SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE

UE/Mercosur : pour lEspagne, il est vital de ratifier laccord au plus vite. Lors d’une intervention au Sénat le 26 avril, le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a souligné, qu'il était « vital » de ratifier au plus vite l'accord entre l'UE et le Mercosur, dans le contexte de la guerre en Ukraine. Le ministre Albares a déclaré qu’il n’y avait « pas de région plus euro-compatible que l'Amérique latine », ajoutant que l'accord avec le Mercosur ne représentait pas seulement un pacte commercial, mais aussi un « engagement politique et géostratégique ». JM. Albares a précisé ressentir « une certaine frustration liée au fait que l'accord soit au point mort, principalement en raison des intérêts plus protectionnistes de certains partenaires européens ». Il a conclu en indiquant que le gouvernement espagnol fera pression pour faire avancer cet accord Mercosur pendant la présidence espagnole de l'UE, à partir de juillet 2023.

Nouveau gouvernement portugais : la ministre Maria do Céu Antunes reste, le ministère évolue. Près de 4 mois après la dissolution parlementaire, la nouvelle Assemblée élue (majoritairement PS) a siégé pour la 1ère fois le 29 mars, permettant au nouveau gouvernement d’entrer en fonction le lendemain. Maria do Céu Antunes conserve son poste, à la tête d’un ministère désormais de l'Agriculture « et de l'Alimentation ». Le ministère conserve un secrétariat d’État à l’Agriculture (suppression de la mention du « développement rural ») toujours confié à M. Rui Martinho. Le ministère se voit rattacher un secrétariat d’État aux Pêches, confié à Mme Teresa Coelho, au même poste dans le précédent exécutif mais au sein d’un ministère de la Mer aujourd’hui disparu.

Six mois après son rejet par la précédente Assemblée, présentation d’un nouveau projet de budget portugais 2022.  Les dépenses du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation (incluant désormais la pêche) atteindront 1,446 Md€ en 2022, principalement financées par des fonds européens (786 M€). Le programme budgétaire prévoit des dépenses courantes à hauteur de 926 M€, ainsi que 127 M€ d’investissement (hors transferts de dépenses de capital).

Forte diminution du poids de l'agriculture dans l'économie portugaise depuis les années 1980. Lors de la Journée nationale de la production, la Fondation Francisco Manuel dos Santos a dressé un portrait du secteur agricole portugais. La valeur ajoutée brute (VAB) générée par l'agriculture s'élève à 3,5 Md€ en 2021. Retraitement fait de l'inflation, la VAB du secteur a été divisée par deux depuis le début des années 1980. En 2020, le poids du secteur agricole au Portugal était de 1,6% du PIB (contre 1,3% en moyenne dans l'UE), en forte diminution depuis 1995 (3,7% du PIB). Entre 1986 et 2020, les légumineuses ont connu la plus importante baisse de surface (-91%) ; à l'inverse, les fruits à coque ont fortement progressé (+87%). En productions végétales, les cultures fourragères dominent (4,4 Mt), suivies des cultures industrielles (1,3 Mt) et légumières (1,2 Mt). La production de céréales atteint seulement 1 Mt en 2020, loin de son volume de 1986 (1,7 Mt). Le secteur agricole a également perdu environ 30 000 travailleurs par an au cours des trois dernières décennies. De 16% de la population résidente, l'effectif du secteur est passé à 6%. Le Portugal est ainsi le 5ème pays de l'UE avec le moins de travailleurs agricoles pour 100 000 habitants. Le salaire moyen des travailleurs de l'agriculture et de la pêche (823 €/mois) est inférieur de 21% à la moyenne des salariés portugais (1 042€).

ACTUALITÉS AGRICOLES    ET PÊCHE LIÉES A L’UKRAINE

Impacts de la guerre en Ukraine

Le PIB agricole espagnol recule au premier trimestre 2022, sous l’effet d’une baisse de la consommation des ménages. Selon l'Institut national de la statistique (INE), le PIB global (données en volume) du secteur agricole est passé de 3,6% au dernier trimestre 2021 à -2,2% au premier trimestre 2022. La baisse de la consommation des ménages (-3,7%) est la principale cause de ce recul, au cours d'un trimestre marqué par les effets de la cinquième vague de Covid-19 et de la crise énergétique consécutive à l'invasion de l'Ukraine.

