Zoom sur

Le Gouvernement espagnol a annoncé un nouveau plan « Moves 2021 » afin de stimuler la demande de voitures 100% électriques, hybrides et à pile à combustible via un dispositif d’aides à l’achat. D’un budget initial de 400 M€ (extensible à 800 M€ si la demande est suffisante), le plan Moves doit au moins être actif jusqu’en 2023. L’ANFAC, l'association patronale des fabricants de voitures, considère que sa gestion opérationnelle nécessiterait d'être optimisée : "l’allocation territoriale des fonds devrait être basée sur des critères de marché et non de population, de sorte qu’il n’y ait pas de régions qui épuisent leurs fonds en quelques jours et d’autres où les fonds restent presque inutilisés."

Energie

Les EnR atteignent un record historique dans le bouquet électrique espagnol. En 2021, les EnR ont continué de progresser en Espagne atteignant 48,7% de l’électricité produite (contre 45,5% en 2020) et près de 17% du mix d´énergie primaire. Les principales sources du bouquet électrique espagnol ont été l'éolien (23,3%, dépassant pour la première fois le nucléaire), le nucléaire (20,8%), les cycles combinés (17,2%) et l´hydraulique (11,4%). La production d'énergie photovoltaïque reste marginale (6,2% du mix électrique). Pour autant cette technologie est celle qui a le plus progressé ces dernières années (sa puissance installée a atteint 15,5 GW en 2021 en augmentation de +5 GW par rapport à l'année précédente). Les objectifs fixés dans le cadre du plan espagnol intégré énergie-climat (PNIEC) affichent 42% d'EnR dans le mix d'énergie primaire et 74% d'EnR dans son bouquet électrique à l'horizon 2030. Pour les atteindre, l'Espagne prévoit l'installation de 60GW de nouvelles capacités EnR entre 2021 et 2030.

L’investissement étranger dans le secteur des EnR s’accélère en Espagne. Depuis quelques mois, plusieurs opérations d'acquisition d'actifs ont été engagées à l'initiative d'entreprises étrangères. La société britannique IPP Sonnedix, soutenue par JPMorgan, vient de finaliser l’acquisition de 100 MW d'énergie photovoltaïque auprès du groupe espagnol de construction ACS. IPP Sonnedix poursuit ainsi son développement en Espagne cumulant 1,2 GW de puissance installée (avec 140 installations, elle est l'un des leaders en Espagne). A cela s'ajoutent, les opérations de rachat d’actifs engagées par le chinois Three Gorges (184 MW), par le consortium Engie - Crédit Agricole Assurances (899 MW), par le groupe saoudien Alfanar (190 MW) ou encore par Matrix Renewables, soutenu par le géant financier américain TPG (400 MW). Des entreprises extérieures au secteur, telles que Leroy Merlin, Ikea, Expert et Milar, se sont également lancées dans le photovoltaïque en 2021. Certains experts pointent du doigt l'augmentation des coûts de financement des projets et d'approvisionnement des matériaux qui fragiliserait la situation financière des entreprises espagnoles.  

Prolongation des mesures prises l´été dernier face à la hausse des prix de l'électricité. Alors que le prix du marché de gros a atteint 239€/MWh en moyenne pour le mois de décembre avec un record historique pour la journée du 23 décembre 2021 (383€/MWh décembre), le Gouvernement a annoncé la prolongation des mesures prises en juillet 2021 pour faire face à la hausse du prix de l'électricité (pour tout consommateur ayant une puissance souscrite de 10kW) parmi lesquelles l'extension du moratoire (jusqu'au 31 mars 2022) supprimant la taxe sur la valeur du prix de l'électricité injectée sur le réseau IVPEE (de 7%) et jusqu'au 30 avril, les mesures de réduction du prix de la TVA (de 21 à 10%) et de l'impôt de la taxe sur l'électricité de 5,11% à 0,5%. Le coût de la prolongation de ces mesures n´a pas été précisé. 

