Energie

Rencontre à la Résidence de France avec la ministre espagnole de la Transition énergétique et du Défi démographique, Teresa RIBERA

Dans le cadre de la PFUE, l’Ambassadeur de France en Espagne a organisé le 13 avril dernier une rencontre entre Mme RIBERA et ses homologues des 27. Parmi les sujets abordés par cette dernière : la nécessité d’accélérer, à l’aune de la crise en Ukraine, la décarbonation de nos économies au travers notamment de la mise en œuvre du paquet législatif « Fit for 55 », la nécessité d’adopter une stratégie visant à réduire notre dépendance énergétique et le défi de réussir une transition écologique qui soit à la fois « juste et socialement acceptable ».  La ministre a par ailleurs rappeler l’objectif de fermeture des 7 réacteurs nucléaires espagnols d’ici 2035.

Plafonnement du prix du gaz des  centrales thermiques ibériques.                            

L’Espagne et le Portugal ont annoncé le 26 avril être parvenu à « un accord de principe » avec la Commission européenne pour plafonner temporairement (un an) le prix du gaz utilisé pour les centrales thermiques à 50€/MWh (cycle combiné et cogénération). Ces deux pays espèrent que ce mécanisme, une fois entré en vigueur, contribuera à faire diminuer de façon substantielle le prix de gros du marché ibérique de l’électricité (autour de 120€/MWh contre 228€/MWh en moyenne sur le 1er trimestre 2022). En revanche certains éléments structu-rants ne sont pas encore connus dans le détail et notamment le financement du dispositif. Par ailleurs, les principaux énergéticiens espagnols n’ont pas tardé à critiquer l’insécurité juridique que cette mesure pourrait avoir pour les investisseurs.  

Adoption du Plan de développement du réseau de transport d'électricité en 2021-2026. Adopté en conseil des ministres du 22 mars, ce plan sera doté d’une enveloppe de 6,9 Md€ dont 27% seront destinés à accélérer le déploiement de nouvelles capacités d’EnR (passant de 42% à 64% du mix électrique en 2026) et 21% à renforcer les interconnexions électriques aussi bien internationales qu’entre le territoire péninsulaire et les archipels (îles Baléares et îles Canaries).

Adoption de la feuille de route espagnole du biogaz. Egalement adoptée en conseil des ministres du 22 mars, cette feuille de route vise à porter à 10,4 TWh (soit l’équivalent de 3x la production actuelle) les capacités de production de cette filière. Parmi les mesures phares soulignons : a) la création d'un système de garanties d'origine afin que les consommateurs puissent distinguer le biogaz du gaz fossile conventionnel b) l’instauration d’objectifs annuels de pénétration du biogaz au niveau commercial et c) la mise en place d’aides spécifiques pour soutenir la R&D de cette filière.

Environnement

Evènement organisé par l’Ambassade de France en Espagne les SAF  Carburants durables dans l’aviation (sustainable aviation fuels). Dans le cadre de la programmation locale de la présidence française du conseil de l'UE, une conférence dédiée à la décarbonation du secteur aéronautique et au développement d’une filière d’approvisionnement en SAF a été organisée le 5 avril 2022 par l’Ambassade de France en Espagne. Cet évènement, introduit par l’Ambassadeur de France, a réuni un grand nombre d’acteurs clés du secteur aéronautique des deux pays, dont des représentants des constructeurs aéronautiques (Airbus, Safran), des producteurs de carburants (Repsol, TotalEnergies, SAF+ Consortium), de centres d’innovation (IFP Energies nouvelles), d’organismes scientifiques spécialisés dans la bioéconomie (Concawe, Bioplat), ainsi que d’acteurs de la filière aval, tels que des logisticiens, des gestionnaires d’aéroport et des compagnies aériennes (AirFrance - KLM, Exolum et AENA). La conférence a montré le potentiel de production en Espagne et en France de SAF tant à partir de déchets et résidus de biomasse que d’hydrogène.

Lancement d’une consultation publique visant à encadrer le déploiement des centrales photo-voltaïques flottantes. Le ministère espagnol de la transition écologique a lancé fin mars une consultation publique réglementant ce type d’installations. Le projet de règlement établi une série de seuils limitant leur occupation : 5% si le réservoir est classé comme mésotrophe, c'est-à-dire s'il a un niveau modéré de productivité biologique ; 15% s'il est eutrophe, c'est-à-dire s'il a une productivité biologique élevée, et 20% s'il est hypereutrophe soit très riche en nutriments. Elles ne seront pas installées dans des réservoirs oligotrophes (à faible productivité biologique et donc de bonne qualité), ni dans des lacs ou des lagunes d'origine naturelle.

