Bulletin d'analyse économique Chine (avril 2022)
Le Bulletin se compose des productions récentes du Service économique régional de Pékin au sujet de l’économie chinoise.
Lianghui : quelles orientations économiques en 2022 ?
Les Lianghui (« deux assemblées ») qui ont débuté respectivement les 4 et 5 mars sont les dernières avant le XXème Congrès du PCC. Dans ce contexte, l’affichage d’objectifs économiques relativement ambitieux et la réaffirmation de la priorité donnée à la « stabilité » économique pour 2022 dans les rapports publiés ne sont pas surprenants. Face aux facteurs baissiers pesant sur l’économie chinoise, la réalisation concrète de ces objectifs n’est pourtant pas assurée, comme pouvait l’être celle de 2021 : elle devra être particulièrement suivie.
La politique "Zéro Covid", pourquoi et pour combien de temps ?
Nota bene : Actualité à la fin janvier 2022.
Alors qu’un nombre de croissant de pays font le choix de « cohabiter » avec le virus, la Chine maintient strictement sa politique dite « Zéro Covid » (PZC). Outre des bénéfices sanitaires (faible mortalité et propagation contenue du virus), celle-ci a permis une reprise rapide de son activité économique. Néanmoins, force est de constater que le pays n’a désormais guère d’autre choix que de se maintenir sous « cloche », compte-tenu de la propagation des variants Delta et Omicron et de l’échéance phare que constitue le XXème Congrès du PCC à l’automne 2022. Une inflexion du positionnement des autorités apparait peu probable en 2022 voire 2023.
Situation du groupe Evergrande
Nota bene : Actualité fin janvier 2022. Les récentes évolutions relatives à la situation des promoteurs immobiliers chinois sont traitées dans les brèves hebdomadaires du SER de Pékin. Pour les récentes annonces sur Evergrande, voir les « Brèves hebdomadaires de la Semaine du 21 mars 2022 ».
Le mardi 7 décembre 2021, Evergrande a échoué à rembourser un coupon de 82,5 M USD, dû à des investisseurs étrangers. Depuis, malgré ce défaut de fait, la procédure judiciaire de banqueroute n’a pas encore été lancée. La restructuration du passif d’Evergrande est en cours de discussion, sous l’égide des autorités locales. En parallèle, les autorités économiques assurent que le défaut d’Evergrande n’est qu’un cas isolé sans conséquence sur le reste de l’économie, mais doivent malgré tout desserrer les contraintes pesant sur le secteur et faire intervenir les SOE pour éviter une contagion.
La finance verte en Chine, un secteur en cours de structuration
La Chine s’est donné pour objectif d’atteindre son pic d’émission avant 2030, et la neutralité carbone à l’horizon 2060. Pour y parvenir, elle aura besoin d’investir dans la transition entre 2 200 et 3 900 Mds RMB par an (soit au total 1,5 fois son PIB total pour l’année 2020). Les capitaux publics ne pouvant y être suffisants, le secteur de la « finance verte », côté banques et marchés financiers, a un rôle essentiel à jouer pour mobiliser et orienter les capitaux privés vers les investissements bénéfiques pour le climat. Les dispositifs de finance verte désignent, au sens le plus restreint qui semble avoir prévalu en Chine, les seuls « actifs verts » bancaires et financiers. Bien qu’encore insuffisant, leur développement en Chine se structure sous l’impulsion des autorités. Au-delà, le développement d’un plus large ensemble de dispositifs et mécanismes financiers, réglementaires et fiscaux demeure nécessaire, pour que la finance verte puisse pleinement participer à la décarbonation de l’économie chinoise.
Quel rôle a la Chine dans l'explosion des prix du gaz sur le marché mondial ?
NB : cette note s’appuie sur des facteurs et données antérieurs à l’invasion russe en Ukraine.
L’un des principaux facteurs de la flambée des prix du gaz en 2021 a été la demande exceptionnelle en Europe et en Asie, et plus particulièrement en Chine. La compétition pour les cargos de gaz naturel liquéfié est forte, et ce alors que la Chine en est devenu le principal importateur mondial l’année dernière. Un retour durable aux prix de l’avant-crise parait peu probable, à l’heure où la demande chinoise et asiatique en gaz – largement dépendante des importations – ne devrait faire qu’augmenter.