L'Espagne adopte son Plan de soutien à la filière hydrogène, stockage et autoconsommation. En décembre 2021, le Gouvernement a adopté, dans le cadre de son plan de relance, un projet stratégique de collaboration public/privé (PERTE) destiné à soutenir le développement des filières d’hydrogène vert (H2), d’EnR et de stockage. Celui-ci permettra de mobiliser 16,3 Md€, dont 6,9 Md€ de fonds publics, tout en assurant la création de 280.000 emplois à terme. L’H2 bénéficiera de la plus grande enveloppe, soit 1,55 Md€ de fonds publics (pour lequel 2,8 Md€ de capitaux privés supplémentaires sont attendus) et s’appliquera tant au secteur des transports lourds qu’au secteur industriel (projets d’électrolyseurs). L'objectif est de produire 4 GW d'H2 d'ici 2030, soit 10% du total envisagé à l’échelle européenne. La promotion des autres types d’EnR, du stockage de l’énergie et des réseaux intelligents seront financés à hauteur de 1,4 Md€ de fonds publics, auxquels s’ajouteraient 2,6 Md€ de fonds privés. Le Gouvernement accordera également une attention particulière aux énergies marines ainsi qu’à l’autoconsommation, thématiques qui ont fait l’objet de récentes feuilles de route.

L'Espagne s'oppose à l'inclusion du nucléaire et du gaz dans la taxinomie verte européenne. La vice-présidente et ministre de la Transition écologique et du Défi démographique, Teresa Ribera, a réitéré aux ministres de l’environnement et de l’énergie de l’UE, réunis les 21 et 22 janvier à Amiens (France), le rejet par l’Espagne de la proposition de la Commission européenne d’intégrer le gaz et le nucléaire parmi les technologies considérées comme durables par la taxonomie européenne. «Ni le nucléaire ni le gaz ne répondent aux critères scientifiques et juridiques pour être considérés comme durables ou recevoir le même traitement que les technologies incontestablement vertes, telles que l’éolien ou le solaire, et guider dans la direction opposée vers les priorités d’un processus de décarbonisation de l’économie européenne sans risque environnemental», a-t-elle déclaré.

Visioconférence franco-espagnole afin d´échanger sur les projets éoliens marins, notamment celui prévu dans le golfe du Lion. Le 14 janvier 2022, le service économique régional de Madrid a organisé une visio-conférence réunissant des représentants des ministères français et espagnol de la transition écologique ainsi que des représentants de la Région catalane afin d'évoquer les projets de parcs d'éoliennes offshores. Le MTE (DGEC) a présenté les différents projets français (sur la façade atlantique et méditerranéenne) et a insisté sur les démarches récemment engagées, notamment les premières phases de concertation associées au premier projet envisagé dans le golfe du Lion. Les autorités espagnoles ont formulé des interrogations sur l´impact de ce projet, si l´emplacement finalement retenu était celui le plus proche des eaux maritimes espagnoles, sur les activités de pêche des ports de pêche espagnols du golfe de Rosas, sur la sédimen-tologie et sur la biodiversité (notamment sur les espaces marins Natura 2000). L´Espagne a fait part de son côté de l´adoption d’une feuille de route pour le développement de l’éolien marin (objectif d’installer entre 1 et 3 GW d’ici 2030) et la préparation d'un document stratégique de planification des espaces maritimes (Plan de ordenación del espacio maritimo) encadrant notamment le développement des futurs projets éoliens dans ses eaux. Ce dernier devrait être adopté dans le courant de l´année.

Environnement

L´Espagne lance son Assemblée citoyenne pour le climat. Inspirée de l'expérience française, le Gouvernement a lancé le 10 décembre 2021 les travaux pour la constitution d'une Assemblée citoyenne pour le climat (Asamblea ciudadana por el clima composée de 100 personnes, tirées au sort, représentatives de la population espagnole). Elle sera chargée de faire des propositions afin d'apporter "des solutions aux transformations majeures nécessaires pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 et rendre l'Espagne plus résiliente aux impacts du changement climatique". Cette Assemblée tiendra au total cinq sessions de deux jours chacune et présentera, avant l'été, ses conclusions au Gouvernement et au Congrès des députés. 

Adoption du Plan interministériel de lutte contre les captures accidentelles des cétacés, oiseaux et tortues. Le Conseil des ministres du 11 janvier 2022 a adopté un Plan national de lutte contre les captures accidentelles visant notamment à soutenir la recherche sur les populations de cétacés, d'oiseaux et de tortues victimes des captures par les pêcheurs tout en favorisant la mise en place de solutions techniques existantes visant à réduire la mortalité de ces espèces. Celui-ci associera notamment les ONG et centres de recherche dans la mise en œuvre de ces mesures. Afin de coordonner la mise en œuvre de ce plan, un organe composé de représentants de trois ministères (Transition Écologique, Agriculture-Pêche et Recherche) a été créé.  

