour les gouvernements, s’ajoute les impôts sur le revenu des sociétés et individus ayant des activités minières.

Des exigences de contenu local peuvent être imposées pour les compagnies minières dans certains pays pour favoriser la main d’œuvre et les sous-traitants locaux. Partie intégrante de nombreux codes miniers, afin de donner la préférence aux matériaux, produits, services et main d’œuvre locales, ces exigences ne sont toutefois pas toujours liées à des seuils spécifiques (Kenya, Burundi, Ouganda).  

 

Malgré l’importance du secteur informel et artisanal, les multinationales étrangères dominent les activités d’extraction et de transformation à large échelle

Le secteur minier en AEOI demeure essentiellement peu industrialisé et dominé par les activités informelles ou de petite échelle. Au Rwanda, en Ouganda ou au Soudan, les entreprises artisanales représentent par exemple 80 % de la production minière du pays. L’exploitation artisanale reste également le premier mode d’opération en Tanzanie, en Ethiopie bien que des mesures soient progressivement mises en œuvre pour formaliser le secteur.

L’implication des multinationales étrangères est forte sur les projets d’extraction à grande échelle.  Les groupes australiens sont particulièrement impliqués dans la région : Rio-Tinto à Madagascar ; Base Resources (via Base Titanium) au Kenya, ainsi que les canadiens : NextSource à Madagascar, Twiga Mineral (Barrick Gold) en Tanzanie. Des entreprises sud-africaines exploitent également des mines en Tanzanie (AngloGold Ashanti ainsi que des britanniques (Shanta Gold, Petra Diamond en Tanzanie ; Rainbow Rare Earths au Burundi). Les entreprises chinoises sont très présentes dans le secteur en Erythrée (Zijin – mine de cuivre et zinc de Bisha ; Sichan Chinese co – mine d’Asmara) et sur le segment du traitement des minerais et raffineries au Kenya (H-Nuo Company ) ou en Ouganda (Wagagai Ltd). L’augmentation récente des cours mondiaux de matières premières, liée à la guerre en Ukraine, et à plus long terme l’augmentation de la demande ce certains minerais liée à transition énergétique[3], ont renouvelé l’interêt des ces multinationales pour l’exploration minière dans la région.

Aucune entreprise française – ni européenne – n’est réellement active parmi les grandes entreprises minières présentes dans la région. Toutefois, les activités minières du pays peuvent faire intervenir de nombreuses entreprises françaises de manière indirecte. Près de 208 sous-traitants français sont impliqués sur le projet d’extraction de nickel d’Ambatovy à Madagascar. Des opportunités peuvent exister pour les entreprises françaises dans la fourniture de services ou de biens en marge des activités d’extraction : fourniture énergie ou services énergétiques notamment la fourniture de solutions automones via des énergies renouvelables, solaire ou mini-hydoélectricité (Total, Air Liquide, Engie Energy Access, Schneider Electric, etc) ; transport et logistique (Colas, Bolloré), télécommunications (Orange, Sagemcom) ; restauration (Nas-Servair, Newrest) ; ou la sécurité. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) – établissement public français de référence sur le secteur de l’exploration – est, en outre, un des partenaires historiques de certains pays de la région (notamment francophones Madagascar ou Djibouti) avec des prestations d’études sur les ressources minières ou d’assistance technique aux services miniers publics.

 

Les règlementations sociales et environnementales sont inégalement adoptées et appliquées

Si pour la construction des mines, les déplacements de populations sont fréquents, en phase d’exploitation, les conditions de travail dans les mines artisanales sont souvent peu optimales, voires dangereuses. En 2019, le gouvernement Kenyan a fermé une quarantaine de mines d’or artisanales du comté de Migori pour des raisons de protection des travailleurs, exposés à des conditions de travail dangereuses (effondrement de mines, traitement de l’or avec des produits chimiques, exposition au mercure), et de travail illégal d’enfants. En 2012, le Rwanda a arrêté intégralement la production de minerais aux abords de la rivière Sebeya pourtant l’une des zones les plus riches du pays car l’activité minière affectait durablement l’écosystème du lieu.

Malgré l’existence de régulations et politiques environnementales dans la plupart des pays, et des autorités environnementales qui assurent leur application, les dégradations restent importantes. Si le secteur minier artisanal et de petite échelle a une plus faible capacité de nuisance par site, les capacités de réductions des dommages et de contrôle de ces dommages sontégalement réduites. Ces activités peuvent ainsi contribuer à l’appauvrissement des sols, la contamination de l’eau (drainage minier acide), la perte de biodiversité, ou générer des explosions et incendies. La construction des mines accentue par ailleurs le phénomène de déforestation. Au Kenya, le secteur a fortement contribué à la perte d'arbres indigènes, de prairies, de forêts et de terres agricoles. Localement, les activités minières contribuent également à la pollution de l’air. 

La transparence constitue également un enjeu de taille pour favoriser une gouvernance saine du secteur, s’assurer d’une répartition équitable des revenus entre les gouvernements et les entreprises minières et générer des retombées sociales et économiques positives pour le pays. Le Rwanda reste par exemple régulièrement accusé d’importer illégalement des minerais (or et coltan) des régions est de la RDC. Plusieurs pays de la région (Ethiopie, Madagascar, Seychelles, Tanzanie et Ouganda) se sont ainsi engagés à renforcer la transparence et la redevabilité de leur secteur extractif en adhérant à l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), et en s’engageant à mettre en œuvre la Norme ITIE.