Le premier appel d’offre pour des éoliennes marines est prévu en 2023. La secrétaire d’Etat à l’Energie, Sara Aagesen, a annoncé le 7 avril dernier le lancement début 2023 du premier AO d’éoliennes marines dans les eaux territoriales espagnoles. D’ici là, le Gouvernement prévoit d’adopter (a priori au second semestre de 2022), le premier document stratégique de planification et d’aménagement des espaces maritimes (Plan de ordenación del espacio maritimo). Il s’agira de la première étape avant le déploiement de 1 à 3GW d’éoliennes marines (objectif fixé dans le Plan national énergie-climat 2021-2030).

Industrie

Les ventes de voitures en Espagne, au 1er trimestre 2022, chutent de 30% par rapport au T1 2021 (-48% par rapport au T1 2019). Contrairement à d'autres crises historiques, les ventes ont chuté par manque d’offre et notamment du fait de ruptures d'approvisionnement dues à trois facteurs principaux: la pénurie mondiale de semi-conducteurs depuis 2021; la crise en Ukraine (pays qui compte 40 usines de composants et couvre 20% des besoins européens en harnais de sécurité automobile) et la grève en Espagne des transporteurs (mars 2022). Ainsi, 164 399 unités ont été vendues au cours de trois premiers mois de l'année soit presque la moitié de ce qui prévalait les années précédentes.  La place cédée par les constructeurs européens est occupée par les Asiatiques : Toyota est devenue la marque la plus vendue en Espagne depuis le début de l'année, et les ventes combinées du groupe Hundai-Kia dépassent largement le total des livraisons conjointes des groupes Renault, Dacia, Nissan et Mitsubishi (les marques de l'Alliance). En revanche, les immatriculations de véhicules 100% électriques ont atteint 7 252 unités, soit le double par rapport au 1er trimestre 2021 et représentent maintenant 4,4% du total de ventes. Tesla est le premier constructeur sur le marché de voitures 100% électriques avec 30% de ventes. Son "Model 3" est la voiture leader du segment de voiture 100% électrique en Espagne.

VW, Renault et Stellantis priorisent la fabrication de modèles « haut de gamme ». Avec l’objectif d’augmenter les marges et de résister au constructeur Tesla, les géants européens, qui possèdent des usines en Espagne, relèguent des marques telles que Seat, Skoda et Dacia au bénéfice d’enseignes plus profitables comme Audi, Cupra et Alfa Romeo.  La nouvelle stratégie consiste à rechercher la rentabilité plutôt que le volume et à se concentrer sur les marques haut de gamme. Le processus, ouvert dans l'ensemble de l'industrie automobile, concerne pleinement les usines espagnoles qui se caractérisent par l'assemblage de voitures de moyenne gamme. Secteur clé pour l’économie espagnole, le Gouvernement a destiné 4 Md€ d’aides publiques (avec le soutien de fonds Next Generation et qui devraient attirer environ 20 Md€ supplémentaires du secteur privé) à la décarbonation du secteur de l’automobile.

Transport

Après 2 ans, en Espagne, le masque n’est plus obligatoire à l’intérieur, sauf dans les transports en commun et les établissements de santé. Le Journal officiel de l'État a publié, mercredi 20 avril, le décret royal qui supprime l'obligation de porter un masque à l'intérieur, sauf dans le transport public, discrétionnaires (comme le taxi), les services de santé de tous types, les maisons de repos (pour les visiteurs et les travailleurs) et les pharmacies. Ainsi, le masque reste toujours obligatoire dans le transport aérien, le train, le bus et tout type de transport public, mais uniquement au moment d'entrer dans le transport en question. En d'autres termes, il sera possible d'attendre le métro - par exemple - sur le quai sans masque, mais il sera obligatoire de le porter à l'intérieur du wagon. Sur les bateaux, il doit être porté lorsque "la distance de 1,5 m n’est pas respectée". En outre, l’obligation du port du masque dans le monde du travail reste au bon vouloir de chaque entreprise selon si elle l’estime nécessaire pour des raisons sanitaires.  En outre, l’Espagne a décidé suivre désormais le Covid-19[1] comme une autre maladie endémique.