Inflation record en Espagne en mars, à 9,8%, niveau le plus élevé depuis 37 ans. Cette poussée inflationniste est liée à l'envolée des prix de l'électricité et des carburants, mais aussi à la hausse du coût des produits alimentaires, aggravée par l'invasion russe de l'Ukraine. Conséquence du conflit, la Banque d'Espagne table sur une hausse de l'inflation à 7,5% pour 2022 et le gouvernement espagnol a revu à la baisse (à 4,3%) sa prévision de croissance économique (initialement estimée à 7%). Les produits alimentaires et les boissons non alcoolisées ont augmenté de 6,8% en mars par rapport au mois de 2021. Les huiles et graisses végétales ont augmenté de 32,1%, le lait et les œufs de 11%, le poisson et la viande ovine de plus de 10%. Les prix des produits à base de céréales et ceux de la viande bovine sont également en hausse (respectivement +9,1% et +7,8%).

Fruits et légumes espagnols : dans l’incapacité de répercuter l’augmentation des coûts de production. Selon les dernières données de l'Indice des Prix à la Consommation (IPC), les fruits frais (y compris les agrumes) et les légumes (frais et secs) se situent dans la partie inférieure des hausses de prix annuelles (+6,2% pour les fruits frais et +5,2% pour les légumes secs) constatées en Espagne. Sur le marché extérieur, en janvier, le tonnage de fruits (y compris les agrumes) et de légumes exportés a augmenté de 1% (1,2 Mt) et de 3% en valeur (1,53 Md€). Les producteurs demandent un effort à la grande distribution en faveur de ce secteur, qui constitue le plus principal fournisseur de fruits et légumes en Europe.

La guerre en Ukraine a déjà renchéri le panier alimentaire portugais de 10,5%. Selon l'association de consommateurs DECO, le panier de première nécessité (63 produits alimentaires essentiels) a augmenté de 10,5% entre le 23 février et le 27 avril, passant de 183,63 à 202,94 € (+19€). Parmi les produits qui ont connu la plus forte hausse se distinguent le maquereau (+14%), les flocons de céréales (+14%), l'ail sec (+12%) et le saumon frais (+10%)

Les prix des céréales importées flambent au Portugal. Selon le système d'information sur les marchés agricoles (SIMA), depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les prix des céréales entrant dans les ports de Lisbonne, Aveiro et Leixões n'ont pas cessé d'augmenter. Entre le 24 février et le 3 avril, la hausse du prix du maïs fourrager ateignait 36%, à 395 €/t. Le prix de l'orge fourragère a augmenté de 30% (395 €/t), et celui du blé tendre fourrager de 29% (400 €/t).

Légère amélioration des prévisions pour les céréales d'hiver au Portugal. Selon l’Institut National de la Statistique (INE), les prévisions à fin mars indiquaient une amélioration du développement des céréales d'hiver, sous l’effet des précipitations tout au long du mois, notamment dans les cultures installées dans des sols à plus grande aptitude céréalière. Cependant, des baisses généralisées de productivité par rapport à 2021 sont attendues pour ces cultures (- 10% pour le seigle, -15% pour le blé et -20% pour l'avoine et le triticale), au cours d'une saison également marquée par une augmentation significative du prix des moyens de production qui, associée à des conditions météorologiques défavorables, a contribué à une diminution des surfaces ensemencées (-6%). L'instabilité résultant de l’invasion russe en Ukraine s'est répercutée sur le prix international du blé, ce qui devrait accroître le déficit commercial portugais.

 

Réactions et mesures mises en œuvre

Plan d’urgence espagnol : publication de la liste des producteurs de lait bénéficiaires de l’enveloppe de 169 M€. Le 27 avril, le ministère a publié la liste provisoire des 20 081 producteurs laitiers (bovin, caprin, ovin) éligibles au paquet d’aides de 169 M€ au titre du plan national d’urgence. L’aide est plafonnée à 35 000 € par élevage. Un montant de 204,9 € par vache a été établi pour les exploitations comptant entre 41 et 180 vaches, et de 97,6 € pour les exploitations de plus de 180 vaches. Il est fixé à 14,6 € par brebis laitière, et à 8,2 € par chèvre. L’aide sera versée en mai, comme suit : 124 M€ aux producteurs de lait de vache, 32,3 M€ aux producteurs de lait de brebis et 12,7 M€ aux producteurs de lait de chèvre.

Plan d’urgence espagnol : les secteurs du porc ibérique et des œufs veulent eux-aussi bénéficier des aides d’État. Après l’annonce des secteurs bénéficiaires des aides d’État en réponse aux conséquences de la guerre en Ukraine (lait, viande bovine/ovine/caprine, poulets de chair, lapins, agrumes), certaines filières non prises en compte ont réagi : c’est le cas de l'Association espagnole des éleveurs de porcs ibériques de sélection et de bovins ibériques de race pure (Aeceriber), et de la filière œufs, qui estiment avoir été laissés de côté par le gouvernement. Tout en reconnaissant que leurs systèmes extensifs n’ont pas été autant impactés par l'augmentation des prix des aliments que d’autres filières animales, les éleveurs de porcs ibériques - nourris aux glands dans la « Dehesa » - estiment qu’ils ont tout de même souffert de l'augmentation du prix des matières premières, qui s’additionne à la crise Covid-19 ainsi qu’à la fermeture de la restauration hors domicile. Les éleveurs de volailles de ponte évoquent quant à eux « un manque de sensibilité des administrations envers les producteurs d'œufs », et précisent que leur marge brute a chuté de plus de 72% depuis le début de l’année par rapport à la moyenne des 5 dernières années, ce qui correspondrait à une dégradation bien plus sévère que pour la volaille de chair.

