Le Bulletin se compose des productions récentes du Service économique régional de Pékin au sujet de l’économie chinoise.

Les entreprises d’Etat, piliers du système économique sous Xi Jinping

Les entreprises d’Etat (SOEs) chinoises ont la particularité de répondre à la fois aux consignes politiques de l’Etat-Parti et aux opportunités d’une économie de marché. Dans la vision économique de Xi Jinping, les SOEs ont vocation à développer les technologies stratégiques, à sécuriser les chaines de valeurs, à devenir des leaders mondiaux et à contribuer à la stabilisation macroéconomique post-covid. Ce modèle s’appuie sur l’influence du Parti communiste chinois (PCC), dont le rôle au sein de la gouvernance des SOEs s’est renforcé en parallèle de l’introduction de nouvelles méthodes de gestion censées favoriser les mécanismes de marché et l’innovation.

 

L’établissement de chaînes de valeur « sûres, indépendantes et contrôlables » au cœur de la politique économique

 

L’ouverture du pays reste plus que jamais sélective et conditionnelle. Les tensions avec les Etats-Unis ces dernières années ont cependant instillé auprès des autorités chinoises un sentiment d’urgence pour mettre en place des mesures ambitieuses de sécurisation des chaînes de valeur. C’est aussi en réaction à la volonté affichée d’une moindre dépendance à son égard que la Chine veut s’assurer que l’économie mondiale reste, au contraire, largement imbriquée à la sienne. Elle mise pour cela sur l’attractivité de son marché pour les entreprises étrangères, la conclusion d’accords économiques, et la construction d’un arsenal législatif pour répondre aux sanctions étrangères.

 

Les « routes de la soie » structurent toujours la projection chinoise à l’étranger

Lancée en 2013 par Xi Jinping, l’initiative « une ceinture, une route » (BRI) doit répondre aux besoins en infrastructures des pays en développement ; elle constitue surtout l’un des principaux instruments de la Chine pour (i) sécuriser ses approvisionnements (matières premières en particulier) ; (ii) développer de nouveaux marchés pour ses entreprises (publiques principalement) ; (iii) promouvoir un ordre international qui lui est favorable (grâce à l’appui politique des pays bénéficiaires). Malgré les défis posés par la pandémie (mise à l’arrêt de nombreux projets, crise de la dette), les investissements chinois devraient continuer d’affluer dans les pays récipiendaires, au vu de l’importance accordée à cette initiative par Xi Jinping (concept ajouté dans la constitution lors du 19e Congrès du PCC en 2017, au même moment que le fut sa « pensée »).

 

Semi-conducteurs : les espoirs de rattrapage technologique face aux mesures américaines

Inquiètes du retard technologique persistant de l’industrie chinoise et de sa dépendance aux technologies étrangères, les autorités ont lancé une campagne punitive au sein de la gouvernance du secteur des semi-conducteurs. Sous pression, plusieurs entreprises ont affiché certains progrès ces derniers mois, qui restent néanmoins à relativiser. Alors que les effets des restrictions américaines pourrait se matérialiser, la stratégie chinoise consistant à rattraper son retard en s’appuyant sur les technologies étrangères, tout en se positionnant sur des technologies émergentes, pourrait avoir atteint ses limites.

 

Quelle place pour les constructeurs automobiles étrangers sur le marché chinois ?

Le 1er janvier 2022, la Chine a levé l’obligation de coentreprise (JV) pour les constructeurs automobiles étrangers. Déjà en vigueur depuis 2018 pour les véhicules à énergies nouvelles (VEN), cette ouverture permet aux marques étrangères de renégocier leurs participations dans leurs JV, et plus généralement de redéfinir leur stratégie en Chine dans un contexte de plus en plus concurrentiel. En janvier 2021, les ventes des JV sino-étrangères étaient en recul et sont devenues inférieures à celles des marques locales. Alors que les ventes de véhicules électriques représentaient 22,6% des nouvelles immatriculations en Chine en décembre 2021, seules deux entreprises à capitaux étrangers (SAIC-GM-Wuling et Tesla) figuraient parmi les dix premiers producteurs de VEN en Chine. Alors que la transition vers les VEN s’accélère, la Chine se transforme progressivement en plateforme d’exportation et source d’innovation pour les constructeurs étrangers.

 

La canicule et ses effets mettent le pays au défi de la nouvelle normalité climatique

Le centre de la Chine a connu tout au long de l’été des températures jamais enregistrées. La canicule a été particulièrement intense le long du fleuve Yangtzé, avec des effets sur la production d’électricité (essentiellement hydraulique), l’industrie, l’agriculture et l’alimentation en eau. Ces évènements viennent rappeler la vulnérabilité de la Chine au changement climatique, auquel elle reste mal préparée.

