Actualités économiques du Nigéria et du Ghana - semaine 28 mars au 3 avril 2022
Publication du Service économique régional d’Abuja, réalisée avec les contributions des SE de Lagos et d’Accra.
Faits saillants:
- Nigéria : La Chambre des Représentants demande des comptes à la NNPC sur l’état d’avancement du projet de gazoduc transsaharien ; En moyenne, les Nigérians dépensent près de 4 Md USD chaque année en frais de scolarité et dépenses de santé à l’étranger ; La Banque centrale du Nigéria débloque 91 MEUR face à l’augmentation des prix du blé ; Le Nigéria ouvre la voie à l’implantation d’opérateurs de réseau mobile virtuels.
- Ghana : La taxe controversée « E-Levy » finalement votée au Parlement ghanéen ; Le gouvernement annonce des mesures pour contenir le déficit fiscal à 7,4 %.
Le chiffre à retenir:
449 millions de dollars : C’est le montant des investissements qu'a nécessité le projet de deuxième pont sur le fleuve Niger, lancé en 2018, aujourd'hui réalisé à 91 %.
Nigéria
La Chambre des Représentants demande des comptes à la NNPC sur l’état d’avancement du projet de gazoduc transsaharien
L’actualité récente, qui a mis en lumière les besoins de l’Europe en matière de gaz, n’est peut-être pas étrangère à l’initiative : mercredi dernier, les parlementaires ont voté la motion proposée par le député de Kaduna, Ahmed Munir (APC), demandant à la Nigeria National Petroleum Company (NNPC) de faire la lumière sur l’état d’avancement du projet de gazoduc transsaharien. Né d’un accord signé en 2002 entre l’entreprise publique nigériane et son alter ego algérien Sonatrach, son coût était alors été estimé à 12 Md USD. Long de plus de 4 000 Km, l’ouvrage devait permettre d’acheminer chaque année vers le marché européen près de 30 milliards de mètre cubes de gaz. Si des études de faisabilité réalisées dans les années 2000 ont bien conclu à la viabilité économique et technique du projet, peu d’avancées ont été enregistrées depuis l’allocation d’un budget de 400 MUSD en 2013, une somme qui aurait dû permettre le lancement effectif des étapes préalables à la construction du gazoduc, dont la mise en service était attendue en… 2020.
En moyenne, les Nigérians dépensent près de 4 Md USD chaque année en frais de scolarité et dépenses de santé à l’étranger
D’après un rapport de la Banque centrale du Nigéria, en dix ans, les Nigérians ont dépensé au total 39,7 milliards de dollars pour la scolarité à l’étranger de leurs enfants, l’inscription dans des établissements universitaires et le tourisme médical. Entre 2010 et 2020, ce sont près de 2,8 Md USD qui sont sortis du pays chaque année pour financer les dépenses scolaires et universitaires des ménages. Le recours à des services médicaux à l’étranger, pour sa part, représenterait 1,1 Md USD par an. Pour certains observateurs, il ne faudrait pas chercher plus loin l’explication de la volatilité de la valeur de la Naira, les sorties de devises pour ces motifs étant inégalement réparties tout au long de l’année. On estime qu’environ 100 000 Nigérians sont inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur à l’étranger.
La Banque centrale du Nigéria débloque 91 MEUR face à l’augmentation des prix du blé.
La Banque centrale du Nigéria (Central Bank of Nigeria, CBN) a annoncé 91 MEUR de financements supplémentaires pour développer l’offre locale de blé. Le blé est la 3ème céréale la plus consommée au Nigéria après le riz et le maïs, mais seuls 2 % des besoins sont couverts par la production locale (entre 50 000 et 60 000 tonnes par an) alors que la consommation et les prix augmentent. Ainsi, les importations de blé ont triplé en valeur depuis 2019, passant de 431 Md NGN (982 MEUR) à 1 290 Md NGN (2,8 Md EUR) en 2021. Le blé représente à lui seul 6,5 % des importations totales. La CBN a pour objectif de réduire les importations de 60 % d’ici deux ans afin de préserver ses fragiles réserves de change et réduire sa dépendance aux marchés internationaux.
