Malgré des contextes variés, les principales destinations touristiques de la zone sortent marquées par la crise du covid-19

En 2019, le nombre de touristes dans l’AEOI a atteint 9,9 M, en croissance de 55,2 % depuis 2010, bien que la zone ne représente que 17,8 % des arrivées de touristes en Afrique subsaharienne sur cette période. Sur la décennie, les ¾ des touristes étrangers se sont dirigés vers 5 pays : le Kenya (18,4 % des arrivées), le Rwanda (14,4 %), l’Ouganda (13,9 %), la Tanzanie (13,5 %) et l’île Maurice (12,5 %). Avant la crise sanitaire, les pays ayant connu la croissance la plus forte en nombre d’arrivées étaient les Comores (+194,8 % en 10 ans), le Rwanda (+145,0 %) et les Seychelles (+124,1 %). La crise a toutefois durement affecté le secteur touristique à l’échelle de la région, avec la suppression de 2,2 millions d’emplois entre 2019 et 2020, et une baisse de la contribution au PIB de 6,2 points de PIB en moyenne. Plusieurs pays de la zone se distinguent toutefois par l’importance de leur tourisme domestique notamment le Kenya (68 % des dépenses en 2019) et la Tanzanie (31 % des dépenses).

L’AEOI en tant que zone constitue la 4ème destination africaine sur la période 2010-2019 (11,7 % des arrivées internationales), derrière l’Afrique du Sud (19,0 %), le Maroc (14,9 %) et l’Egypte (14,1 %). A l’échelle des pays, le Kenya (8ème), le Rwanda (11ème), l’Ouganda (12ème), la Tanzanie (14ème) et l’île Maurice (15ème) comptent parmi les 15 premières destinations touristiques du continent. Le tourisme est cependant encore contraint par les risques sécuritaires et des infrastructures insuffisantes.

Le tourisme se caractérise par un tourisme d’affaires particulièrement important, ainsi qu’un tourisme domestique important pour plusieurs pays qui a été moins affecté par la crise sanitaire. Le tourisme d’affaires représentait ainsi 82 % des dépenses touristiques en 2019 en Tanzanie, 59 % au Burundi et 49 % au Rwanda, contre seulement 13 % en Ouganda et 21 % aux Comores. En termes de volumes, elles étaient les plus importantes au Kenya (2,2 Mds USD), en Ethiopie (1,6 Md USD) et en Tanzanie (1,4 Md USD) la même année. Le tourisme domestique représente une ressource essentielle pour le Burundi (96 % des dépenses touristiques en 2019), le Kenya (68 %) et le Soudan (42 %) en 2019. En termes de montant des dépenses, le Kenya (3,9 Mds USD), l’Ethiopie (1,5 Md USD) et la Tanzanie (1,2 Md USD) dominent le classement régional.

Le secteur du tourisme a particulièrement été affecté par la crise sanitaire, en raison des confinements et des restrictions de voyage imposées pour ralentir l’épidémie. Par conséquent, la contribution du secteur touristique dans le PIB de tous les pays de la zone a chuté, diminuant de moitié pour la plupart des pays. Madagascar, fortement dépendante du tourisme, est ainsi le pays le plus touché de la zone, la part du tourisme dans son PIB étant passée de 12,7% en 2019 (environ 1,7 Mds USD) à 4,4% (590,3 MUSD) en 2020, tandis qu’en Ethiopie la baisse a été relativement moins importante, de 6,8 à 4,3 % de son PIB (de 6,0 Mds USD à 3,9 Mds USD), atténuée par le soutien du Gouvernement.

Les répercussions de la crise sanitaire sur le marché du travail des pays de l’AEOI ont également été importantes, et représentaient une diminution de l’emploi total de 25 à 35 % entre 2019 et 2020. Ce sont ainsi près de 30 000 emplois qui ont été supprimés au Burundi, 259 000 à Madagascar, 412 000 en Tanzanie ou encore 500 000 en Ethiopie, faisant respectivement passer la part du secteur touristique dans l’ensemble des emplois de 4,6 à 3,0 % au Burundi ;  de 9,9 à 6,9 % à Madagascar  ;  de 6,2 à 4,5 % en Tanzanie  ;  et de 7,1 à 5,3% en Ethiopie.

