Le secteur des jeux vidéo est particulièrement dynamique au Canada, non seulement au Québec, qui accueille le premier écosystème national depuis l’arrivée du français Ubisoft à Montréal il y a 25 ans, mais également en Colombie-Britannique et en Ontario. Le pays compense la faible profondeur de son marché intérieur par la force de ses talents, le développement de clusters et l’importance des incitations fiscales pour être un des leaders mondiaux dans la production de logiciels de divertissement.

1. L'industrie du jeu vidéo au Canada connaît une croissance ininterrompue, qui s'est confirmée pendant la pandémie

Le Canada dispose d’une industrie du jeu vidéo très dynamique, dotée de nombreuses entreprises regroupées dans un écosystème construit autour du pionnier Ubisoft. Avec ses 937 entreprises de jeux vidéo recensées en 2021, l’industrie contribue à l’économie canadienne à hauteur de 5,5 Md CAD (3,8 Md €) et génère 55 000 emplois. Alors que l’industrie était historiquement basée à Vancouver dans le sillage de l’américain Electronic Arts, l’entreprise française Ubisoft a été la première à s’installer à Montréal (Québec) en 1997 et n’a cessé de se développer depuis lors avec aujourd’hui sept studios (Montréal, Toronto, Québec, Saguenay, Halifax, Winnipeg et dernièrement Sherbrooke, pour un total de 5 700 employés). L’arrivée d’Ubisoft, avec notamment la négociation d’un crédit d’impôt significatif avec le Québec, a ouvert la voie à l’arrivée de nombreuses autres entreprises internationales et a ainsi largement participé au développement de l’écosystème montréalais. Parmi elles, plusieurs entreprises françaises comme Gameloft (2000) et, plus récemment, les studios Novaquark (février 2019), DONTNOD (septembre 2020), Quantic Dream (février 2021) et Focus Home Interactive (février 2021).

Le secteur a confirmé son dynamisme pendant la pandémie. Selon une étude de l’Association canadienne du logiciel de divertissement, l’industrie canadienne du jeu vidéo s’est agrandie de 245 entreprises entre 2019 et 2021, soit une hausse de 35%. En parallèle, elle a connu une croissance de ses revenus de 23% – légèrement supérieure à la croissance de 21% de l’industrie à l’échelle mondiale. L’industrie des jeux vidéo a ainsi mieux que résisté à la crise : si le nombre de joueurs n’a pas augmenté depuis le début de cette dernière, les joueurs canadiens ont profité des différents confinements pour passer davantage d’heures devant leur écran, soutenant le dynamisme des affaires dans le secteur : c'est le cas pour 58 % des Canadiens âgés de 18 à 64 ans et 80 % des jeunes de 6 à 17 ans.

2. Une industrie désormais pancanadienne, essentiellement tournée vers les marchés mondiaux

Si le Québec est toujours la place forte du secteur, l’Ontario et la Colombie-Britannique sont de sérieux concurrents. Ces trois régions représentent 80% des entreprises de jeux vidéo au Canada, malgré l’ambition affichée dans les Prairies et les Maritimes. Si le Québec demeure le plus grand employeur de cette industrie avec 12 900 emplois directs (23% du total dans le pays), loin devant la Colombie-Britannique (7 300) et l’Ontario (4 900), cette dernière province se démarque en devançant le Québec, d’une courte tête, comme première province en termes de nombre d’entreprises, avec 298 studios contre 291 - dont 245 dans la ville de Montréal (Annexe 1). Toutefois, l’écosystème ontarien est composé de nombreuses microentreprises (179) et de très peu de grandes entreprises (10) contrairement au Québec (22) et la Colombie-Britannique (19). En effet, si l’Ontario bénéficie de nombreuses initiatives favorables aux entreprises en démarrage - l’Interactive Digital Media Fund, couplé au Fonds des médias du Canada, permet de financer une production à hauteur de 1 Md CAD (700 M€) – la province peine encore à faire grandir ses entreprises. La Colombie-Britannique bénéficie encore de son aura historique dans le secteur, mais souffre de plus en plus du coût élevé de la vie à Vancouver.

L’industrie canadienne est une des industries les plus dynamiques du globe. Montréal est en effet le 5ème pôle mondial du jeu vidéo derrière Tokyo, Londres, San Francisco et Austin. Si les Canadiens ont prouvé leur appétence pour le jeu vidéo, le marché canadien demeure en revanche limité, puisque 84% des ventes canadiennes sont réalisés sur les marchés étrangers.

3. Le succès du secteur au Canada s'explique au moins autant par les incitations fiscales que par la création d'un écosystème, porté par un vivier de talents objet de toutes les attentions

Le développement du secteur s’explique historiquement par l’importance du soutien public. Le Québec est la première province à avoir mis en place en 1997 des incitations fiscales pour le développement de l’industrie du jeu vidéo avec le Crédit d’impôt pour la production de titres multimédias (CTMM) suite à l’arrivée d’Ubisoft à Montréal : ces crédits d’impôt remboursables permettent aujourd’hui d’économiser jusqu’à 37,5% du salaire des employés. L’Ontario (40%), la Colombie-Britannique (17,5%), Terre-Neuve et Labrador, Nouvelle-Ecosse, l’Île-du-Prince-Édouard et le Manitoba ont par la suite suivi cet exemple (Annexe 2). Ainsi, selon l'étude Competitive alternative 2016 de KPMG, le Canada offre les coûts commerciaux les plus bas du G7 pour le divertissement numérique et les studios situés au Canada bénéficient de l'environnement fiscal le plus compétitif parmi les pays du G7. (Annexe 2)

Ce secteur a également bénéficié d’un environnement de R&D très dynamique, qui a joué un rôle de locomotive pour d’autres industries. Le jeu vidéo entretient en effet des synergies intéressantes avec d’autres secteurs technologiques comme les effets spéciaux, la réalité virtuelle et la réalité augmentée, l’intelligence artificielle ou encore la cinématographie, dont il existe des clusters de niveau mondial au Canada. C’est notamment le cas en Colombie-Britannique pour les effets spéciaux et la réalité virtuelle/augmentée (5e écosystème mondial), en Ontario pour la cinématographie, et au Québec avec l’intelligence artificielle, dont le développement de l’écosystème est initialement lié à celui du jeu vidéo.

Mais c’est la qualité et la richesse de son vivier de talents qui explique aujourd’hui la vitalité du secteur. Les partenariats mis en place, depuis l’arrivée d’Ubisoft à Montréal, entre les universités et les studios permettent aujourd’hui à ces derniers de bénéficier de nombreux talents issus de programmes académiques inexistants il y a 25 ans. Ceux-ci pourraient toutefois ne pas s'avérer suffisants face à la concurrence grandissante entre entreprises, qui peinent aujourd’hui à recruter, et doivent compter sur l’immigration, notamment pour les postes senior. L’efficacité des programmes d’immigration (notamment le Global Talent Stream), des salaires très attractifs (1,7 fois le salaire moyen) rendus possibles par le cadre fiscal ainsi que des politiques offensives de rétention des talents (illustrée notamment par le développement d’Ubisoft hors des grandes villes) maintiennent la vitalité du secteur.