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Zoom de la semaine: Situation économique et financière de la Moldavie

Appartenant à la tranche supérieure des pays à revenu intermédiaire (PIB par habitant de 5199 USD en 2021 selon la Banque mondiale), la Moldavie est l’un des pays les plus pauvres d’Europe. Elle fait face à des défis très importants en matière d’environnement des affaires, de productivité et de démographie. En 2020, la profonde récession a interrompu une phase de stabilité macroéconomique. En 2021, l’activité économique a vivement repris, au-delà même des prévisions des IFI. En 2022, aux risques liés à la pandémie, à la poussée inflationniste et au coût de l’énergie, s’ajoutent ceux relevant de la situation géopolitique dans la région. Les enjeux de moyen-long terme se cristallisent autour du chantier des réformes de structure, qui est au cœur du programme négocié entre les autorités moldaves et le FMI, et alors que la configuration politique paraît exceptionnellement favorable.

1/ Une reprise économique en 2021 interrompue par la crise géopolitique dans la région. En 2020, la Moldavie a subi un recul de son activité de 8,3%, sous l’effet conjugué de la crise du Covid 19 et d’une chute de la production agricole. L’année 2021 a été marquée par une reprise très solide de 13,9% en g.a. Cette croissance, qui a largement dépassé les estimations du FMI (7,5%) et de la Banque mondiale (6,8%), a été soutenue par la très bonne récolte agricole et la hausse de la consommation (augmentation des ventes de détail de 12% en 2021 en g.a.). La production industrielle a par ailleurs progressé de 12,1% en g.a.

Les prévisions des IFI étaient à l’origine également très positives pour 2022 : le FMI prévoyait en octobre 2021 5,2% de croissance du PIB et la Banque mondiale prévoyait 3,9% début 2022. Suite à l’invasion russe en Ukraine, débutée fin février 2022, et aux sanctions introduites contre la Russie et la Biélorussie, le FMI a revu sa prévision à 0,3% et la Banque mondiale à -0,4%.

L’économie moldave sera en effet nécessairement très affectée par la crise géopolitique. Les risques qui pesaient sur la reprise économique avant la crise géopolitique (prix de gaz, inflation) apparaissent renforcés, tandis que d’autres s’ajoutent.   

Les exportations de la Moldavie vers la Russie et l’Ukraine représentent 12% de ses exportations totales, soit 2,7% du PIB, tandis les importations depuis ces pays atteignent 24%, soit 13% du PIB. Les difficultés en matière de commerce extérieur affecteront donc le compte courant et les revenus du gouvernement, dans le même temps qu’elles accroîtront les pressions inflationnistes.

Les évolutions du prix du gaz constituent en outre l’un des plus gros risques pour l’économie moldave. Le pays dépend largement des livraisons de gaz russe et la situation avec les prix était déjà instable depuis la signature d’un nouveau contrat avec Gazprom (octobre 2021). Le prix du gaz a atteint presque 1200 USD pour 1000 m3 en avril contre 547 USD en mars. En mai, le prix devrait atteindre environ 900 USD. Les autorités ont ajusté les tarifs payés par les consommateurs pour préserver la santé financière de Moldovogaz, la compagnie locale, tout en mettant en place un mécanisme de subvention aux ménages (actif de novembre 2021 à mars 2022) pour éviter un impact social trop élevé. 

Les transferts de fonds des migrants moldaves à l’étranger constituent une ressource importante pour l’économie moldave (environ 12% du PIB en 2021). Ceux en provenance de Russie ont atteint 287,7 M USD en 2021, ce qui représente 18% de tous les transferts vers la Moldavie ou 2% du PIB. L’impact de la situation géopolitique régionale sur les transferts des fonds demeure incertain à ce stade. D’un côté, la récession économie en Russie et les contrôles des capitaux mis en place par le gouvernement russe pourraient diminuer les transferts des fonds, de l’autre les émigrés pourraient envoyer plus de d’argent afin de soutenir leurs familles en Moldavie. En mars 2022, les transferts de fonds aux particuliers en provenance de l’étranger ont atteint 135,5 M USD, soit une baisse de 7,2% en g.a. et une hausse de 19% en g.m.

Un autre risque concerne l’inflation, qui est en hausse depuis début 2021. En janvier 2022, c’est-à-dire avant le déclenchement du conflit en Ukraine, l’inflation a atteint 16,6% en g.a. contre 13,9% en décembre 2021 pour une cible de la Banque centrale fixée à 5% (+/-1,5 point). En février, elle s’est élevée à 18,5% et en mars à 22,2% en g.a. La Banque nationale de Moldavie a augmenté son taux directeur principal de 385 points de base en 2021 (de 2,65 à 6,5%). Depuis début 2022, elle mène une politique encore plus agressive : le taux directeur a ainsi été augmenté de 900 points de base (de 6,5% à 15,5%). Le leu était globalement stable en 2021 : il s’est déprécié de 2% en g.a. en moyenne par rapport au dollar américain. Depuis le début 2022, cette dépréciation s’accélère, notamment après le début de la crise. Ainsi, début mai, le leu s’affiche en baisse de 4% depuis le début de l’année. La Banque nationale de Moldavie est intervenue pour limiter la volatilité du change, ce qui l’a conduite à consommer environ 10% de ses réserves depuis le début du conflit.