 

Amélioration économique en trompe l’œil pour le mois d’août 2022

La relative amélioration des indicateurs de conjoncture pour la Chine au mois d’août s’explique par (i) un effet de base, (ii) des facteurs temporaires et (iii) les efforts déployés par les autorités pour stimuler l’économie à court terme. Il semble inexact d’y voir un retournement durable de tendance : l’économie chinoise continue de faire face à de nombreuses pressions baissières – politique 0-Covid et crise de l’immobilier en tête – qui ne montrent pas de signes d’amélioration. Dans un contexte budgétaire dégradé pour les gouvernements locaux, et un cadre de politique monétaire contraint par la dépréciation du yuan, les mesures de relance se poursuivent, avec une efficacité limitée.

 

L’inflation peut-elle rester durablement faible ?

Dans le sillage de la guerre russo-ukrainienne, les prix agricoles, de l’énergie et des matières premières connaissent des augmentations exceptionnelles, qui pourraient s’avérer durables. Pour autant, la Chine n’a pas encore vu son inflation, traditionnellement faible, remonter aux niveaux constatés dans les pays occidentaux depuis mars : ce sont bien davantage des facteurs internes, et notamment la politique 0-Covid, qui semblent déterminer depuis deux ans les niveaux des prix en Chine. En parallèle, l’influence plutôt déflationniste de la Chine sur l’économie mondiale pourrait connaitre un renversement qu’il faudra surveiller.

La dépendance de la croissance au secteur immobilier

Après vingt ans de développement fulgurant, le secteur immobilier chinois est confronté à une crise majeure. Or, au-delà de ses aspects conjoncturels, cette crise traduit un essoufflement du modèle de croissance chinois, fondé sur un secteur immobilier profondément déséquilibré. Les autorités font aujourd’hui face à un dilemme, entre les deux impondérables que constituent l’assainissement structurel du secteur et la relance conjoncturelle de l’économie.

 

Le soutien public peine à enrayer la crise immobilière

La crise que traverse le secteur immobilier chinois depuis la mi-2021, en partie attribuable aux mesures de solvabilité prises mi-2020, continue de s’étendre. Alors qu’Evergrande a échoué à publier un plan de restructuration en juillet, les difficultés touchent dorénavant l’ensemble des promoteurs. Ceux-ci connaissent toujours de graves problèmes de liquidité, qui conduisent à l’augmentation des délais de construction des logements neufs. De nombreuses mesures de soutien ont été déployées pour limiter la contagion, à ce stade sans réellement mettre fin à la crise.

 

Nouvelle gouvernance en matière de stabilité financière

La PBoC, en lien avec d’autres agences gouvernementales chinoises (dont le ministère des finances, la CBIRC et la SAFE) a présenté le 6 avril un projet de loi sur la stabilité financière. Il porte notamment sur les mesures de résolution pour l’ensemble des institutions financières (banques, assurances, infrastructures de marchés) et sur la mise en place d’un « fonds de garantie de stabilité financière », lequel avait été annoncé par le premier ministre Li Keqiang lors des Lianghui (assemblées annuelles) en mars dernier.

 

Quelle stratégie commerciale vis-à-vis des Etats-Unis ?

Après cinq ans de guerre commerciale et malgré l’absence de dialogue constructif, les relations économiques sino-américaines restent étonnamment dynamiques, aussi bien en matière de commerce que d’investissement. La Chine se prépare à un conflit qui s’inscrit dans la durée, par l’intensification de sa stratégie d’autosuffisance et le renforcement de son rôle dans les chaînes de valeur.

 

Commerce bilatéral: creusement du déficit au S1 2022

Le premier semestre 2022 est marqué par une dégradation du déficit commercial de la France avec la Chine (+54,7 % à 26,5 Md€) du fait de mauvaises performances des exportations (-13,7 % en g.a. à 10,4 Md€) et d’une forte hausse de la demande française en biens chinois (+26,5 % à 36,9 Md€). L’exposition commerciale de la France à la Chine progresse de 6,5 % des échanges totaux au S1 2019 à 7,2 % au S1 2022.

