Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

-          Les tensions sur le marché du travail persistent

-          Les prix à la consommation ralentissent légèrement

-         Les marchés actions et les crypto-actifs enregistrent des baisses importantes, le stablecoin Terra s’effondre

Services financiers

-          La secrétaire au Trésor et la Fed exposent leur vision des risques pesant sur la stabilité financière

-          L’OCC souhaite une refonte du régime des fusions bancaires

-          S&P retire sa proposition sur l’évaluation de la solvabilité des assureurs

Brèves

 

 

Conjoncture

 

Les tensions sur le marché du travail persistent

Le rapport mensuel du Bureau of Labor Statistics (BLS) sur la situation de l’emploi fait état de  428 000 créations nettes d’emplois en avril, un niveau supérieur aux attentes du marché (400 000). Les créations ont néanmoins été révisées à la baisse pour février (-36 000, à 714 000) et légèrement à la baisse pour mars (‑3 000, à 431 000).

Les emplois créés sont concentrés dans les services, notamment les loisirs et le tourisme (+78 000), l’industrie manufacturière (+55 000), le transport et l’entreposage (+52 000) et les services aux entreprises (+41 000).

Le taux de chômage s’est établi à 3,6 % (stable par rapport à mars), soit +0,1 point au-dessus de son niveau d’avant-crise (février 2020). Le taux d’emploi a reculé de -0,1 point, à 60 %, et le taux d’activité de -0,1 point, à 62,2 %. Ils sont tous les deux -1,2 point en-deçà des niveaux d’avant-crise.

 

Les prix à la consommation ralentissent légèrement

L’indice des prix à la consommation (IPC) a progressé de +0,3 % en avril selon le BLS (après +1,2 % en mars) et sa composante sous-jacente (hors alimentation et énergie) de +0,6 % (après +0,3 %). Les prix de l’énergie ont ralenti après une forte accélération en avril (-2,7 % après +11 % en mars et +3,5 % en février) et ceux de l’alimentation ont été quasi-stables à +0,9 % après +1,0 % en mars et février. Le prix des véhicules d’occasion poursuit son recul (-0,4 % après -3,8 % en mars et ‑0,2 % en février) mais les prix des véhicules neufs et des services de transports ont de nouveau accéléré (+1,1 % après +0,2 % et +3,1 % après 2,0 %, respectivement).

En glissement annuel, l’inflation s’est établie à +8,3 % (-0,2 point par rapport au mois précédent) et sa composante sous-jacente à +6,2 % (‑0,3 point). Le prix de l’énergie a augmenté de +30,3 % et celui de l’alimentation de +9,4 %.

Le président Joe Biden a immédiatement réagi en reprenant les éléments d’un discours qu’il avait prononcé la veille : il impute cette inflation élevée aux perturbations dans les chaînes d’approvisionnement liées à la pandémie et l’envolée des prix de l’énergie et des matières premières à la guerre en Ukraine.

 

Les marchés actions et les crypto-actifs enregistrent des baisses importantes, le stablecoin Terra s’effondre

Les marchés actions américains ont poursuivi cette semaine leur dynamique baissière, dans un contexte marqué par une inflation persistante, des hausses de taux de la Fed et des incertitudes géopolitiques. Au 12 mai 2022, l’indice S&P 500 affichait une baisse de -10 % sur une semaine et de -18 % depuis le début de l’année. Les valeurs technologiques étant particulièrement sensibles à l’évolution des taux d’intérêt, l’indice Nasdaq 100 a baissé de -13 % sur une semaine  et de -27 % depuis le début de l’année. Ces fortes baisses apparaissent alors qu’une large majorité des 500 plus grandes entreprises américaines cotées ont publié ces derniers jours des résultats conformes ou supérieurs aux attentes des analystes pour le 1er trimestre 2022.

Les principaux crypto-actifs ont également fortement baissé ces derniers jours : entre le 5 et le 12 mai, la valeur du Bitcoin a diminué de  -23 % et celle de l’Ether de -30 %. La corrélation des crypto-actifs avec les marchés actions  s’est accrue depuis le début de l’année : selon Arcane Research, le coefficient de corrélation du Bitcoin avec l’indice Nasdaq a atteint un niveau record de 0,82 début mai.