Approbation par le nouveau gouvernement portugais de nouvelles mesures d'urgence pour les agriculteurs et les pêcheurs. Intégrées au Budget de l’État pour 2022 et s’ajoutant à celles déjà annoncées mi-mars, ces aides visent principalement à limiter l’impact de la hausse des prix de l'énergie et des produits agroalimentaires sur les entreprises : (i) exonération temporaire de TVA pour les engrais et les aliments pour animaux ; (ii) prolongement jusqu'à la fin de l'année de la réduction de l’ISP sur le gazole agricole (réduction de 3,4 c/l) ; (iii) mobilisation de 18 M€ du budget de l’Etat pour atténuer l'augmentation des coûts d'alimentation animale et d'engrais, s’ajoutant aux 9 M€ de la réserve de crise alloués à la production de porcs, de volailles et d'œufs ; (iv) extension du régime de flexibilité des obligations fiscales au 1er semestre 2022 ; (v) un dispositif d’aides d’État destiné au secteur de la pêche pour l’achat de carburant, plafonné à 35 000 € par entreprise. Le paquet de mesures prévoit également des soutiens destinés aux ménages : (i) extension de l’aide au prix du panier alimentaire (60 €) à toutes les familles bénéficiaires des minima sociaux (830 000 ménages) ; (ii) extension le programme de Docapesca de livraison de poissons aux familles vulnérables de l'intérieur du pays (environ 2t/mois). Enfin, pour accompagner la transition énergétique du secteur, le plan d’aides prévoit une hausse de la dotation (+46 M€) pour l'installation de panneaux photovoltaïques en 2022 et 2023 pour les exploitations agricoles (plafonnée à 200 000 € par exploitation).

Nouvelle demande de la ministre Maria do Ceu Autunes de mobilisation des fonds FEADER. La ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation a réitéré sa demande à Bruxelles lors du Conseil du 7 avril d'approuver des mesures de soutien exceptionnelles pour le secteur agricole en mobilisant les fonds du FEADER, estimant que les mesures présentées jusqu’à présent étaient insuffisantes, déséquilibrées et incomplètes.

AUTRES ACTUALITÉS AGRICOLES

Nouvelle PAC

Observations de la Commission sur les Plans stratégiques :

Madrid défend l’ambition environnementale et climatique de son PSN. Dans une première réponse adressée à la Commission suite à ses observations sur son PSN, l’Espagne a pris en compte certaines recommandations tout en défendant ses mesures. Ainsi, le pays indique qu’il tiendra compte du nouveau contexte géopolitique résultant de l'invasion russe en Ukraine. Cependant, l’Espagne justifie son engagement environnemental et climatique en rappelant que 43% des aides directes seront dédiés à des mesures liées au climat, que 1,1 Md€ par an permettront de rémunérer les exploitations qui adoptent des pratiques bas carbone et bénéfiques pour l'environnement au titre des écorégimes, et qu’environ 50% du FEADER seront affectés à des actions favorables à l'environnement et au climat sur le second pilier.

L’organisation « Coalition pour une autre PAC » a rejeté la réponse du gouvernement espagnol, critiquant  à la fois les aides du PSN en faveur de l’irrigation (qui ne garantiraient les économies d'eau et d'énergie), une prise en compte insuffisante de l'environnement, et la méthode de concertation des parties prenantes utilisée par le ministère dans l’élaboration du PSN.

La Commission émet des doutes sur l'ambition réelle du PSN portugais pour le climat et l'environnement, notamment en ce qui concerne la gestion de l'eau (quantité et qualité), l'utilisation des nutriments, les émissions d'ammoniac, la gestion durable des forêts et la prévention des incendies. Elle demande au Portugal de mieux ajuster la conditionnalité et les interventions dans ce sens. En matière de renforcement du tissu socio-économique des zones rurales, la Commission insiste sur la nécessité de clarifier l'articulation avec les autres fonds, européens et nationaux. Enfin, le pays devra développer ses efforts en matière de conseil et de formation à destination des agriculteurs.

