Publication du Service économique régional d’Abuja, réalisée avec les contributions des SE de Lagos et d’Accra.

Faits saillants:

- Nigéria : Les « diaspora bonds » pourraient financer le déficit public ; Le Nigéria se tourne désormais vers le Canada pour se fournir en engrais agricoles ; 28 % des entreprises à plus forte croissance d’Afrique se trouvent au Nigéria ; Le gazoduc Nigéria – Maroc bénéficie d’un regain d’intérêt et attire des financements.

 

- Ghana : Le Ghana perd 30 places dans le classement mondial de la liberté de la presse 2022 ; La mise en place de la « E-Levy », validée par la Cour Suprême, devrait rapporter moins de 4,5 Md GHC.

 

Le chiffre à retenir:

50 M USD : C’est la valeur des obligations « vertes » émises début mai par la banque nigériane Access Bank PLC sur les marchés financiers internationaux, une première depuis 2019.

 

Nigéria

Les « diaspora bonds » pourraient financer le déficit public

La proposition d’embargo sur le pétrole russe par les pays européens pourrait avoir de lourdes répercussions sur le Nigéria. Si le pays est le principal exportateur de pétrole en Afrique, il pourrait ne pas tirer pleinement profit de la hausse des cours, notamment en raison de sa politique de subvention au prix du carburant. L’annonce, par la présidente de la Commission européenne, d’un sixième volet de sanctions d’ici la fin de l’année 2022 a provoqué une augmentation du prix baril de plus de 4% à 108 USD. Or cette hausse pèse directement sur les finances publiques nigérianes.

Alors que le budget initial pour 2022 prévoyait un déficit de l’ordre de 15,6 Md USD, celui-ci pourrait en réalité dépasser 17 Md USD. Le gouvernement fédéral multiplie les pistes pour le financer. Après avoir utilisé l’endettement sur le marché intérieur et les Eurobonds, le Bureau de gestion de la dette (DMO) a annoncé vouloir émettre à nouveau des « Diaspora Bonds », après juin 2022. Destinés aux Nigérians résidant à l’étranger, ces titres offrent certains avantages, comme de pouvoir servir de collatéral à un emprunt ou d’être exempté de taxe. Ils n’offrent toutefois pas nécessairement de taux préférentiels, et préfèrent parier sur le patriotisme des investisseurs expatriés pour susciter l’intérêt.

La première émission de ce produit en 2017 avait permis de lever 300 M USD. Le Nigéria étant l’un des principaux récipiendaires de transferts de « rémittences » au niveau mondial, le gouvernement cherche à mobiliser ces fonds afin de financer son déficit.

Le Nigéria se tourne désormais vers le Canada pour se fournir en engrais agricoles

D’après les dernières prévisions du FMI, l’inflation au Nigéria pourrait atteindre 16,1% en 2022, en raison notamment du renchérissement des denrées alimentaires. Les restrictions aux importations agricoles, qui créent une rareté artificielle, la faiblesse des infrastructures et l’insécurité dans les régions agricoles du pays expliquent traditionnellement la cherté des produits de l’alimentation courante. Depuis le mois de février, à ces facteurs s’ajoutent les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie : la guerre perturbe fortement la production agricole à l’Est de l’Europe.

Conséquence inattendue du conflit, l’Autorité d’investissement souverain du Nigéria a annoncé se fournir désormais au Canada pour ses engrais agricoles, invoquant les sanctions prises notamment par l’Union européenne. La Russie était en effet le principal fournisseur d’engrais du Nigéria, via notamment la société Uralkali, unique importateur de potasse dans le pays depuis 2019. Or cette nouvelle source d’approvisionnement devrait contribuer à alimenter l’inflation, le prix de la tonne de potasse s’étant envolé de 266% depuis décembre dernier. La tonne s’échange désormais à 1 100 USD. Le Nigéria a importé 200 000 tonnes de potasse en 2021.

28 % des entreprises à plus forte croissance d’Afrique se trouvent au Nigéria

Dans un récent classement, le Financial Times recense les 75 entreprises africaines à plus forte croissance entre 2017 et 2020. Parmi ces entreprises, 21 sont nigérianes (28%), le pays étant deuxième du classement après l’Afrique du Sud (32%). Ces entreprises ont connu une multiplication par plus de cinq de leur chiffre d’affaires en l’espace de trois ans, et un quasi-triplement du nombre de leurs employés. En particulier, l’entreprise nigériane AFEX, troisième du classement mais première dans le secteur agricole, a connu une croissance cumulée de plus de 4 200%. Sa plateforme propose une place de marché des denrées agricoles de base (commodities) ainsi que des services commerciaux et financiers pour l’inclusion économique des producteurs. Les secteurs les plus représentés dans ce classement, au Nigéria comme dans le reste de l’Afrique, sont la Tech, les services financiers, les métaux précieux, et l’agriculture. L’importance notable des entreprises innovantes et numériques souligne l’élan dont elles bénéficient, et que la crise sanitaire et ses multiples restrictions physiques ont à certains égards accéléré. A noter : ce classement ne fait apparaître que les entreprises qui ont affiché un revenu supérieur à 1,5 M USD en 2020, et qui ont accepté d’y figurer.

