Edito

Dans le contexte incertain qui prévaut aujourd’hui, Il nous semble nécessaire, au sein du réseau des services économiques de l’Asie du Sud, d’apporter un éclairage sur les grandes tendances structurant l’économie dans la zone. C’est pourquoi, le réseau des services économiques d’Asie du sud publiera désormais une lettre trimestrielle régionale dans un format nouveau, consacré au traitement d’une problématique commune à l’ensemble de la région.

Cette livraison de l’hiver 2022 en constitue le premier numéro, consacré à la situation macro-économique et financière des pays de la région en sortie de crise liée à la pandémie. Malgré leur hétérogénéité, d’autant plus prononcée que le poids économique de l’Inde dans ce groupe de pays a pu contribuer au faible degré d’intégration économique de la région, contrairement à l’ASEAN voisine, les pays de la zone ont tenté d’apporter des réponses similaires, sinon concertées, au choc exogène représenté par l’épidémie de Covid.

Ces réponses ont été essentiellement d’ordre budgétaire, les gouvernements cherchant à accommoder le choc en menant une politique de soutien économique active, faute de stabilisateurs automatiques suffisants d’une part et parce que l’ampleur du choc appelait une réponse calibrée d’autre part. Les politiques monétaires n’ont pas été en reste, visant, grâce à des injections de liquidité massives, à permettre aux banques d’absorber le surcroît de titres publics nécessaires au financement des plans de relance budgétaire. En outre, les banques centrales de la région ont piloté à la baisse les taux d’intérêt directeurs, de manière à inciter les banques à continuer de prêter à des conditions de financement favorables. Enfin, des moratoires sur les dettes ont été prononcés, de manière que le recours au crédit puisse se poursuivre.

Malgré l’ampleur de ces mesures, qui ont pu d’ailleurs revêtir des formes exceptionnelles dans le cas de l’Inde, avec des achats de titres publics par la Banque centrale dans le cadre d’un programme de Quantitative Easing (G-SAP), le bilan que l’on peut en dresser à la lumière de la reprise enregistrée, paraît en demi-teinte. Certes, ces mesures ont permis de pallier le risque d’un coup d’arrêt brutal à la croissance, mais au prix d’un endettement souverain en forte hausse et d’une inflation élevée. Dans la zone, il n’y a guère que le Bangladesh qui dispose encore de marges de manœuvre budgétaires, à condition toutefois de faire abstraction de la montée en régime des créances douteuses dans les bilans bancaires, actuellement sous-évaluées et de la nécessité d’une recapitalisation de certaines banques publiques. Dans la plupart des cas, les pays enregistrent en outre des déficits courants structurels, faute d’une épargne suffisante pour financer leur développement, que les déficits budgétaires auront pour effet d’aggraver (Népal, Bhoutan, Pakistan, Sri Lanka, Maldives). Enfin, le choc exogène résultant de la pandémie aura exercé des effets durables sur l’ensemble de la zone, en détruisant du capital humain et en affectant le potentiel de production, sans que ces éléments soient totalement appréhendés dans les comptes nationaux, en raison du degré élevé d’informalité. Pour autant, malgré la relance budgétaire, les populations les plus vulnérables n’auront guère bénéficié de social safety nets permettant à la consommation des ménages de retrouver son niveau d’avant-crise. C’est le cas dans l’ensemble de la région, à l’exception du Bangladesh, une fois encore. Les défis à relever paraissent d’ampleur et devront intégrer les implications à venir du resserrement monétaire de la FED.

 

Benoit GAUTHIER

Chef du service économique régional de New Delhi

Benoit.gauthier@dgtresor.gouv.fr