Industrie

L'année 2021 a cumulé de nombreux obstacles à la reprise économique du secteur automobile. Aux conséquences directes liées à la crise sanitaire, s'ajoutent le manque de pièces (notamment les micro-processeurs), la hausse des prix des carburants et de l'énergie, l'augmentation de la taxe d'immatri-culation, le retard dans la mise en œuvre effective du plan de relance et des mesures incitatives à l'achat de véhicules écologiques. Fin 2021, les usines automobiles espagnoles ont enchaîné leur 2ème baisse annuelle consécutive et affichent le pire résultat depuis 2003. Le total de véhicules assemblés en 2021 a atteint 2 268185 unités, ce qui représente une baisse de 7,3 % par rapport à 2020 (année au cours de laquelle les usines ont été fermées pendant 2 mois). Par rapport à 2019, la chute atteint -19,6 % (2019 avait toutefois constitué un record historique avec 2.822.360 unités produites). Du point de vue des ventes, le nombre des immatriculations a atteint 859.477 unités en 2021 (+1% par rapport à 2020, mais -32% par rapport à 2019).  

L'augmentation de la taxe dite "d'im-matriculation" actée depuis le 1er janvier 2022 affectera plus de 300.000 voitures neuves (40% des ventes annuelles). La fin du moratoire, approuvé par le Congrès pour l’année 2021, annulant le durcissement de la taxe d’immatriculation est arrivée. Désormais, le niveau à partir duquel un client espagnol commence à payer cette taxe sur sa nouvelle voiture est de 120 g de CO2/km (contre 140 g en 2020 et 2021). La taxe d'immatriculation sur toute voiture neuve sera 4,7 % sur celles émettant entre 121 et 159 g de CO2/km ; 9,7 % entre 160 et 199 g et 14,7% au delà. Les voitures électriques et hybrides rechargeables sont exonérées de cette taxe.

Le secteur automobile prévoit une augmentation moyenne du coût de 800 à 1 000 € pour chaque nouveau véhicule et une diminution des immatriculations de 70 000 à 100 000 unités en 2022. Le secteur réclame un nouveau moratoire accompagné d'autres mesures visant à renforcer le marché intérieur[1].

Le Gouvernement approuve dans le cadre de son plan de relance un projet stratégique de collaboration public/privé (PERTE) dédié au véhicule électrique et connecté. Ce projet a été autorisé par la Commission européenne en décembre 2021. Il vise l’ensemble de la chaine de valeur du secteur automobile, l'un des secteurs stratégiques de l'économie espagnole (2ème constructeur de véhicules en Europe et 9ème dans le monde). Le budget alloué s'élèvera à 2,97 Md€, avec un délai d'octroi à 2023 et une date limite de réalisation fixée au 30 septembre 2025. En parallèle, les candidats doivent soumettre des plans pour l'économie circulaire, la numérisation, la formation et le recyclage.

Transport

Le Gouvernement reporte « sine die » le débat sur le modèle de financement des autoroutes par tarification à l'usage. Actuellement plus de 80% du réseau autoroutier espagnol est gratuit. (sa gestion et son entretien sont à la charge de l’Etat) La principale raison de l'introduction des péages, outre les critères environnementaux, est de réduire l'important déficit public en matière d'entretien des routes.  Par contre, l’impopularité de la mesure et l'absence de consensus politique, notamment au sein de la majorité, ont conduit la ministre des transports, Mme Raquel Sanchez, à reporter la présentation du projet de modèle de financement des autoroutes. Il ne devrait pas être présenté avant la prochaine législature (mi 2023), selon des sources gouvernementales. Ce délai semble avoir été acté en lien avec la commission européenne.

