Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

-          La reprise du marché du travail se poursuit, tirée par la hausse de l’activité des femmes

Politiques macroéconomiques

-          La Fed prévoit l’accélération de la normalisation de sa politique monétaire

Services financiers

-          Les institutions financières sont tenues d’appliquer de nouvelles sanctions imposées à la Russie

-          Le Sénat envisage de légiférer pour lutter contre les délits d’initiés

-          La SEC propose l’enregistrement des plateformes de négociation de swaps liés à des titres financiers

-          La secrétaire au Trésor et le président de la SEC évoquent leurs préoccupations concernant les marchés de crypto-actifs

Brèves

Conjoncture

 

La reprise du marché du travail se poursuit, tirée par la hausse de l’activité des femmes

Le rapport mensuel du Bureau of Labor Statistics (BLS) sur la situation de l’emploi fait état de  431 000 créations nettes d’emplois en mars. Les créations ont en outre été révisées à la hausse pour janvier (+23 000, à 504 000) et février (+72 000, à 750 000). Les emplois créés sont concentrés dans les services, notamment les loisirs et le tourisme (+112 000), les services aux entreprises (+102 000) et  les commerces de détail (+49 000).

Le taux de chômage s’est établi à 3,6 % (-0,2 point par rapport à février), soit 0,1 point au-dessus de son niveau d’avant-crise (février 2020). Le taux demploi a augmenté de +0,2 point, à 60,1 %, et le taux dactivité de +0,1 point, à 62,4 %. Ils sont respectivement -1,1 point et -1,0 point en-deçà des niveaux davant-crise.

En mars, l’activité des femmes a connu une hausse avec un taux de chômage à 3,6 % après avoir été stable à 3,9 % depuis décembre 2021, un taux d’emploi à 54,8 % (+0,4 point par rapport à février) et un taux d’activité à 56,8 % (+0,2 point).

 

Politiques macroéconomiques

 

La Fed prévoit l’accélération de la normalisation de sa politique monétaire

Selon le procès-verbal (minutes) de la réunion du comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) de mars, publié le 6 avril, les responsables de la Fed ont activement discuté des modalités de la normalisation de la politique monétaire.

En mars dernier, le FOMC a décidé de relever les taux fed funds de 25 points de base en raison de l’incertitude liée à la guerre russo-ukrainienne alors que la majorité des membres auraient, sans cela, privilégié une hausse de 50 points de base. Le FOMC considère par ailleurs que la réduction du bilan de la Fed pourrait commencer dès la prochaine réunion, en mai. La réduction pourrait s’effectuer à un rythme mensuel de 95 Md USD, dont 60 Md USD de Treasuries et 35 Md USD de créances immobilières titrisées (mortgage-backed securities – MBS).

Par ailleurs, Lael Brainard, gouverneure de la Fed, s’est montrée, dans un discours prononcé le 5 avril, favorable à une normalisation rapide de la politique monétaire afin de restaurer la stabilité des prix, indispensable pour une trajectoire de reprise durable. Le marché des Treasuries a fortement réagi à ce discours. Le rendement des obligations souveraines américaines à 10 ans évolue vers 2,65 % contre 1,7 % en mars et celui à 2 ans vers 2,5 %, contre 1,5 % précédemment.

 

Services Financiers

 

Les institutions financières sont tenues d’appliquer de nouvelles sanctions imposées à la Russie

Les autorités américaines ont annoncé le 6 avril une nouvelle série de sanctions imposées à la Russie à la suite de l’invasion russe en Ukraine.

Le Treasury interdit à la Russie de procéder à des paiements liés à sa dette souveraine par débit de comptes soumis à la législation américaine. La Russie s’est ainsi trouvée cette semaine dans l’impossibilité de procéder à deux paiements. Le non-paiement de ces échéances par la Russie ouvre une période de grâce de 30 jours avant que celle-ci ne soit en situation de défaut souverain.

La première banque russe, Sberbank, qui bénéficiait jusqu’à présent d’un régime de sanction limité à l’interdiction de la correspondance bancaire, est désormais frappée par une mesure de gel des avoirs (« full blocking sanctions »), déjà applicable aux banques VEB, VTB, Otkritie, Sovcombank, Novikombank, PSB et SMP. Alfa Bank est également frappée par le gel des avoirs. Tout nouvel investissement en Russie par une US person est en outre interdit.