Le gazoduc Nigéria – Maroc bénéficie d’un regain d’intérêt et attire des financements

Le Nigéria s’associe avec le Maroc pour construire le deuxième plus long gazoduc du monde. Ce pipeline de plus de 7 000 km formera le prolongement du West African Gas Pipeline (WAGP) qui achemine déjà du gaz nigérian vers le Ghana en passant par le Bénin et le Togo. Aujourd’hui, le WAGP a une capacité de 5 milliards de mètres cubes (mmc) de gaz par an, soit 10% de la capacité du gazoduc NordStream qui relie la Russie à l’Europe. Le futur pipeline devrait desservir onze pays d’Afrique de l’Ouest, le Maroc et, à terme, l’Europe. Ce projet, lancé en 2016, connaît un regain d’intérêt dans le contexte de guerre contre l’Ukraine : de la part de l’Union Européenne, qui cherche à diversifier son approvisionnement en gaz, mais aussi de la Russie, qui aurait manifesté sa volonté de participer au financement du projet.

Le Maroc et le Nigéria ambitionnent de lancer les travaux début 2023 ; pour l’instant, les études de faisabilité sont encore en cours. Le gazoduc a déjà bénéficié de 29,8 M USD de la Banque islamique de développement, dont les principaux contributeurs sont l’Arabie saoudite (27%), l’Algérie (11%) et l’Iran (9%). Par ailleurs, l’OPEP vient d’accorder 14,3 M USD pour soutenir la réalisation de la deuxième phase des études préliminaires via son fonds pour le développement international. Le projet est coordonné par l’entreprise australienne WorleyParsons.

Pour rappel, le Nigéria dispose de 5 000 mmc de réserves prouvées de gaz naturel – les premières d’Afrique – et en exporte 45 mmc par an principalement via des méthaniers. Ses principaux clients sont l’Inde (40% du volume exporté), la France et l’Espagne (45% à eux deux). La construction du gazoduc Nigéria – Maroc devrait permettre d’améliorer l’accès à l’électricité pour plus de 300 M de personnes, et pourrait potentiellement ouvrir la voie à la création d’un marché électrique ouest-africain plus compétitif, où la baisse du prix du KWh permettrait de stimuler l’activité industrielle. Si le projet voit le jour, il pourrait également permettre de faciliter les exportations de gaz nigérian vers l’Europe.

Ghana

Le Ghana perd 30 places dans le classement mondial de la liberté de la presse 2022

Le Ghana a perdu 30 places et se retrouve au 60ème rang du classement mondial de la liberté de la presse 2022. Ce score est le troisième plus bas du Ghana depuis que Reporters sans frontières (RSF) a commencé à publier ce rapport en 2002 : le Ghana était classé 67ème en 2002 et 66ème en 2005. Selon RSF, bien que le pays soit considéré comme un leader régional en matière de stabilité démocratique, les journalistes ont subi des pressions croissantes ces dernières années. Par ailleurs, un tiers des médias appartient à des personnalités politiques ou individus liés aux principaux partis politiques, produisant un contenu largement partisan.

Le Ghana obtient son pire score sur les facteurs économiques qui influencent le travail des médias – qui est un nouveau paramètre cette année – en raison de la faiblesse des salaires des journalistes et de l’absence de viabilité financière de certains médias. Ce recul important du Ghana au classement mondial de la liberté de la presse fait également écho à une détérioration progressive du climat des affaires, notamment indiquée par son recul ces dernières années au classement Doing Business – de la 60ème place en 2010 à la 118ème place en 2020.

La mise en place de la « E-Levy », validée par la Cour Suprême, devrait rapporter moins de 4,5 Md GHC

Le vote de la « E-Levy » en mars et sa validation par la Cour Suprême fin avril ont fini par permettre une mise en place de la taxe le 1er mai. Pour rappel, la « E-Levy » est une taxe sur les paiements électroniques introduite par le budget 2022, qui couvrirait les paiements par téléphonie mobile, les virements bancaires, les paiements des commerçants et transferts de fonds entrants. Cristallisant les tensions au Parlement pendant plusieurs mois, la taxe a fini par être votée en mars, au taux de 1,5% au lieu de 1,75%. Le parti d’opposition avait porté l’affaire jusqu’à la Cour Suprême, qui a néanmoins fini par valider le dispositif.

Vu la baisse de taux et les délais du vote parlementaire, le gouvernement a révisé à la baisse ses attentes quant au produit de la « E-Levy » pour l’année en cours ; de 6,7 Mds GHC à 4,5 Mds GHC. Cependant, la forte baisse de l’utilisation de transactions par téléphonie mobile depuis l’annonce de cette mesure fait douter de l’atteinte de cet objectif, alors qu’elle devait représenter 6% des recettes fiscales en 2022. Alors que la mobilisation fiscale stagne à 13% au Ghana – contre une médiane de 20% en Afrique subsaharienne – le gouvernement est toujours à la recherche de nouveaux moyens pour élargir la base fiscale.