Après l’inauguration de la liaison TGV vers la Galice, l'Etat espagnol vise d'autres projets sur le réseau ferroviaire. Avec la mise en service en décembre 2021, du tronçon de 120 Km entre Pedralba de la Pradería (Zamore)-Orense (Galice), le réseau espagnol à grande vitesse atteint 3.700 km (dépassé en nombre de Km seulement par la Chine). Sur ce corridor, la Renfe (l'opérateur national) espère récupérer des passagers au détriment des lignes aériennes. Le développement du TGV est l'une des seules revendications qui fait consensus entre les différentes forces politiques du pays. Trois corridors sont actuellement achevés–reliant Madrid à l'Andalousie, à la Méditerranée et à la frontière française côté méditerranéen- avec 15 lignes TGV en service. En 2022, l'Etat avec l'ADIF (gestionnaire espagnol d’infrastructure ferroviaire) prévoient d'investir 2,6 Md€ dans l'extension du réseau et la mise en service de 4 nouveaux tronçons. En outre, fin 2025 ou début 2026 devrait marquer l'avènement des travaux de mise en service des corridors méditerranéens (Algeciras - frontière française).

Après 2 ans de négociations, Iberia suspend l’accord d’achat d’AirEuropa (3ème compagnie du pays). Une fusion n'est toutefois pas totalement exclue. Fin 2021, les deux compagnies aériennes ont confirmé qu'elles revenaient sur leur accord (de fin 2019, modifié après début 2021), permettant à Iberia d'acquérir la totalité de son concurrent, Air Europa (compagnie détenue par le groupe espagnol Globalia). Outre les exigences fixées par la Commission européenne de libérer certaines routes aériennes (notamment le très rentable Madrid-Miami), pour garantir la libre concurrence, deux autres "obstacles" majeurs étaient en jeu : les conditions mises par le Gouvernement pour l’octroi d'un crédit de 475 M€ via la SEPI[2] ainsi que les conditions propres à Globalia (sans compter les 140 M€ de liquidité fournis par les banques).

Iberia, Air Nostrum et Vueling testent des avions électriques et à hydrogène. Le Gouvernement espagnol prépare un projet stratégique de collaboration public/privé (PERTE) pour l'aérospatiale. L'objectif est notamment de financer des activités de R&D qui auront un effet sur l'ensemble de la chaîne de valeur, des fabricants aux compagnies aériennes. A ce titre, le consortium formé par Volotea, Air Nostrum et Dante Aeronautical a présenté une initiative pour la conversion d'avions en service afin de les rendre 100% électriques (adaptation des avions à petite capacité, maximum 19 passagers) et le développement de technologies de propulsion à énergie alternative. La certification du premier appareil serait prévue pour 2024, avec une mise en service en 2026. Récement Iberia et Vueling en partenariat avec l’énergéticien Repsol ont effectué des vols avec des caburants durables, notamment du biocarburant produit en Espagne à partir de déchets. L’objectif est de faire fonctionner 10 % des vols avec du carburant durable d'ici 2030. Pour mémoire, la proposition de la commission européenne de règlement "RefuelEU aviation" vise un objectif d'utilisation de 2%  de carburants durables à l'échelle de l'UE d'ici 2025 (5% en 2030 et 63% en 2050).

Tourisme

Le variant omicron ajoute de l’incertitude dans la reprise économique du secteur du tourisme. En 2021, le secteur touristique espagnol n'a connu qu’une reprise partielle en raison de l'arrêt des voyages jusqu'en mai et de l'effet en fin d'année de la 6ème vague.

Le tourisme en Espagne n'a pas été en mesure de consolider la reprise et clôture l'année 2021 avec :

- un PIB de 88 Md€, soit - 42,8% par rapport à 2019;

- une récupération de 36 Md€ par rapport à l'activité de l'année 2020, ce qui augmente la part du tourisme dans le PIB national espagnol à 7,4 %, (contre 5,5 % en 2020), mais loin des 12% de 2019.

Le Gouvernement approuve un paquet d’aides destiné au secteur touristique dans un contexte d’incertitudes. L'objectif de ce paquet est de moderniser le modèle touristique et consolider un tourisme de qualité, numérique et inclusif. Le total de 720 M€ sera divisé en trois enveloppes:

- 565 M€ pour des projets améliorant la compétitivité du secteur par le Fonds pour la Compétitivité des Entreprises Touristiques ;

- 110 M€ en subventions destinées aux communautés et conseils municipaux) pour la réhabilitation du patrimoine, notamment pou les Biens d'Intérêt Culturel (BIC), situés en majorité en zones rurales ;

- 45 M€ dédiés au numérique et au tourisme durable (à l’instar de campagnes de promotion du chemin de Saint-Jacques de Compostelle).



[1] Un véhicule sur quatre vendu en Espagne est de production locale.

[2] Agence des participations de l’Etat.