Actualités économiques du Nigéria et du Ghana - semaine 10 du 7 au 13 mars 2022
Publication du Service économique régional d’Abuja, réalisée avec les contributions des SE de Lagos et d’Accra.
Faits saillants:
- Nigéria : La guerre en Ukraine pourrait être lourde de conséquences pour le Nigéria ; Le Nigéria face à une pénurie d’essence qui dure ; En 2021, les industries extractives ont représenté plus de 7,4 % du PIB ; Le Parlement nigérian autorise les Etats à produire et à distribuer de l’électricité pour augmenter les capacités de production du pays.
- Ghana : L’inflation au Ghana atteint 15,7% en février 2022 ; Le gouvernement ghanéen vise à réduire de quasiment 15% la subvention aux engrais du programme « Planting for Food and Jobs ».
Le chiffre à retenir:
1 039 Md NGN : C’est les profits cumulés des 5 plus grosses entreprises au Nigéria, une somme record sur les 7 dernières années.
Nigéria
La guerre en Ukraine pourrait être lourde de conséquences pour le Nigéria
La guerre en Ukraine et les sanctions économiques infligées à la Russie impactent déjà fortement le Nigéria. Depuis le 24 février, le prix du baril de pétrole a augmenté de 14,6% (114 USD le baril). Or, cette hausse des prix ne devrait pas profiter pleinement au Nigéria, pourtant premier producteur de pétrole en Afrique. En effet, le prix du carburant étant fixé de façon réglementaire, le gouvernement devra puiser dans ses ressources pour combler l’écart croissant avec les prix internationaux. Or, selon la Banque mondiale, la hausse des prix pourrait coûter au gouvernement 1000 Md NGN de plus qu’initialement prévu, soit 4 000 Md NGN (9,62 Md USD) en 2022. Ce montant représente environ 39,5% de recettes publiques prévues pour 2022 par le gouvernement.
Des conséquences sont également attendues sur les importations de blé du Nigéria. En 2020/2021, le pays a acheté à l’étranger 6,8 millions de tonnes de blé (pour environ 2 Md USD), soit 98% de ses besoins annuels. Or, la guerre en Ukraine a déjà provoqué une hausse des prix de 40,6% (à 403,5 EUR/tonne le 9 mars), les belligérants représentant à eux deux plus de 29% des exportations mondiales. L’inflation sur les produits alimentaires, déjà très élevée au Nigéria (+17,4% sur un an en décembre 2021) pourrait s’aggraver dans les prochains jours et augmenter l’insécurité alimentaire dans le pays.
Pour rappel, la Russie est l’un des dix principaux fournisseurs du Nigéria, qui lui a acheté pour 993,4 Md NGN (soit 2,39 Md USD) sur un an glissant (septembre 2021).
Le Nigéria face à une pénurie d’essence qui dure
L’Etat de Lagos (sud-ouest) a annoncé l’ouverture d’une enquête après la publication d’une vidéo, prise lors d’une fête privée, montrant la distribution de bidons d’essence aux invités. La styliste Pearl Chidinma Ogbolu a en effet décidé d’offrir dix litres de carburant aux personnes présentes lors de sa cérémonie d’intronisation en tant que chef tribale de l’Etat d’Ogun. Cette dernière a aussitôt présenté ses excuses, une fois l’affaire révélée.
Le Nigéria connaît depuis plus d’un mois une pénurie d’essence importante, notamment dans les villes d’Abuja et de Lagos. Celle-ci, provoquée par l’importation de plus de 170 M de litres de carburant frelaté, a entrainé une hausse massive des prix parallèles. Alors que le prix du litre est fixé à 162 NGN (0,4 USD), il s’échange désormais à environ 450 NGN (1,08 USD) au marché noir, sur les bords des routes. Cette pénurie a par ailleurs entrainé des heurts dans la ville de Lagos.
En 2021, les industries extractives ont représenté plus de 7,4 % du PIB
Selon les statistiques nationales, le secteur « mines et carrières », qui inclut l’ensemble des industries extractives, a enregistré en 2021 une contribution totale de 5 370 Md NGN (soit près de 13 Md USD) au PIB nigérian (70 000 Md NGN). Cette contribution est très largement dominée par l’extraction de pétrole brut et de gaz naturel, qui représente à elle seule 5 240 Md NGN (12,6 Md USD). L’extraction de charbon a contribué à hauteur de 7,7 Md NGN (19 M USD), auxquels s’ajoutent 8,3 Md NGN (20 M USD) pour les minerais métalliques, et 111 Md NGN (270 M USD) pour les carrières et autres minéraux. Les industries extractives sont ainsi le sixième contributeur au PIB du Nigéria, le premier étant l’agriculture (25,9%).