En Espagne, la grève des transports de marchandises, déclenchée par la crise du prix des carburants, a perturbé l’activité économique et industrielle en mars. Après de longues négociations entre le Gouvernement et les associations majoritaires du secteur de transport de marchandises, un accord d’aide globale de 1 Md€ a été conclu :  450 M€ d’aides directes (selon le type de véhicule : 1 250€ pour un camion, 900€ pour un bus, 500€ pour un utilitaire et 300 € par véhicule léger –taxi et ambulance) ainsi qu’un total de 600 M€ pour un remboursement de 20 c€ par litre de combustible (15 c€ par l’État et 5 c€ par les industries pétrolières ) entre le 1eravril et le 30 juin  (soit environ 700€ par mois camion).                                    

La forte mobilisation a fait ressortir des déséquilibres de marché plus profonds que la question de la hausse du prix du carburant. Le secteur souffre d'une concurrence des pays de l’est de l’Europe, d'un manque de professionnalisation, d’une insuffisance de taille des entreprises et d'une fiscalité qui accentue encore le dumping des prix. Dans ce contexte, le ministère espagnol de transports présentera, avant le 31 juillet 2022, un projet de loi pour le secteur du transport routier de marchandises avec un ensemble de mesures visant à garantir le recours équitable à la sous-traitance et la rentabilité du travail.

Iberia renforce sa domination sur le corridor aérien entre l’Europe et l’Amérique latine et maintient son projet  d’achat d’Air Europa. Entre 2019 et 2021, Iberia a renforcé son leadership sur les lignes à destination des pays latino-américains et gagne des parts de marché sur ses concurrents Air-France et Air Europa[2]. Iberia, qui a gagné 5 points de pourcentage entre 2019 et 2021, détient actuellement 19% du marché. Air France, en 2ème position reste à 11% tandis qu’Air Europa passe de 7 à 9%. La progression d’Iberia a été atteinte grâce, notamment, à son dynamisme à rouvrir, dès l’autorisation des autorités, les liaisons aériennes avec les villes desservies avant la crise sanitaire.

En parallèle, l’acquisition d’Air Europa, par Iberia est toujours en cours de discussion. IAG (groupe propriétaire d’Iberia) vient d’accorder un prêt de 100 M€ à Air Europa, lui permettant de continuer en exclusivité les négociations pour l’achat d’Air Europa pendant un an. En parallèle, Air Europa a programmé l’acquisition de 11 avions[3].

Le groupe Volkswagen a choisi la ville de Sagonte (Communauté autonome de Valence) pour y construire la première usine de batteries de voitures électriques en Espagne de VW. Cette usine, qui devrait entraîner la création de 3 000 emplois, vise une production de 40 gigawattheures (GWh) par an. Le site devrait ouvrir en 2026. Le groupe a pris en compte plusieurs facteurs pour ce choix : les aides financières attribuées par la Région, les infrastructures et connexions logistiques offertes par le site ainsi que l'existence d'un personnel qualifié. Autant d’élements qui permettront notamment d’acheminer rapidement les cellules de batterie vers les usines de VW de Barcelone et Pampelune. Néanmoins, le projet prévoit l’artificialisation d’environ 500 hectares de terrains naturels.

Projet de fusion d’Orange et MasMovil, 3ème et 4ème opérateurs de télécom au sein du marché espagnol.

En 2006, le secteur espagnol des télécoms s'est ouvert aux opérateurs mobiles virtuels (OMV), des entreprises qui, sans avoir besoin de leur propre réseau, pouvaient concurrencer les grands opérateurs télécoms en louant leurs infrastructures. Aujourd’hui, les consommateurs ont le choix entre 40 marques de téléphone : un succès en termes de concurrence mais un danger pour la pérennité du secteur car le marché est trop fragmenté et le niveau de concurrence n'est pas compatible avec les importants investissements nécessaires pour les nouveaux réseaux et services.

La fusion d’Orange-Masmovil, qui deviendrait 2ème opérateur en termes de revenus et leader en nombre de clients en Espagne, pourrait être la solution à la guerre commerciale que le secteur connaît depuis des années. L’opération nécessite l'aval de l'autorité européenne de la concurrence. La Commission semble désormais plus à l’écoute pour favoriser l'émergence de groupes européens solides.

