Publication du Service économique régional d’Abuja, réalisée avec les contributions des SE de Lagos et d’Accra.

Faits saillants:

- Nigéria : Le FMI inquiet pour l’économie nigériane si des mesures ne sont pas mises en place ; Le gouvernement nigérian se tourne vers une banque britannique pour finaliser ses projets ferroviaires ; Avec 40 M USD, Reliance Health obtient la plus importante levée de fonds de série B pour une HealthTech en Afrique ; Les nouveaux services du port sec de Kaduna vont fluidifier les chaînes d’approvisionnement entre le Nord et la côte.

 

- Ghana : Moody’s dégrade la notation du Ghana de B3 à Caa1 ; Le Ghana enregistre un nouveau record d’inflation en janvier 2022.  

 

 

Le chiffre à retenir:

687 milliards $ : C’est le montant prévu de produit intérieur brut nominal au Nigéria pour l’année 2022 selon l’agence de notation Fitch Ratings. 

 

 

Nigéria

Le FMI inquiet pour l’économie nigériane si des mesures ne sont pas mises en place

Le FMI a publié ce lundi 7 février son rapport de situation, rédigé dans le cadre de son suivi « Article IV » des réformes économiques au Nigéria. Selon l’institution financière, la croissance économique nigériane devrait s’établir à 3% pour l’année 2021, grâce notamment à l’augmentation des prix du pétrole et à l’aide extérieure mobilisée par le gouvernement.

Toutefois, le FMI ne prévoit qu’une croissance que 2,7% pour l’année 2022, mettant en avant les risques qui pèsent sur le pays, parmi lesquels la très faible proportion de personnes vaccinées. En effet, si le gouvernement s’était fixé un objectif de 55 millions de personnes vaccinées à la fin du mois de janvier 2022, soit 26,6% de la population, seuls 5,8 millions (soit 2,75%) ont reçu à ce jour un schéma vaccinal complet, selon les centres africains de prévention et de contrôle des maladies (Africa CDC). Le FMI craint donc la possibilité d’une nouvelle vague épidémique au Nigéria. Parmi les autres risques identifiés, le poids du service de la dette (92,6% des recettes en 2021) et l’insécurité inquiètent particulièrement les experts de Washington, dans un contexte de remontée des taux directeurs américains.

En conséquence, le Nigéria est appelé à mettre en place des réformes d’envergure afin de limiter ces risques, parmi lesquelles l’abandon de la subvention sur le prix de l’essence, qui pourrait coûter 3 000 Md NGN (6,3 Md EUR) à l’Etat nigérian en 2022, et l’harmonisation des taux de change. En effet, une dévaluation de la Naira afin de ramener le taux de change officiel au niveau du taux parallèle permettrait de renforcer la compétitivité extérieure du Nigéria et d’attirer les investisseurs étrangers.

Le gouvernement nigérian se tourne vers une banque britannique pour finaliser ses projets ferroviaires

Le Nigéria a fait du maillage ferroviaire de son territoire une priorité, afin notamment de faciliter les échanges entre les zones de production au nord du pays et les installations portuaires. Ce projet, lancé en 2006, vise notamment à convertir aux standards internationaux en matière d’écartement plus 2700 km de voies ferrées. Deux axes sont déjà opérationnels entre les villes d’Abuja et Kaduna et entre Lagos et Ibadan.

Face aux difficultés de financement rencontrées pour le projet de liaison entre Lagos et Kano au nord du pays, le gouvernement se tourne donc vers la banque britannique Standard Chartered. En effet, le prêteur chinois qui devait initialement financer ce projet n’aurait pour l’instant versé que 15% du montant requis estimé à 8,3 milliards de dollars.

Le projet de chemin de fer entre Lagos et Kano pourrait s’inscrire dans le cadre d’une revue des priorités géographiques de la part du gouvernement chinois : c’est du moins ce qu’affirme le Ministre des Transports Rotimi Amaechi, selon qui la Chine semble se tourner vers des opportunités d’investissement en Europe plutôt qu’en Afrique.

Avec 40 M USD, Reliance Health obtient la plus importante levée de fonds de série B pour une HealthTech en Afrique

Fondée en 2016 à Lagos, la HealthTech Reliance Health vient de conclure une levée de fonds de 40 M USD, et obtient ainsi la plus importante levée de série B pour une startup du domaine de la santé en Afrique. Reliance Health est spécialisée dans la couverture santé des personnes et des entreprises au Nigéria (Bolt, Jumia, PwC, Beiersdorf comptent notamment au nombre de ses clients), secteur qui demeure encore lacunaire à ce jour. L’entreprise offre les services de base en ligne (télémédecine, ordonnances en ligne, plateforme unique pour les consultations au sein d’établissements de santé partenaires), à des prix contenus (7,30€/mois).