Le stablecoin TerraUSD, qui n’est pas couvert par des réserves mais dont l’ancrage au dollar était censé être assuré par son lien algorithmique avec le crypto-actif Luna, n’a pas maintenu sa valeur cible de 1 dollar et atteignait 44 centimes le 12 mai. Dans le même temps, la valeur du Luna s’est effondrée jusqu’à atteindre 0,3 centimes le 12 mai, alors qu’il s’échangeait à 116 dollars début avril ; il présentait alors une capitalisation de marché de 41 Md USD, contre 790 M USD le 12 mai.  Dans ce contexte de forte volatilité, le premier  stablecoin au monde par la capitalisation (80 Md USD d’encours), Tether, qui dispose d’actifs de réserves en dollars, a également subi un épisode rapide de décrochage le 12 mai, sa valeur atteignant brièvement 95 centimes avant de revenir proche de 1 dollar.

 

 

Services Financiers

 

La secrétaire au Trésor et la Fed exposent leur vision des risques pesant sur la stabilité financière

La secrétaire au Trésor Janet Yellen a été auditionnée cette semaine au Sénat et à la Chambre des représentants pour présenter le rapport annuel du Financial Stability Oversight Council (FSOC), le conseil chargé de la stabilité financière. J. Yellen a souligné quatre priorités : (i) encadrer les institutions financières non bancaires (NBFI), en particulier les fonds monétaires, les hedge funds et les fonds ouverts ; (ii) renforcer la résilience du marché des obligations souveraines (Treasuries) ; (iii) prendre en compte les risques financiers liés au climat et (iv) être attentifs au marché des crypto-actifs. Elle a de nouveau recommandé au Congrès de définir par la loi un encadrement des stablecoins.

La Fed a également publié le 9 mai son rapport semestriel sur la stabilité financière. Celui-ci évalue quatre dimensions. (i) Les valorisations élevées des actifs (actions, obligataires et matières premières) constituent une source de vulnérabilité du système financier. Les principaux marchés ont affiché ces derniers mois une hausse de leur volatilité et une baisse de leur liquidité. La valorisation des actions par rapport aux bénéfices des entreprises a diminué mais reste supérieure à sa moyenne de long terme. L’immobilier affiche des prix en croissance et élevés par rapport aux loyers. (ii) L’endettement des ménages et des entreprises reste soutenable, la dette privée rapportée au PIB ayant diminué pour revenir à son niveau pré-pandémique. (iii) En outre, le niveau de levier du secteur financier reste hétérogène : si les banques présentent des niveaux de fonds propres satisfaisants, les assureurs vie et les hedge funds ont encore accru leur levier. Les assureurs vie, qui ont augmenté la duration de leurs actifs ces dernières années, sont particulièrement exposés au risque d’un choc de taux. (iv) Enfin, les risques de liquidité sont limités pour les banques, qui disposent d’une réserve importante d’actifs liquides, mais élevés pour les NBFI, en particulier les fonds monétaires et les assureurs vie. Le rapport insiste sur la hausse des appels de marge des chambres de compensation liée à la volatilité des prix des matières premières, ainsi que sur les risques liés aux stablecoins (cf. supra).

Parmi les risques importants à court terme, la Fed évoque également l’inflation élevée et persistante, les effets directs et indirects de la guerre en Ukraine et les niveaux élevés d’endettement dans les pays émergents, notamment dans le secteur immobilier chinois.

 

L’OCC souhaite une refonte du régime des fusions bancaires

Le 9 mai, Michael Hsu, président par intérim de l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC), régulateur des national banks, est intervenu sur le sujet des fusions bancaires.

Il a souligné l’obsolescence du cadre d’analyse et d’approbation des fusions bancaires, rappelant que le secteur bancaire avait fortement évolué depuis sa dernière mise à jour en 1995. En particulier, le marché bancaire américain a vécu une forte dynamique de concentration, alors que les 25 plus grandes banques concentrent aujourd’hui 65 % des actifs, contre 30 % en 1995. En outre, le développement des NBFI des néo-banques a changé les dynamiques de concurrence sur certaines activités bancaires.

Michael Hsu a demandé à ses équipes de travailler, en collaboration avec le Department of Justice (DoJ), à une révision du régime d’approbation des fusions bancaires. En particulier, le nouveau cadre devra proposer (i) une évaluation plus granulaire des effets d’une opération de fusion sur la concurrence, (ii) une analyse plus approfondie des conséquences pour l’accès aux services bancaires, en systématisant les réunions publiques d’échange en lien avec un projet de fusion, et (iii) le renforcement du cadre d’analyse des risques en matière de stabilité financière, en particulier pour les fusions susceptibles de créer de nouveaux établissements de taille systémique.