Les autorités visent actuellement à accroître les revenus issus de l’extraction non-pétrolière, en attirant les investissements étrangers dans ce secteur encore sous-exploité et en développant les partenariats public-privé. En témoigne notamment le nouveau système de cadastre minier électronique (eMC+), mis en place grâce à un partenariat avec la Banque Mondiale.
Le Parlement nigérian autorise les Etats à produire et à distribuer de l’électricité pour augmenter les capacités de production du pays
Le 1er mars, le gouvernement fédéral a renoncé au monopole de la gestion de la production et la distribution d’électricité au profit des Etats fédérés. Depuis plusieurs années, le gouvernement fédéral prend des mesures pour améliorer la fourniture électrique dans le pays. En 2010, l’agence publique de l’électricité (la National Electric Power Authority) a été démantelée afin d’améliorer la qualité des services. Les actifs de production et de distribution ont été privatisés et certaines centrales réhabilitées. Toutefois, le transport est resté sous le contrôle de l’Etat fédéral à travers la Transmission Company of Nigeria. En 2020, les subventions sur le prix de l’électricité, qui représentaient 120 M USD de dépenses publiques chaque année, ont été supprimées, et les tarifs renégociés pour assurer la viabilité financière du secteur.
Malgré ces mesures, les programmes de la Banque mondiale et de l’AFD, et les financements du gouvernement fédéral (1,6 Md USD déboursés en janvier 2021), seulement 15% des besoins énergétiques du pays sont couverts par le réseau électrique. Cela représente un manque à gagner de 26,2 Md USD pour l’économie nigériane.
Pour rappel, le Nigéria compte actuellement 30 centrales électriques (4 hydrauliques, 26 au gaz) majoritairement situées dans le Sud-Est du pays, en particulier dans les Etats du Delta et de Rivers qui concentrent huit centrales à gaz.
Ghana
L’inflation au Ghana atteint 15,7% en février 2022
Avec les prix mondiaux du pétrole brut qui restent élevés et leur répercussion sur les prix du pétrole à la pompe et les transports, la hausse des prix à la consommation a poursuivi son ascension. Les données du Ghana Statistical Service (GSS) montrent que les prix à la consommation dans le pays ont atteint leur plus haut niveau en 5 ans : l’inflation globale a grimpé à 15,7% en février 2022, contre 13,9% en janvier 2022, soit 1,8 point de pourcentage de plus que le mois précédent. Divers secteurs ont atteint des taux d’inflation bien supérieurs à la moyenne nationale : le logement et l’eau ont enregistré une hausse de 25,4%, l’électricité et le gaz 21% et les transports 18,3%. Les produits alimentaires ont également connu une inflation plus forte que la moyenne, avec une hausse de 17,4%.
Par ailleurs, le taux directeur nominal de la Banque centrale du Ghana à 14,5% et l’inflation à 15,7% indiquent des rendements réels négatifs par rapport au rendement moyen du bon du Trésor de 91 jours, qui est d’environ 12,6%.Le marché prévoit ainsi une nouvelle hausse des rendements sur les marchés primaire et secondaire, avec un réajustement des attentes des investisseurs en matière de rendement à la hausse, ce qui risque d’affecter d’autant l’endettement ghanéen.
Le gouvernement ghanéen vise à réduire de quasiment 15% la subvention aux engrais du programme « Planting for Food and Jobs »
La subvention des intrants dans le cadre du programme phare du gouvernement « Planting for Food and Jobs » (Planter pour l'alimentation et l'emploi, PFJ) a encore été réduite pour la prochaine campagne agricole de 2022. La réduction des subventions par le gouvernement imposera vraisemblablement une charge financière supplémentaire aux petits exploitants agricoles du pays, qui sont déjà confrontés à la difficulté d'acheter les intrants agricoles nécessaires à la production. Alors que le prix du sac d’engrais de 25 kg subventionné était de 53 GHC en 2021, il coûterait aujourd’hui 160 GHC.
Cette annonce de réduire davantage la subvention existante de 38% à 15% pour les engrais chimiques et de réduire la subvention de 40% à 25% pour les engrais organiques suscite de fortes inquiétudes. Depuis la création du PFJ en 2017, le ministère de l’agriculture ghanéen avait déjà réduit les subventions sur les engrais de 50% au cours des cinq dernières années à 38% pour les engrais chimiques et 40% pour les engrais organiques lors de la saison agricole 2021.