Par ailleurs, le Treasury a annoncé le 5 mars  des sanctions contre Hydra, une plateforme d’échange  en ligne non référencée (« darknet ») basée en Russie et soupçonnée de participer à des activités illicites, et contre Garantex, une  plateforme d’échange de crypto-actifs soupçonnée de faciliter ces activités.

 

Le Sénat envisage de légiférer pour lutter contre les délits d’initiés

La  commission des affaires bancaires du Sénat a tenu le 5 avril une audition consacrée à la prévention des délits d’initiés (insider trading).

Les sénateurs démocrates Jack Reed et Bob Menendez ont déposé le 5 avril une proposition de loi visant à élargir et clarifier la définition des délits d’initiés et à faciliter les poursuites engagées contre leurs auteurs. Auditionnés par la commission, les professeurs Robert Jackson (ancien commissaire de la SEC) et John Coffee ont souligné qu’une loi était nécessaire pour clarifier le régime des délits d’initiés aux États-Unis, qui résulte principalement de la jurisprudence. La proposition de loi inclurait par ailleurs dans le champ des délits d’initiés l’utilisation d’informations obtenues via une attaque informatique ou un vol de données. 

En outre, Robert Jackson a appelé la Securities and Exchange Commission (SEC), régulateur des marchés financiers, à modifier une disposition réglementaire qui exonère les dirigeants d’entreprises non‑américaines cotées aux États-Unis de certaines mesures de transparence concernant les opérations sur leurs titres.

Les sénateurs républicains se sont globalement montrés prudents quant à ces évolutions.  Pat Toomey, chef de file des Républicains à la commission des affaires bancaires, a plaidé en faveur d’un allègement des obligations de reporting qui pèsent sur les entreprises. Il a présenté à ce titre la proposition de loi JOBS 4.0, qui vise à réduire les contraintes liées aux entrées en bourse et aux émissions de titres non cotés et à faciliter l’accès au capital-investissement pour les investisseurs particuliers.

 

La SEC propose l’enregistrement des plateformes de négociation de swaps liés à des titres financiers

Le 6 avril, la SEC a proposé une règle visant l’enregistrement et la supervision des plateformes de négociation de swaps liés à des titres financiers (security-based swap execution facilities – SBSEF).

Cette proposition de règle, adoptée à l’unanimité par la SEC, est soumise à consultation pour 60 jours. Elle harmoniserait le cadre applicable aux SBSEF, qui relèvent de sa compétence, avec celui des plateformes de négociation d’autres types de swaps, qui relèvent de celle de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), régulateur des marchés de dérivés.  La règle vise ainsi à appliquer des dispositions du Dodd-Franck Act (DFA) de 2010 déjà mises en œuvre par la CFTC pour les swaps. Des propositions de règle avaient été publiées par la SEC en 2010 et en 2013, sans être finalisées.

La règle imposerait aux SBSEF de s’enregistrer auprès de la SEC et d’appliquer 14 principes de conformité prévus par DFA. Elles devraient en particulier communiquer à la SEC des informations concernant leur activité, leurs propriétaires et les éventuels litiges auxquels elles sont parties. Elles devraient également assurer l’intégrité financière de leurs opérations, l’accès au marché et maintenir un registre de l’ensemble de leurs transactions accessible à la SEC. Les SBSEF devraient en outre détailler comment elles supervisent leurs opérations afin de prévenir les manipulations, les disruptions ou distorsions de marché. La réglementation imposerait par ailleurs des restrictions au trading pour les personnes exerçant des fonctions officielles dans un SBSEF afin de prévenir les conflits d’intérêt.

Le DFA prévoyant que les transactions sur swap soumises à obligation de compensation doivent être exécutées auprès d’une bourse (exchange) ou d’une SBSEF, dès lors que ces swaps sont disponibles à la négociation (made available to trade – MAT) dans au moins une SBSEF, la proposition de règle fixe enfin la procédure à suivre pour faire reconnaître le statut de MAT à un swap par la SEC.