 

S&P retire sa proposition sur l’évaluation de la solvabilité des assureurs

L’agence de notation de crédit Standard & Poor’s (S&P) a annoncé le 9 mai qu’elle retirait sa proposition relative à l’évaluation de la solvabilité des assureurs qu’elle avait publiée le 6 décembre 2021. S&P souhaitait notamment modifier la manière dont elle évalue les titres détenus par les assureurs et notés par d’autres agences de notation pour retenir, dans l’évaluation de ces titres, des notations inférieures à celles attribuées par les autres agences de notation. La modification devait s’appliquer à l’ensemble des assureurs et réassureurs notés par S&P, quelle que soit leur implantation géographique.

Cette proposition avait suscité de vives critiques de la part des assureurs et des autres agences de notation, qui dénonçaient une atteinte à la concurrence. Ils ont pu s’exprimer au Congrès le 11 mai, dans le cadre d’une audition organisée par la commission des services financiers de la Chambre des représentants. Le 29 avril, le DoJ a également adressé à S&P une lettre soulignant sa préoccupation face au risque que les assureurs soient pénalisés lorsqu’ils investissent dans des titres notés par d’autres agences. Lors du retrait de sa proposition, S&P a indiqué qu’une modification alternative serait proposée en consultation.

Un rapport publié en janvier par la Securities and Exchange Commission (SEC), le régulateur des marchés financiers, montrait que le marché des notations de crédit aux États-Unis reste très concentré, avec 50 % des parts de marché pour S&P, 32 % pour Moody’s et 13 % pour Fitch.

 

 

 

Brèves                 

 

-La SEC a publié le 3 mai un ensemble de recommandations aux sociétés émettrices de titres devant communiquer sur  les risques  liés au conflit  ukrainien pour leur activité.

-Le 5 mai, les régulateurs bancaires américains (la Fed, la Federal Deposit Insurance Corporation – FDIC –  et l’OCC) ont proposé une révision des règles d’application du Community Reinvestment Act (CRA), qui oblige les banques à répondre aux besoins de financement des quartiers et populations défavorisés dans le territoire où elles sont implantées. La proposition vise notamment à imposer des exigences aux banques en ligne.

-Le 9 mai, la SEC a annoncé l’extension jusqu’au 17 juin de la période de commentaire relative à sa proposition de règles sur la transparence climatique de sociétés cotées, qui devait initialement se clore le 20 mai. La SEC a également annoncé la réouverture de la période de commentaire relative à deux propositions de règles publiées le 26 janvier concernant (i) les exigences de transparence des private funds et (ii) l’encadrement des places de marché alternatives (« dark pools ») utilisées sur le marché des obligations souveraines (Treasuries).

-Le 10 mai, les sénateurs Elizabeth Warren (D – Massachusetts) et Marco Rubio (R – Floride) ont enjoint à Janet Yellen, secrétaire au Trésor, de finaliser la mise en application du Corporate Transparency Act (CTA) adopté en 2020. Le CTA vise à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement de la criminalité, en requérant notamment plus de transparence quant aux bénéficiaires effectifs des sociétés.

-Le 10 mai, E. Warren et la représentante Katie Porter (D – Californie) ont adressé des lettres aux dirigeants des banques Goldman Sachs et JP Morgan leur demandant des informations sur leurs opérations et leurs activités de courtage opérées sur le marché secondaire de la dette souveraine russe.

-La Fed de Dallas a annoncé le 11 mai la nomination de Lorie Logan, précédemment directrice des opérations de marché de la Fed de NY, comme présidente, poste occupé par Meredith Black par intérim depuis la démission de Robert Kaplan le 8 octobre 2021. Cette nomination doit être approuvée par le Conseil des gouverneurs de la Fed.

-Le Sénat a confirmé, sur une ligne partisane, la nomination de Lisa Cook (51-50) et, de façon bipartisane, celle de Philip Jefferson (91-7), comme gouverneurs de la Fed, ainsi que la reconduction de Jerome Powell comme président de la Fed (80-19).