 

Aléas climatiques

En Espagne, le gel de début avril a provoqué le sinistre le plus grave de l'histoire de l'assurance agricole. L’épisode de gel du 2 au 4 avril a provoqué de lourds dégâts aux vergers espagnols, estimés à 188 M€. Les cultures les plus touchées sont les fruits à noyau et à pépins (qui étaient en période de floraison, de nouaison ou de croissance des fruits), principalement en Catalogne et Aragon (avec 103 et 70 M€ de dommages, respectivement). Certaines zones fruitières de Castille-La Manche (amandiers), Valence (kaki) et Murcie ont egalement été impactées. La mise en œuvre de l'assurance agricole est élevée dans le secteur des fruits, avec un taux de couverture de la production espagnole avoisinnant 80%. En raison de l’intensité des dégâts, de l'étendue des surfaces touchées (93 000 ha déclarés à ce jour par les agriculteurs assurés) et de la valeur élevée de la production assurée, l’indemnisation des dommages devrait atteindre le niveau record de 244 M€, dépassant d’au moins 30% l'indemnisation totale versée aux producteurs de fruits sur l'ensemble de l'année 2021. Par régions, l'indemnisation prévisionnelle des agriculteurs assurés s'élève à 109 M€ en Catalogne et à 78 M€ en Aragon ; viennent ensuite la Castille-La Manche (33 M€), la Communauté valencienne (15 M€) et la région de Murcie (5 M€).

Poursuite de la sécheresse au cours de la première moitié d'avril au Portugal. Entre le 1er et 15 avril, les indicateurs de la sécheresse météorologique se sont encore aggravés, avec des précipitations inférieures à la moyenne. Selon le bilan provisoire de l'Institut portugais de la mer et de l'atmosphère (IPMA), à la mi-avril, le pourcentage de territoire en situation de sécheresse modérée (82%) et sévère (18%) a augmenté par rapport à la fin du mois de mars. 2022 reste la troisième année hydrologique la plus sèche jamais enregistrée et la troisième sécheresse la plus grave à laquelle le pays est confronté. D’après le dernier rapport de l'Agence portugaise de l'environnement, la situation dans les barrages montre une amélioration du niveau d’eau mais les quotas restent inférieurs aux niveaux historiques. A cela s’ajoute un état « très préoccupant » des aquifères nationaux selon cette agence, ceux de l’Algarve s’établissant à environ 20% de leur capacité. Pour le président de l’Association des agriculteurs du Sud (ACOS), si la situation de sécheresse s'est légèrement améliorée dans le district de Beja, certains des dégâts causés auparavant aux cultures céréalières ou fourragères sont « irrécupérables ».

 

COMMERCE EXTÉRIEUR

La filière porcine espagnole confirme son dynamisme en 2021, avec un chiffre d'affaires record de 18,5 Md€, représentant 62% de l’activité globale de l'industrie de la viande du pays et 18% du chiffre d'affaires total de son industrie alimentaire. Plus de 41% de l’activité porcine correspondent aux exportations vers les pays tiers (7,7 Md€, soit +1,2% par rapport à 2020). La filière porcine espagnole emploie 415 000 personnes, de manière directe, indirecte ou induite.

Les exportations portugaises de porc reculent en 2021 (-11,5%), à 169 M€, dont 76 M€ à destination du marché européen, et principalement (98%) vers l’Espagne. La contraction des exportations vers les pays extra-UE (-15%) contribue fortement à la baisse globale. En termes absolus, la Chine enregistre la plus forte baisse (-19 M€), alors qu'elle continue de représenter 40% des exportations portugaises. En revanche, la Corée du Sud affiche une augmentation de +570%, devenant le 7ème  marché. Le Cap-Vert et le Japon ont également augmenté leurs importations, pour la deuxième année consécutive.

La fermeture du marché algérien impacte sèrieusement la filière bovine espagnole. Depuis le changement de position du gouvernement espagnol sur le Sahara Occidental fin mars, l'Algérie a cessé d'accorder à l’Espagne des licences pour l'importation de viande bovine et d’animaux vivants. Selon l’interprofession de la viande bovine espagnole (Provacuno), cette décision est un coup dur pour la filière bovine espagnole, dont l’Algérie est le premier marché à l’export avec près de 20 000 tonnes de viandes et 30 000 animaux vivants par an, pour un chiffre d’affaires plus de 5 M€ par mois.

La guerre en Ukraine limite les débouchés à l’export pour les pommes portugaises. Les producteurs de pommes de la région de Beira Alta (nord) éprouvent des difficultés à écouler leur production. En effet, outre l'augmentation des coûts liés à la commercialisation, l'embargo sur la Russie a accru la concurrence sur le marché européen, notamment du fait de l’arrêt des exportations de la Pologne (1er producteur de pommes en Europe) vers la Russie.