 

La secrétaire au Trésor et le président de la SEC évoquent leurs préoccupations concernant les marchés de crypto-actifs

Le 4 avril, le président de la SEC, Gary Gensler, s’est exprimé sur la réglementation des crypto‑actifs. Il a souligné son intention de mieux superviser les plateformes d’échanges de crypto-actifs, en imposant un enregistrement de celles-ci auprès de la SEC et en développant des règles de supervision des activités de détention (custody) de crypto-actifs pour le compte de leurs clients. Il a également rappelé qu’une majorité des crypto‑actifs émis aux États-Unis relevaient de la législation sur les titres financiers et devaient être enregistrés auprès de la SEC. Il est enfin revenu sur les risques liés aux stablecoins (crypto-actifs ancrés sur un actif de référence, souvent une monnaie conventionnelle) pour la stabilité financière, la protection des investisseurs et le financement d’activités illicites.

Le 7 avril, la secrétaire du Trésor, Janet Yellen, a prononcé un discours portant sur les enjeux liés à « l’innovation responsable » dans les crypto‑actifs. Elle préconise une réglementation guidée par la prévention des risques, à la fois pour les investisseurs, les clients et les entreprises ainsi que pour l’ensemble du système financier. Elle est notamment revenue sur les risques liés aux stablecoins, soulignant son intention de travailler avec le Congrès sur une législation spécifique. Elle a également mentionné les travaux engagés par le Treasury sur les perspectives de développement d’une monnaie numérique de banque centrale aux États-Unis.

Le 6 avril, le sénateur P. Toomey a par ailleurs déposé une proposition de loi visant à réglementer les stablecoins. Elle viserait notamment à créer une licence spécifique pour les émetteurs de stablecoins, sous contrôle de l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC), superviseur des national banks.

 

 

Brèves                                                    

 

Ø  Le 6 avril, la Maison-Blanche a annoncé les nominations de Mark Uyeda et Jaime Lizárraga comme commissaires de la SEC, en remplacement du commissaire républicain Elad Roisman, qui a démissionné de la SEC en janvier 2022, et de la commissaire démocrate Allison Lee, qui a annoncé son intention de quitter l’institution. Ces nominations doivent être confirmées par le sénat.

Ø  La Maison-Blanche a prolongé jusqu’au 31 août le moratoire sur les paiements sur la dette étudiante. Ce moratoire, initié en mars 2020, a été prolongé et devait prendre fin le 1er mai 2022. Le département de l’Éducation a indiqué travailler sur la reprise en douceur des remboursements des prêts étudiants à l’issue de ce moratoire et a rappelé que l’allègement de la dette étudiante s’élevait à 17 Md USD et concernait 700 000 emprunteurs. Le président Biden a également annoncé des mesures d’annulation pour les personnes en difficultés financières.

Ø  La place de marché spécialisée dans les crypto-actifs FTX et la place de marché traditionnelle IEX ont annoncé le 5 avril conclure un partenariat stratégique, avec un investissement significatif de FTX dans IEX.

Ø  Les ministres de la justice (Attorney Generals) de dix-huit États fédérés ont écrit le 4 avril à plusieurs grandes banques américaines, dont JP Morgan, Bank of America et Wells Fargo, pour leur demander de supprimer les commissions de service pour découvert (overdraft fees). Ils évoquent à ce titre les études du Bureau de protection des consommateurs de service financiers (CFPB) ayant mis en lumière les effets pervers de ces frais pour les ménages à faibles revenus. Ils mentionnent également les décisions récentes de suppression des overdraft fees par Citigroup et Capital One.

Ø  Dans une lettre du 5 avril, plusieurs sénateurs républicains demandent au président de la SEC de retirer une proposition de règle concernant la transparence des sociétés cotées en matière de risque climatique, publiée le 21 mars. Ils estiment que la SEC ne dispose pas d’un mandat en cette matière et que les enjeux climatiques relèvent du Congrès. Une lettre similaire a été envoyée le 4 avril par le sénateur démocrate Joe Manchin, qui dénonce une politisation du mandat de la SEC et des conséquences néfastes pour le secteur des énergies fossiles.

Ø  Dans un discours du 1er avril, Michael Hsu, directeur par intérim de l’OCC, a appelé à renforcer le régime de résolution des grandes banques américaines n’étant pas considérées comme d’importance systémique. Il a notamment souligné que ces banques n’étaient pas soumises aux exigences de mécanisme d’absorption des pertes (Total Loss Absorbing Capacity – TLAC) ni au régime de résolution avec point d’entrée unique (Single Point of Entry) et indiqué qu’il souhaitait mener une réflexion sur ce point, en collaboration avec la Fed et la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), autorité chargée notamment de la résolution des banques.