Les pays de la zone ont mis en place des stratégies pour favoriser la relance du tourisme, qui s’articulent autour de trois grands axes :

  • Renforcer les infrastructures terrestres et aériennes pour accéder à de nouveaux marchés. Le Kenya, où l’aéroport JKIA sera rénové, vise ainsi de nouveaux marchés tels que la France, la Suède ou la Pologne, tandis que la compagnie aérienne Kenya Airways, dont la situation financière est critique, a annoncé la mise en place de vols quotidiens à destination de l’Inde. Au Rwanda, le nouvel aéroport de Kigali devrait être construit à Bugesera, et permettre à partir de 2025 de porter la capacité de l’aéroport à 10 millions de passagers/an. En Tanzanie, le renforcement des infrastructures terrestres permettrait de faciliter l’accès au pays, tandis que 247 MUSD ont été alloués à Air Tanzania pour l’année fiscale 2022/2023. Maurice prévoie également d’augmenter le nombre de sièges proposés à la vente via sa compagnie Air Mauritius.
  • Diversifier l’offre touristique et miser sur le tourisme haut de gamme. Madagascar prévoit de développer le tourisme haut de gamme et le tourisme balnéaire, tandis que le gouvernement mauricien prévoit une montée en gamme des prestations afin d’encourager une augmentation des dépenses touristiques. Au Rwanda, une stratégie portée vers les Etats du golfe ainsi que les Etats-Unis vise également à maintenir et renforcer un positionnement haut de gamme entamé depuis plusieurs années.
  • Encourager le tourisme d’affaires et interne. Au Kenya, la reprise du tourisme pourrait passer par le renforcement du tourisme d’affaires via la modernisation de ses infrastructures destinées aux conférences internationales. Le gouvernement ougandais cherche également à renforcer encore le tourisme domestique.

Les entreprises françaises sont positionnées dans plusieurs pays, malgré un secteur dominé par les acteurs nationaux, régionaux (sud-africain notamment), et anglo-saxons (Royaume-Uni, Etats-Unis). Les groupes français sont notamment présents dans le secteur de l’hôtellerie, via les groupes Accor (Djibouti, Madagascar, Kenya, Seychelles, Maurice, Rwanda, Tanzanie…), Club Med (Maurice), Vatel (Maurice, Rwanda), du transport aérien (Air France et Air Austral desservent via des vols directs plusieurs destinations de l’AEOI), ou du transport de safaris (e.motion en Tanzanie). La France s’est également engagée dans la sauvegarde et la préservation du patrimoine culturel de plusieurs pays (Ethiopie, Tanzanie…).

D’autres facteurs pourraient avoir des répercussions sur le secteur touristique, à court et moyen terme. Le premier concerne le conflit en Ukraine, avec d’un côté la hausse des prix des carburants qui pourrait augmenter le prix des transports et par conséquent réduire les déplacements, et de l’autre le tarissement des marchés russe et ukrainien. Les touristes russes représentaient ainsi 17 % des touristes internationaux des Seychelles en 2021, et 1 % du total des touristes mauriciens en 2019, qui étaient concentrés dans les secteurs lucratifs que sont le yachting ou les séjours longs. Les effets du conflit sont par ailleurs déjà visibles à Zanzibar, où près d’un millier d’Ukrainiens sont bloqués en raison de la fermeture de l’espace aérien aux vols civils. Le changement climatique et ses effets constituent un autre enjeu pour le secteur touristique des pays de l’AEOI. En effet, la hausse des températures, l'élévation du niveau de la mer, les effets des conditions météorologiques extrêmes sur les régions côtières ou encore la perte de la biodiversité auront des conséquences néfastes sur le tourisme. Le développement du tourisme durable ou de l’éco-tourisme témoigne de la prise en compte a minima sectorielle de ces problématiques.