Cette nouvelle levée a été menée par le fonds américain General Atlantic qui opère ainsi son premier investissement Tech en Afrique, accompagné du français Partech, qui avait déjà participé à une levée de fonds de 6 M USD en 2020 pour Reliance Health. Cela porte le financement total de l’entreprise à 48 M USD sur 12 investisseurs. Elle souhaite à présent s’étendre dans d’autres pays émergents, créer de nouveaux produits et augmenter ses effectifs au sein de ses bureaux de Lagos et d’Austin, au Texas.

On estime que le marché de la HealthTech en Afrique représentera 11 Mds USD en 2025, pour une population dépassant 1,4 milliard d’individus. Pour rappel, selon la Banque Mondiale, les dépenses de santé représentaient à peine plus de 5 % du PIB en Afrique subsaharienne en 2018, contre une moyenne mondiale de près de 10 %, et 17 % aux Etats-Unis.

Les nouveaux services du port sec de Kaduna vont fluidifier les chaînes d’approvisionnement entre le Nord et la côte.

A partir du mois de mars, le port sec de Kaduna (Kaduna Inland Dry Port, KIDP) sera le premier du Nigéria à fournir des services de pré-expédition. Les opérations préalables à l’exportation des marchandises transitant par Kaduna (inspection, emballage, étiquetage, dédouanement…) pourront dès lors être effectuées sur place plutôt qu’à Lagos. Cela permettra de réduire les coûts et les délais pour les exportateurs. En outre, le KIDP dispose d’installations adaptées aux produits agricoles et de 4 000 mètres carrés d’entrepôts. L’objectif est d’encourager les agriculteurs du Nord à exporter leur production, et de faire de Kaduna une plateforme de redistribution privilégiée pour les pays voisins enclavés (Niger, Tchad, Burkina Faso notamment). Environ 30 000 conteneurs devraient y transiter chaque année.

Ces évolutions s’inscrivent dans le programme de soutien à l’export (Export Expansion Facility Program, EEFP) mis en place par le gouvernement en janvier 2021. En renforçant les infrastructures logistiques intérieures, il vise à décongestionner les ports (Apapa, Tin Can) et à diversifier et renforcer les exportations, notamment celles des PME et ETI.

Pour rappel, le KIDP a été inauguré en 2018 par le Président Buhari, qui souhaite reproduire ce modèle dans d’autres zones stratégiques du pays. En janvier 2022, le port sec de Bénin-City (Ames Edo Dry Port), au Sud du Nigéria, a ainsi également obtenu la certification autorisant l’exercice d’activités de pré-expédition.

Ghana

Moody’s dégrade la notation du Ghana de B3 à Caa1

La note souveraine du Ghana tombe de B3 à Caa1 avec une perspective stable, selon l’échelle de Moody’s. La deuxième économie de la CEDEAO est désormais au même niveau de risque que le Burkina Faso, soumis à un coup d’État au mois de janvier. Cette dégradation s’explique notamment par la charge du service de la dette qui devrait absorber, selon l’agence Moody’s, plus de la moitié des recettes publiques à moyen terme. Un niveau exceptionnellement élevé par rapport aux autres pays notés Caa1. Le Ghana a d’ores et déjà déclaré qu’il ferait appel de la décision de Moody’s, arguant que l’agence a omis des informations importantes lors de son analyse.

Le FMI et la Banque mondiale ont également souligné le risque élevé de surendettement du Ghana, en raison d’un stock de dette publique particulièrement élevé – 83,5% du PIB fin 2021 – et d’une base fiscale étroite. S’il est vrai que les perspectives de croissance sont positives – estimée à 5,8% pour 2022 – le Ghana reste toutefois très fortement dépendant des exportations des matières premières (or, cacao, pétrole) et donc des variations de prix. 

Le Ghana enregistre un nouveau record d’inflation en janvier 2022

Le taux d'inflation du Ghana a grimpé à son plus haut niveau en presque six ans en janvier, mettant à nouveau la pression sur la Banque centrale pour qu'elle augmente son taux d'intérêt directeur. Le taux d’inflation glissant sur une année a été de 13,9%, soit 1,3 point de pourcentage de plus par rapport au mois précédent. C’est le taux le plus élevé depuis décembre 2016. Ainsi, en seulement un mois, les prix ont augmenté de 2,1%, une hausse alimentée notamment par l’augmentation des prix des denrées alimentaires, de l’eau, de l’électricité, du gaz, mais aussi du logement.

Le mois de janvier 2022 devient donc le cinquième mois consécutif où le taux d’inflation dépasse la fourchette cible de 6 à 10% fixée par la Banque centrale. Or, pour rappel, cette dernière avait déjà relevé son taux directeur de 100 points de base à 14,5% en novembre 2021.

Ce nouveau record d’inflation, combiné à la dégradation de la notation souveraine du Ghana par l’agence Moody’s, devrait inciter la Banque centrale à un nouveau resserrement de sa politique. Un comité extraordinaire devrait être convoqué prochainement si l’inflation ne ralentit pas malgré la réduction 20% des dépenses publiques - l’objectif de ces mesures étant par ailleurs de limiter les ventes d’obligations souveraines ghanéennes libellées en dollars et la dépréciation du cedi face au dollar.