Vers un marché de l'électricité unifié en Chine en 2030 ?
Si la pénurie énergétique de l’automne 2021 a remis la sécurité énergétique et la question du charbon au cœur des priorités chinoises, de nouvelles avancées ces derniers mois en matière de réforme du marché de l’électricité pourraient s’avérer essentielles pour la décarbonation du plus grand système électrique au monde. Ainsi fin janvier paraissait un avis sur «l’accélération de la construction d’un système national de marché unifié de l’électricité», publié conjointement par la Commission nationale pour le Développement et la Réforme (NDRC) et l’Administration Nationale de l’Energie (NEA). Ce document revêt une importance particulière : si la construction d’un marché unifié figurait déjà depuis 2020 dans la stratégie de développement énergétique de la Chine, c’est la première fois qu’un horizon de mise en œuvre est publié, avec 2025 comme étape intermédiaire, puis un fonctionnement complet prévu pour 2030. Alors que la Chine déploie à une vitesse frénétique de nouvelles capacités éolienne et solaire (+102 GW rien qu’en 2021), la mise en place d’échanges d’électricité au plus proche du temps réel et sur de larges espaces géographiques sont indispensables à l’intégration de ces énergies intermittentes.
L'industrie navale déjà dominante se renforce grâce à la présence croissante des acteurs européens
La Chine domine le marché mondial de la construction navale civile grâce à un fort soutien des autorités, souhaitant sécuriser leurs intérêts commerciaux, militaires et énergétiques. Les chantiers ont bénéficié (1) de subventions massives (ainsi qu’à leurs fournisseurs) ; (2) de la fermeture du marché aux entreprises étrangères et (3) de la consolidation autour d’entreprises publiques (SOE) destinées à conquérir le marché mondial. Les groupes chinois profitent aujourd’hui de leur position dominante pour opérer une montée en gamme technologique et cibler de nouveaux segments à haute valeur ajoutée (navires de croisière, méthaniers, transport d’ammoniac…), grâce à des transferts de technologie d’entreprises étrangères. Enfin, le développement de l’industrie civile bénéficie directement aux capacités militaires de la Chine.
Les métavers en Chine, une frénésie qui ne laisse pas le gouvernement indifférent
Plateformes d'échanges de données : quelles réalités ?
Le lancement en novembre 2021 d’une « bourse » d’échanges de données à Shanghai, baptisée le « Shanghai Data Exchange Centre » (SDEC) a fait l’objet d’une forte attention médiatique. Elle est présentée comme une initiative prometteuse, voire inédite, pour tester la mise en œuvre concrète d’un marché des données. En réalité, une quinzaine de plateformes pilotes d’échanges de données existe depuis 2015, avec des résultats mitigés.
Enjeux et perspectives de la décarbonation de l'aviation en Chine
Avant la pandémie de COVID-19, le transport aérien chinois était considéré comme responsable de 13 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone du secteur, soit 95 millions de tonnes métriques (MTM) d’émissions de CO2 émises en 2018 par le transport de passagers et de marchandises. Sans le ralentissement imposé par l’épidémie, et du fait de la croissance de son marché, certaines expertises estimaient plus d’un quadruplement des émissions à 2050. En février dernier l’Administration de l’Aviation Civile (CAAC) dévoilait un plan spécifique pour le développement vert de l’aviation civile, détaillant les objectifs du secteur dans le cadre du 14ème plan quinquennal. La décarbonation de l’aviation ne semble pas constituer un objectif prioritaire pour les autorités chinoises. Celles-ci n’annoncent aucune révolution technologique majeure, aucun engagement contraignant de substitution du kérosène par des carburants durables (SAF, sustainable aviation fuel), et continuent de s’opposer à tout dispositif contraignant à l’international. Pour autant, la situation n’est pas figée, et l’industrie aéronautique française s’organise de manière opportune et proactive pour promouvoir ses intérêts dans ce domaine.