Un autre risque est lié à l’afflux important des réfugiés ukrainiens sur le territoire moldave. A mi-avril, environ 430 000 réfugiés avaient passé la frontière moldave, dont près de 100 000 sont restés en Moldavie, ce qui est considérable pour une population estimée à 2,6 M. Cela pourrait affecter la stabilité socio-économique du pays, ainsi que la mise en œuvre des réformes du nouveau gouvernement.   

En ce qui concerne la situation sanitaire, qui a longtemps constitué un risque important, la Moldavie a enlevé quasiment toutes les restrictions épidémiologiques, le nombre de nouveaux cas étant bas depuis quelques mois. Le taux de vaccination reste toutefois toujours très faible (30%) ce qui peut présenter des risques pour l’économie en cas d’une nouvelle vague.

2/ Des fragilités structurelles qui freinent le développement économique.  L’économie de la Moldavie est fortement vulnérable au plan externe. Elle affiche ainsi un important déficit commercial structurel - respectivement 26% et 29% du PIB en 2020 et 2021, soit 4 Md USD, en hausse de 36,7% en g.a. - qui n’est que partiellement compensé par les entrées de devises liées aux envois de fonds de la diaspora (12% du PIB en 2021). Le déficit du compte courant a ainsi augmenté l’année dernière à 11,6% du PIB, après 6,7% en 2020. Les exportations ont atteint le niveau le plus élevé depuis 2017 en pourcentage du PIB, mais les prix des produits importés ont fortement accru les importations en valeur. En 2021, les exportations de biens ont augmenté de 27,5% en g.a. à 3,1 Md USD, tandis que les importations ont augmenté de 32,5% en g.a. à 7,2 Md USD. Le montant des investissements directs étrangers rapporté au PIB a atteint seulement 1,8% en 2021. Les besoins de financement extérieur sont, sur le moyen terme, majoritairement comblés par de la dette externe qui atteignait 72,7% du PIB fin 2021.

La Moldavie a comme atout un niveau d’endettement public relativement contenu. La dette publique, qui atteignait 32,5% du PIB en 2021 se situait actuellement à un niveau raisonnable, à environ 28,8% du PIB prévisionnel fin février 2022. Le FMI prévoit néanmoins une hausse à 38,4% en 2022 et à 40,8% en 2023. Le déficit budgétaire consolidé en 2021 s’est élevé à environ 2,6% du PIB prévisionnel (contre 5,3% en 2020) et est attendu à 7,2% du PIB par le FMI en 2022.

Les réserves de change se situent toujours à un niveau confortable, à plus de 6 mois d’importations à fin décembre 2021 (3,9 Md USD). Fin mars, elles ne s’élevaient toutefois plus qu’à 3,4 Md USD, en baisse de 7,4% en g.a. et ne représentaient plus que 5 mois d’importation.

3/ Un soutien financier des IFI renforcé dans la situation actuelle.  En octobre 2021, pour mémoire, le FMI et les autorités moldaves avaient trouvé un accord technique (staff-level agreement) pour un montant de 558 M USD sur 40 mois. Cet accord a été validé en décembre dernier. Il vise à soutenir les réformes de gouvernance et la reprise économique. Les conditionnalités du programme sont axées sur les réformes de gouvernance, avec notamment une priorité mise sur la lutte contre la corruption et le renforcement de l’état de droit, principaux thèmes de campagne électorale de la présidente Sandu. Elles viseront également à améliorer la gestion des entreprises d’Etat et du budget (en améliorant l’efficacité de la collecte fiscale et de la dépense publique).

Dans le contexte actuel, la Moldavie a sollicité une révision du programme. Le 12 avril, l’accord technique a été trouvé : le soutien du FMI sera augmenté de 267 MUSD après la validation par le Conseil d’administration de FMI en mai. Il est destiné à aider la Moldavie à faire face à l'impact de la crise en Ukraine et à la hausse des prix internationaux de l'énergie et des denrées alimentaires.

En janvier 2022, l’UE a en outre proposé une nouvelle assistance macro-financière (AMF) de 150 M EUR, dont la première tranche sera versée prochainement. Pour mémoire, en juin 2021, la Commission européenne avait annoncé un Plan de redressement économique de la Moldavie, qui prévoit d’allouer jusqu’à 600 MEUR sur 3 ans (36,4 millions ont été déjà versés à la Moldavie). A l’automne 2021, 75 MEUR ont par ailleurs été alloués à la Moldavie par la Commission afin de l’aider à résister à la crise énergétique. Enfin, suite au déclenchement du conflit en Ukraine, l’UE a déjà alloué à la Moldavie 148 MEUR.