Le gouvernement espagnol poursuit les PERTE[4] dans le domaine de l’industrie navale et de l’aérospatial

Le Conseil des Ministres espagnol a approuvé courant mars deux projets stratégiques de collaboration public-privé (PERTE), l’un dédié à l’industrie navale, l’autre à l’aérospatial. Le premier représente un investissement total de 1,46 M€ dont 310 Md€ de fond public. Le PERTE aérospatial prévoit de mobiliser 4,5 M€ entre 2021 et 2025. Il est constitué d’une contribution publique d’environ 2,2 M€ (répartis en 323 Md€ pour l’aéronautique, 1,48 M€ pour le spatial et 390 Md€ de fonds transversaux) et d’investissements privés à 2,3 M€. Il s’agit du premier PERTE d’ambition internationale. En effet, il prévoit des fonds communs avec le Portugal pour le lancement de 16 satellites. Aussi, le plan comprend des projets de coopération au travers de l’Agence spatiale Européenne ainsi que la création de l’Agence Spatiale Espagnole (l’Espagne étant l’un des rares pays européens à ne pas disposer d’entité de ce type).

Tourisme

En 2021, la France avec près de 6 millions de touristes en Espagne (18,7% du total) fut le principal pays émetteur de touristes vers l'Espagne. 61% des français ont utilisé le transport routier comme moyen d'accès et 38% en transport aérien. En Espagne, un total de 31,1 M de touristes internationaux sont arrivés en 2021 sur le territoire national (+64,4 % de croissance annuelle face à 2020). Malgré cette forte reprise, le nombre de touristes enregistrés en 2021 est inférieur de - 62,7% au niveau prépandémique. La France, en 1ère position, avec 18,7% du touristes étrangers est suivie par l'Allemagne (16,7%) et le Royaume-Uni (13,8%). En ce qui concerne les dépenses effectuées par les touristes étrangers en Espagne, les français occupent la 3ème place avec 4,4 Md€ soit 12,7% du total, derrière l'Allemagne (17,3%) et le Royaume-Uni (13,7%). Au total, les dépenses des touristes étrangers ont grimpé en flèche par rapport à 2020, +76%, pour atteindre 35 Md€ fin 2021. Elles restent cependant nettement inférieures aux niveaux enregistrés en 2019 (-62,1%).

Le secteur du tourisme espagnol retrouve son niveau d'emploi d'avant la pandémie : 330 000 emplois ont été créés au cours de la dernière année. A la fin du 1er trimestre, le secteur du tourisme a atteint son taux d'emploi pré-pandémique. Mars s'est clôturé avec 2,3 millions d’affiliations à la sécurité sociale dans ce secteur, soit 99,4% des inscriptions du secteur à la même période en 2019. Les vacances de Pâques ont tablé sur des taux d'occupation des hôtels compris entre 80 et 90 % (90% pour le tourisme intérieur, 85% pour le "soleil et plage" et 80% pour le tourisme de neige). Ce constat permet d’espérer de bonnes performances pour ces prochains mois. 

L’inégale disponibilité des bornes de recharge d’une région à l’autre pénalise les touristes européens dotés de véhicules électriques.

L'industrie touristique espagnole considère 2022 comme l'année de la reprise. L'un des points clés est le retour des visiteurs arrivant par la route (13 millions en 2019) en provenance notamment des pays européens. Pays qui presentent d’ailleurs le taux le plus élevé de véhicules électriques : la Suède (32%), les Pays-Bas (25%), la Finlande (18%), le Danemark (16,4%) et l'Allemagne (13,5%).

Un défi pour le réseau espagnol de points de recharge de véhicules électriques, seulement 12 000 points publics présentant une répartition géographique très inégale concentrée en Catalogne, dans les communautés de Valence et Madrid. Situation qui nuit à l’attractivité de régions telles que le Pays basque, les Baléares ou l'Andalousie



[1] Près de 104 000 décès et 12 M de cas depuis le debut de la pandémie.

[2] Air Europa est la 2ème compagnie aérienne ayant le plus de vols intercontinentaux à l'aéroport de Madrid après Iberia.

[3] 5 Boeing 787 Dreamliner pour les vols long-courriers  ainsi que 6 Boeing 737 pour les trajets de courte et moyenne durée.

[4] Plan stratégique de cooperation public-privé