Transport aérien : accident du vol 5737 de China Eastern
Un Boeing 737-800 de China Eastern s’est écrasé dans l’après-midi du 21 mars dans la région autonome du Guangxi, avec 132 personnes à bord, sans survivants. Cet accident met un point d’arrêt brutal en Chine à douze années sans problèmes majeurs de sécurité aérienne et a suscité une forte émotion. Le Président XI Jinping a immédiatement (et visiblement) pris en main l’affaire. Si les causes qui ont conduit au crash sont inconnues, les effets potentiellement délétères de l’accident pourraient s’étendre à différents acteurs de l’industrie aéronautique, incluant les intérêts français.
Année record pour le commerce extérieur de biens chinois
Dans un contexte de reprise soutenue mais inégale du commerce mondial des biens (+22 % en valeur selon UNCTAD), le commerce extérieur chinois a enregistré des performances historiques en 2021 : +29,7 % pour les exportations (3368 Md$, tirées par la forte demande mondiale en biens de consommation favorisée par les plans de relance estimés à plus de 18 000 Md$) ; +30,0 % pour les importations (2 679 Md$, du fait de la hausse des achats de biens d’équipement comme les semi-conducteurs et de l’augmentation du prix de l’énergie). La Chine continue de renforcer son poids dans l’économie et le commerce mondial (14,8 % des échanges sur les 11 premiers mois 2021, contre 12,7 % en 2019 sur la même période) et enregistre l’excédent commercial le plus élevé jamais observé (+28,3 % à 689,2 Md$).
NB : toutes les données sont issues des douanes chinoises (sauf mention contraire)
Année record pour les échanges de biens entre la France et la Chine
Malgré des ventes aéronautiques qui peinent à retrouver leur niveau pré-covid, les exportations françaises vers la Chine enregistrent de bonnes performances en 2021, en particulier grâce au dynamisme de l’agroalimentaire, la maroquinerie, la chimie et la pharmacie. Les importations en provenance de Chine continuent également leur progression dans tous les secteurs, en lien avec la reprise de la consommation des ménages en France. Le déficit commercial français vis-à-vis de la Chine continue dès lors de se creuser et atteint 39,6 Md€ à comparer à 38,9 Md€ en 2020 et 32,3 Md€ en 2019.
NB : toutes les données sont issues des douanes françaises (sauf mention contraire)
Publication du premier livre blanc sur le contrôle des exportations
La Chine clarifie par ce texte le cadre juridique de son système de contrôle des exportations, fondé sur l’usage et la destination, mais adoptant une définition extensive de la sécurité nationale, vraisemblablement en réponse aux systèmes américains de contrôle des exportations. Il s’inscrit parallèlement dans la rhétorique consistant à se présenter en puissance responsable, et de s’ériger en défenseur des pays en voie de développement, qui seraient les premières victimes du recours « abusif » et « unilatéral » au contrôle des exportations.
L'orientation productiviste du 14ème plan relatif à l'agriculture s'inscrit dans la continuité des politiques agricoles chinoises, mais ne cesse de ne confirmer
Les objectifs du 14ème plan sont en cohérence avec le Document N° 1 de 2021 et le rapport du Premier ministre lors des lianghui. Ils reconduisent la priorité accordée, dans le 13ème plan, au développement rural (« revitalisation »), en mobilisant des outils habituels (développement des infrastructures et des services, amélioration des conditions de vie, soins de santé, éducation et formation), notamment pour consolider la victoire dans la lutte contre la pauvreté. Le 14ème plan insiste aussi – et c’est un souci accru, motivé par la dépendance croissante du pays aux importations agricoles – sur le développement de la production agricole, notamment par l’innovation et la mécanisation. Un objectif de durabilité agro-environnementale est mentionné mais le niveau de priorité de ces questions se réduit.
La Chine satisfaite de son bilan agricole 2021 malgré des conditions difficiles
Bilan de l'adhésion de la Chine à l'OMC pour le secteur agricole et agroalimentaire chinois