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Zoom de la semaine : Situation économique et financière de l’Ouzbékistan

Pays le plus peuplé d’Asie centrale, avec une population de 34,4 millions d’habitants, l’Ouzbékistan est la deuxième économie d’Asie centrale avec un PIB nominal qui s’élevait à environ 60 Md USD en 2020, soit un PIB par habitant de près de 1 800 USD. L’Ouzbékistan est l’un des rares pays à ne pas avoir connu de croissance négative en 2020. La reprise est a été forte en 2021 avec une croissance de 7,4%, son plus haut niveau depuis 2016. Certains risques commencent toutefois à émerger, notamment au niveau de l’endettement public et extérieur.

1. Après son ralentissement en 2020, l’activité économique a fortement rebondi en 2021.

Pour mémoire, l’Ouzbékistan a été l’un des rares pays à éviter la récession en 2020 avec une croissance du PIB de 1,7% selon le FMI. Alors que la consommation a continué à soutenir l’activité avec des ventes de détail en hausse de 3,2% en 2020 en g.a., l’investissement, principal moteur de la croissance ouzbèke de ces dernières années, s’est replié de 8,2% en 2020 en g.a. En 2021, l’activité a ré-accéléré avec une croissance du PIB mesurée à 7,4%. L’activité a surtout été stimulée par la consommation avec des ventes de détail en hausse de 12% en g.a. en 2021, alors que l’investissement total en capital fixe augmente de 5,2% en g.a., pour revenir à près de 40,6% du PIB.  Avec une augmentation de 20,9% des importations et de 9,9% des exportations, la contribution du commerce extérieur à la croissance apparait négative.

Suite à sa réélection en octobre 2021, le président Mirziyoyev a présenté une nouvelle stratégie de développement 2022-2026 qui vise notamment à augmenter de 60% le PIB par habitant au cours des cinq prochaines années et à le porter à 4 000 USD d’ici 2030.

L’inflation reste forte mais s’inscrit en baisse presque constante depuis 2019.  En atteignant +9,8% en janvier 2022 en g.a., l’inflation est passée sous les 10% pour la première fois depuis 2017 (année de la réforme monétaire). La Banque centrale cible un retour de l’inflation à 5% d’ici la fin 2023. En réponse à la crise, elle avait pour mémoire abaissé son taux directeur à deux reprises de 100 points de base en avril et septembre 2020, le fixant à 14% (taux toujours en vigueur). 

2. La dégradation des comptes extérieurs et la hausse de l’endettement constituent des sources de fragilité.  

Après s’être légèrement réduit en 2020 (- 6 Md USD), le déficit commercial a atteint le niveau record de -8,9 Md USD en 2021 (13,6% du PIB). L’Ouzbékistan reçoit néanmoins d’importants transferts de ses travailleurs à l’étranger, notamment depuis la Russie, permettant de compenser partiellement le déficit du commerce extérieur. En 2020, les transferts de travailleurs ouzbèks depuis la seule Russie ont atteint 4,4 Md USD (environ 7,3% du PIB). En janvier-septembre 2021, ils étaient en hausse de 26,6% en g.a. et devraient dépasser 5 Md USD en 2021. Selon les données préliminaires de la Banque centrale, le compte courant était déficitaire à hauteur de -4,6 Md USD en 2021 (7,1% du PIB). Ce déficit est partiellement compensé par l’apport d’IDE. Ces derniers ont atteint 1,7 Md USD en janvier-septembre 2021 selon les estimations de la Banque centrale d’Ouzbékistan.

L’endettement externe du pays progresse très rapidement. La dette extérieure totale, qui s’établissait à 17,2 Md USD à fin 2017 soit 28,2% du PIB, puis 26,3 Md USD à fin 2019 soit 44% du PIB, atteint au 3ème trimestre 2021 41,6 Md USD soit 63,5% du PIB prévisionnel. Bien que son niveau reste modéré en comparaison avec certains voisins – au Kazakhstan la dette extérieure totale atteint 86% du PIB –, l’endettement externe de l’Ouzbékistan augmente plus rapidement et pourrait devenir un facteur de risque à moyen terme. Tirée par la hausse du déficit public en 2020 (- 3,1% du PIB) puis 2021 (-3,8% du PIB), la dette publique est aussi en hausse et atteint 38,9% du PIB au 1er octobre 2021 (contre 28,3% en 2019). Elle se stabiliserait à un niveau proche de 40% à partir de 2021 selon le FMI. Noté BB- par Fitch, B1 par Moody’s et BB-par S&P, l’Ouzbékistan a bénéficié en 2021 d’assez bonnes conditions d’émissions souveraines.

3/ Le développement du secteur bancaire mérite une attention particulière.   

Depuis le lancement des réformes en 2017, l’activité des 33 banques Ouzbèkes s’est progressivement recentrée sur le cœur du métier bancaire et le poids des actifs bancaires a fortement augmenté passant de 23,5 Md USD en 2016 – 32% du PIB – à 41,1 Md USD au 1er janvier 2022 – 63,2% du PIB. Cette croissance rapide comporte un risque d’emballement du crédit. Toutefois, la forte augmentation des dépôts en 2021 (+41,8% en janvier 2022 en g.a.), probablement encouragée par des rémunérations supérieures à l’inflation, a permis une diminution du ratio crédits sur dépôts à 209% au 1er janvier 2022, contre 241% au 1er janvier 2021.

Plusieurs indicateurs de solidité financière du secteur sont en dégradation. Le ratio d’adéquation des fonds propre (CAR) s’établissait à 17,5% au 1er janvier 2022, alors qu’il atteignait encore 23,5% au 1er janvier 2020. Le taux de crédits non performants demeure officiellement au niveau relativement bas de 5,2% au 1er janvier 2022. Il progresse toutefois très rapidement, dans la mesure où il s’établissait à 2,1% au 1er janvier 2021. A partir de 2019 les banques Ouzbèkes sont progressivement passées aux normes IFRS et Bâle III. Notons enfin un fort taux de dollarisation des crédits, qui atteignait 49,8% au 1er janvier 2022, alors que le taux de dollarisation des dépôts était de 38,8%.