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Zoom de la semaine : Situation économique et financière du Tadjikistan

Avec un PIB par habitant de 844 USD en 2020 (PIB nominal de 8 Md USD pour 9,5 M d’habitants), le Tadjikistan appartient à la tranche inférieure des pays à revenu intermédiaire et est le pays le plus pauvre d’Asie centrale et de la zone CEI. Après avoir vu sa croissance ralentir en 2020 sous l’effet de la pandémie, sans toutefois entrer en récession, l’économie tadjike a enregistré une reprise forte en 2021, soutenue par le secteur des services et l’industrie minière, ainsi que la reprise des transferts des migrants. Le secteur externe bénéficie également d’une embellie grâce à la bonne tenue des exportations d’or qui ont permis une amélioration du solde commercial et une augmentation des réserves internationales du pays. Les fragilités demeurent néanmoins nombreuses et concernent à la fois le niveau de risque élevé pesant sur la dette extérieure, la faible diversification économique, le secteur bancaire, vulnérable et sous-développé, la corruption et le climat des affaires peu attractif.

1/ Une reprise économique forte en 2021. Sur les trois premiers trimestres de l’année 2021, l’activité a augmenté de 8,9% en glissement annuel. Pour rappel, la croissance avait ralenti à 4,5% en 2020 (contre 7,5% en 2019). Le secteur des services, lourdement impacté par la pandémie en 2020, a été le principal contributeur à la croissance à hauteur de 4,9 points de pourcentage, les 4 points restants se répartissant à parts égales entre l’industrie, la construction et l’agriculture. Sur l’ensemble de l’année 2021, une progression de l’activité de 7% en g.a. est attendue. A moyen terme, l’activité devrait connaître un léger ralentissement (5,5% en 2022[1]) du fait de la dissipation progressive des effets de base statistique et de rattrapage de la consommation des ménages, reflétant le rebond des transferts de fonds des migrants. 

2/ Une consolidation externe permise par les exportations d’or.  L’excédent courant enregistré en 2020, à 4,1% du PIB, devrait diminuer à hauteur de 2,6% en 2021. Le déficit commercial s’est légèrement réduit grâce à la hausse en valeur des exportations d’or observée en 2021, dans la lignée de l’année précédente : les exportations totales ont atteint 1,8 Md USD en 2021, en hausse de 36% en g.a. Les principaux produits d’exportations en valeur ont été l’or, à hauteur de 666 M USD (+11,7% en g.a.), les métaux (343 M USD, +117%) et le coton (256 M USD, +47%). La hausse des exportations d’or a également conduit à une augmentation des réserves internationales de 1,2 Md USD en 2020 et de 500 M USD en 2021, la Banque nationale du Tadjikistan étant le principal acheteur de l’or extrait dans le pays (80% en 2020). Le Tadjikistan a aussi bénéficié de 236 M USD au titre de la hausse des droits de tirages spéciaux du FMI à l’été 2021. Au total, les réserves internationales du Tadjikistan dépassent actuellement 8 mois d’importations, soit plus que le niveau adéquat minimum estimé à 5-6 mois par le FMI. 

Malgré cette consolidation permise par une conjoncture clémente, l’endettement public du Tadjikistan demeure un sujet d’inquiétude pour les années à venir.  La dette publique, essentiellement externe, a ainsi augmenté de 7 points en 2020, à 50,1% du PIB, en raison des dépenses de soutien exceptionnelles à l’économie et aux ménages. Elle devrait refluer à 46,5% du PIB en 2021 grâce à la reprise de l’activité. Une tendance similaire est prévue pour le déficit public, qui devrait diminuer à 2% du PIB en 2021 contre 4,3% en 2020. Si la dette est jugée soutenable par le FMI, le risque pesant sur cette dernière est toujours élevé, notamment en raison du remboursement prévu en 2025-2017 des euro-obligations émises en 2017 (500 M USD) pour financer la construction du barrage de Rogoun. 

 Figure 1. Compte courant du Tadjikistan (% PIB)

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3/ Des fragilités persistantes.  La Banque nationale du Tadjikistan poursuit ses efforts d’assainissement du secteur bancaire. La liquidation de Tadjiksodirotbank et Agroinvestbank, deux banques  anciennement systémiques[2], a été annoncée en mai 2021 et répond à une demande formulée de longue date par le FMI. Le taux de prêts non performants du secteur bancaire (à 30 jours) a enregistré une forte baisse et s’établissait à 14,7% du portefeuille total de crédits au 30 septembre 2021, contre 28% à la même date en 2020. Le système bancaire reste toutefois sous-dimensionné et contribue peu au financement de l’économie, les crédits à l’économie réelle ne représentant que 12% du PIB en 2021. 

Le risque inflationniste demeure significatif. Tirée par la hausse du coût des matières premières énergétiques et des produits alimentaires, l’inflation s’est maintenue en 2021 au-dessus du couloir visé par la Banque centrale à 6±2%, malgré quatre hausses consécutives du taux directeur, pour un total de 250 points de base, à 13,25%. La politique d’achat d’or en somoni par la Banque nationale a conduit à des injections de liquidité dans l’économie réelle ayant pu entretenir ces tensions inflationnistes. 

Figure 2. Politique monétaire et inflation

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De nombreux problèmes structurels freinent l’économie tadjike. Le poids du secteur public dans l’économie, via des entreprises d’État lourdement endettées (énergie, production d’aluminium, etc.) et de l’investissement public dans des projets d’infrastructures conduisent à une éviction du secteur privé, qui peine à se développer en raison d’un environnement des affaires dégradé.


[1] Données FMI

[2] Les difficultés de ces banques, à l’origine de la crise financière de 2015/2016, avaient obligé les autorités tadjikes à les recapitaliser à hauteur de 6 points de PIB. Malgré cette intervention, les deux banques sont restées non viables jusqu’à leur liquidation.