Les fonds de la CBN sont destinés à faciliter l’accès à des semences ayant de meilleurs rendements et à agrandir les exploitations. Ces mesures devraient permettre de stimuler la production de blé sur près de 133 000 hectares répartis dans 15 Etats. La situation devient d’autant plus urgente depuis le début la guerre en Ukraine : le prix du boisseau a atteint le niveau record de 13 USD, soit une hausse de 70 % depuis le début de l’année, qui impacte directement le Nigéria, dixième plus gros importateur mondial. De plus, cette augmentation pourrait avoir des répercussions sur le prix des substituts (millet, sorgho, farine de manioc…) alors que la FAO annonce déjà que 19,4 M de Nigérians se trouveront en situation d’insécurité alimentaire d’ici août 2022.
Le Nigéria ouvre la voie à l’implantation d’opérateurs de réseau mobile virtuels
En publiant fin mars son « cadre de licence pour l’établissement d’opérateurs de réseaux virtuels mobiles au Nigéria », la Nigerian Communications Commission a défini les conditions de l’introduction sur le marché d’opérateurs de réseaux mobiles virtuels (Mobile Virtual Network Operator, MVNO). Ces nouveaux opérateurs, qui ne possèderont pas les éléments de spectre sur lesquels ils opèreront, ne pourront fournir leurs services qu’après un accord avec les opérateurs traditionnels. Cela ouvre la voie à l’implantation au Nigéria de nouveaux opérateurs mobiles, sous réserve de l’obtention de licences nécessaires. Le coût de ces dernières varie entre 30 MNGN et 250 MNGN (72 000 USD et 601 000 USD) en fonction du niveau de services qu’elles permettent. L’introduction de nouveaux acteurs pourrait permettre une plus grande diversité d’offres de services de télécommunications, notamment pour mieux desservir les communautés rurales. Cela pourrait également faire gagner le secteur en compétitivité dans les zones urbaines. En janvier 2022, plus de 108 M de lignes mobiles au Nigéria étaient inactives.
Ghana
Des mesures volontaristes de la banque centrale du Ghana pour lutter contre l’inflation
Le Parlement ghanéen a approuvé mardi une nouvelle taxe de 1,5 % sur les paiements électroniques, connue sous le nom de "E-Levy", alors que l'opposition avait quitté le parlement en signe de protestation. La taxe, qui couvrirait les paiements par téléphonie mobile, les virements bancaires, les paiements des commerçants et les transferts de fonds entrants, pourrait rapporter jusqu'à 6,9 Md GHC (926 MUSD) en 2022, selon les estimations du gouvernement. Cette nouvelle taxe sera mise en place sur les mouvements au-delà de 100 GHC (15 EUR) par jour ou 3 000 GHC par mois. Le but de cette taxe est d’élargir la base fiscale en agissant notamment sur le secteur informel (quasiment 90 % de l’emploi national). Le parti d’opposition y est farouchement opposé, arguant que cette taxe affecterait les ménages les plus modestes et provoquerait des stratégies d’évitement de paiement par Mobile Money, ce qui réduirait l’assiette estimée de la taxe.
Le budget 2022, pour cette raison, avait été initialement rejeté en novembre 2021 par les législateurs de la minorité qui avaient voté pendant un boycott du parti au pouvoir (le taux de la E-Levy était alors à 1,75 %). Le projet de loi devait être soumis mi-avril, mais le Président du Parlement a déclaré qu’il devait être traité comme une affaire urgente et a accéléré son vote.
Le gouvernement annonce des mesures pour contenir le déficit fiscal à 7,4 %
Alors que la situation économique du Ghana ne cesse de se dégrader – inflation croissante, dépréciation du cédi, dette publique à plus de 80 % – le gouvernement avait annoncé en janvier dernier la réduction de 20 % des dépenses publiques afin de contenir le déficit fiscal de l’exercice 2022. Le 24 mars, le ministre des Finances a communiqué les mesures décidées à ce titre : elles permettraient d’économiser 3,5 Md GHS, soit 2,5 % des dépenses publiques totales estimées pour 2022. Les mesures annoncées incluent notamment une réduction de 10 % des dépenses compressibles, une baisse de 30 % des traitements des ministres et directeurs des entreprises publiques, un moratoire sur l’achat de véhicules importés, la renégociation des contrats « take or pay » avec les producteurs indépendants d’électricité et la réduction de 50 % des frais événementiels. Ces mesures apparaissent cosmétiques face à la détérioration des finances publiques ghanéennes et au regard des 20 % annoncés en janvier : elles représentent 2,5 % des dépenses budgétaires totales prévues pour 2022 (3,5 Md GHS sur 137,5 Md GHS de dépenses). Le ministre des Finances a également annoncé la mobilisation d’un financement externe à hauteur de 2 Md USD auprès de banques internationales, avec un accord à ce titre conclu dans les deux à six prochaines semaines.