 

Vers un assouplissement des mesures de régulation dans les secteurs de la Tech

Au printemps dernier, plusieurs signaux d’assouplissement concernant la campagne de « rectification » menée depuis fin 2020 contre l’économie de plateforme ont été perceptibles. Cet ajustement semble cependant dicté par des considérations économiques, et non un changement de paradigme. Le 29 avril, les consignes du Politburo pour soutenir le « développement sain de l’économie de plateforme » ne constituent pas un désaveu de la politique répressive menée depuis un an et demi, mais plutôt un ajustement pour « concilier développement et sécurité ». Il s’agit de promouvoir une approche plus prévisible des nouvelles régulations afin de stabiliser la situation boursière des grands groupes du numérique, dont la dévalorisation risque d’amputer les perspectives de développement. Dans le contexte difficile de la pandémie, l’objectif est surtout de temporiser pour stabiliser la croissance et l’emploi en 2022, alors que des licenciements massifs (jusqu’à 20% des effectifs) ont eu lieu ces derniers mois dans les grands groupes du secteur.

 

Régulation des contenus en ligne : la vision d’un cyberespace « civilisé »

En parallèle de la reprise en main de l’économie de plateforme initiée fin 2020, les autorités renforcent le contrôle des contenus en ligne, jusqu’à réguler des applications émergentes comme les algorithmes de recommandation et les deep fakes. L’Etat-parti tente de façonner un cyberespace « civilisé » conforme à ses idées politiques et morales à travers le contrôle des contenus et la promotion d’informations conformes avec sa doctrine. Pour ce faire, un effort collectif des acteurs du numérique est requis (internautes, influenceurs sur les réseaux sociaux, fournisseurs de services et plateformes), bien que la responsabilité soit principalement donnée à ces dernières. Face à ce resserrement, les entreprises du numérique, par ailleurs affaiblies par la reprise en main du secteur, doivent se montrer proactives dans leur mise en conformité.

 

Les restrictions des transferts transfrontaliers de données se précisent, impliquant un découplage subi pour les entreprises étrangères

Alors que la restriction des transferts transfrontaliers de données est prévue depuis 2017 par la loi sur la cybersécurité, puis réaffirmée par les lois sur la sécurité des données et la protection les données personnelles, les modalités d’exemption se précisent progressivement depuis l’automne 2021. A partir du 1er septembre 2022, la procédure pour l’autorisation des transferts transfrontaliers de données sensibles sera formellement appliquée pour les données considérées comme sensibles. Après une procédure d’auto-évaluation et une approbation, ces transferts pourront être autorisés sous conditions. Néanmoins, de nombreuses incertitudes demeurent, qui poussent les entreprises étrangères à s’adapter en urgence.

 

Le revirement sur le soutien au charbon met-il en péril les objectifs climatiques chinois ?

Après le « moment climatique » observé à la suite de l’annonce de la neutralité carbone en 2020, l’heure est au retour d’une mentalité conservatrice des autorités chinoises sur le charbon et la sécurité énergétique, dans le contexte des pénuries énergétiques et du conflit russo-ukrainien. Si les mesures se sont multipliées pour augmenter la production de combustible et stabiliser les prix, cette priorisation des intérêts de court terme ne remet cependant pas en cause le double objectif 30/60 – les énergies renouvelables continuant à être déployées à un rythme record – mais le rendra sûrement plus difficile et coûteux à atteindre.

 

Les stratégies de la Chine pour développer sa puissance agricole sur 20 ans

Si la Chine reste au premier rang des pays producteurs de produits agricoles pour assurer la sécurité alimentaire en grains de sa population, elle dépend cependant des marchés internationaux pour couvrir ses besoins en oléagineux et en alimentation animale. Avec encore de très nombreuses petites exploitations, les politiques agricoles encouragent la modernisation, la concentration, la standardisation et l’innovation au détriment de la durabilité environnementale et des spécificités régionales. Les importations de produits agricoles restent nécessaires et constituent paradoxalement une arme chinoise efficace de guerre commerciale du fait de la dépendance de certains pays partenaires à cet énorme marché.

 

Le transport aérien, déjà au plus bas, frappé par la vague COVID19

Les principales compagnies aériennes chinoises ont cumulé près de 6 Mds EUR de pertes en 2021. Peu d’espoir d’un retour à l’équilibre en 2022 tant la période s’avère préoccupante, aussi bien sur le plan intérieur que pour les vols internationaux, suite à la flambée épidémique de COVID-19.

 

Quelles avancées pour la monnaie numérique chinoise en 2022 ?

L’architecture technique du projet de monnaie numérique de banque centrale (MNBC), lancé en 2014, est aujourd’hui fixée. En pratique, l’e-CNY est d’ores et déjà disponible à l’usage dans 23 villes et régions chinoises ; les JO d’hiver de février 2022 ont constitué le dernier projet pilote majeur, incluant des testeurs non-résidents. Visant à contester le duopole des services de paiement privés Alipay et WeChat Pay, le développement de l’e-CNY demeure à ce stade très encadré par la PBoC.