Après une année 2020 en demi-teinte, les banques ont connu une année 2021 particulièrement profitable avec une forte hausse de leur résultat net. Cette bonne santé justifie, selon le gouvernement Trudeau une hausse du taux d’imposition (de 15 à 18%). Dans l’intervalle, les versements de dividendes et les programmes de rachat d’actions, temporairement suspendus depuis mars 2020, ont été à nouveau autorisés par le régulateur bancaire (BSIF) et largement mobilisées par les principales banques.

1/ Malgré quelques tensions au plus fort de la crise sanitaire (printemps 2020), le secteur bancaire canadien s'est montré résilient face à la pandémie, notamment dans son activité de crédit

Dans un contexte de forte incertitude au début de la pandémie (baisse de l’indice TSX de 40% entre fin février et fin mars 2020), les résultats financiers des principales banques canadiennes se sont largement détériorés au cours du 2ème trimestre 2020. Celles-ci, anticipant une possible vague de défaut de crédit et une augmentation du coût du risque, ont en effet substantiellement augmenté leurs provisions pour pertes liées aux crédits, qui ont atteint 12 Md CAD (8,3 Md €) pour les sept principales banques canadiennes[1] - 4 fois plus qu’à la même période en 2019. Les marchés financiers ont ainsi été confrontés à une soudaine augmentation de la demande de liquidité (principalement liée à des comportements de précaution sur les marchés obligataires), laissant présager des tensions sur les marchés financiers alors que l’économie réelle était, elle, à l’arrêt. 

Passé ce premier mouvement, le secteur bancaire canadien a manifesté une forte résilience, symbolisée par la croissance observée dès le T3 2020. Comme le souligne la Banque du Canada dans la Revue du système financier (mai 2021), le secteur bancaire canadien était relativement bien capitalisé avant la pandémie (Capital Adequacy Ratio moyen = 17, contre seulement 15 aux Etats-Unis mais 19 en France et en Allemagne), notamment grâce à la mise en place progressive[2] des mesures prudentielles de « Bâle III ». La Banque estime ainsi qu’un choc de bien plus grande ampleur aurait été nécessaire pour menacer la soutenabilité financière des principaux établissements bancaires (Annexe 1), témoignant de la solidité de l’écosystème bancaire et financier au Canada.

Les banques ont par conséquent pu poursuivre leurs activités de crédit en 2020 et 2021, contribuant au dynamisme de la reprise tout en alimentant, pour ses détracteurs, les tensions observées sur le marché immobilier. Dès mars 2020, le Bureau du Surintendant des institutions financières (BSIF), principal régulateur bancaire fédéral, a abaissé l’exigence relative à la réserve de stabilité intérieure (1% des actifs pondérés contre 2,25% auparavant), qui constitue l’instrument majeur de réserve contra-cyclique des établissements bancaires canadiens. Selon les estimations du BSIF, cette décision (maintenue jusqu’en juin 2021) a permis de rehausser de plus de 300 Md CAD (207 Md €) la capacité de prêt des principales banques canadiennes, garantissant un rôle actif des banques commerciales dans la reprise de l’activité économique dès l’été 2020. Toutefois, ce dynamisme de l’activité de crédit est vu comme ayant contribué aux tensions observées sur le marché du logement : les taux attractifs et les hausses de prix sur le marché immobilier – en novembre, le marché immobilier était le 2ème moteur de l’inflation (représentait 13,5% de la hausse des prix) derrière l’essence (42%) - ont contribué à une forte croissance du crédit hypothécaire, dont l’encours a atteint un niveau historique au cours du 2ème trimestre 2021 (57,2 Md CAD / 39,4 Md €, Statistique Canada). Cette forte augmentation de l’endettement pourrait ainsi apparaître comme l’une des principales fragilités du secteur bancaire canadien à moyen-terme (Annexe 2), a fortiori en prévision d’une remontée des taux d’intérêt que la Banque du Canada pourrait enclencher dès le 2ème trimestre 2022. En effet, la part des prêts à taux variable – notamment les prêts hypothécaires – a explosé depuis le début de l’année 2020, passant de 10% des prêts nouvellement octroyés début 2020 à plus de 50% en juillet 2021 (Banque du Canada). 

2/ Les excellents résultats du secteur bancaire en 2021 ont encouragé le gouvernement à proposer une augmentation du taux d'imposition des banques (15 à 18%)

Au début du mois de décembre, les principales banques canadiennes ont publié leurs résultats pour l’année 2021, témoignant d’une croissance historique. La croissance des résultats nets des 6 principales banques du pays (TD, RBC, CIBC, BMO, Banque Nationale et ScotiaBank) en 2021 est comprise entre +13% (CIBC) et +53% (Banque Nationale), avec une croissance particulièrement forte pour les deux principales banques québécoises (BMO et Banque nationale).

Ces résultats ont incité les banques à prévoir d’importants versements de dividendes et à mettre en place des programmes de rachat d’actions, de nouveau permis après les restrictions imposées depuis mars 2020. En effet, le BSIF a annoncé en novembre l’assouplissement des mesures prises en mars 2020[3], qui suspendait notamment « l’augmentation des dividendes réguliers, les rachats d’actions ordinaires et la hausse de la rémunération des dirigeants », permettant ainsi aux banques de redistribuer aux actionnaires une partie des bénéfices réalisés au cours de l’année 2021. Les augmentations de dividendes annoncées par les banques du « Top 6 » sont comprises entre +10% (CIBC) et +25% (BMO). Ces banques ont par ailleurs toutes annoncé la mise en place imminente de programmes de rachat d’actions allant de 2% des actions (Scotia, Banque Nationale) à 5% (BMO).

Le dynamisme du secteur bancaire depuis l’été 2020 a conduit le candidat Trudeau à proposer durant la dernière campagne législative une augmentation de 3 points de pourcentage du taux d’imposition des banques (15 à 18%). Cette mesure, qui devrait être présentée dans le cadre du prochain budget fédéral (mars-avril 2022) pour une durée de 4 ans, concernerait à la fois les banques mais également les grandes compagnies d’assurance, deux secteurs sous régulation fédérale, dont les profits annuels excéderaient 1 Md CAD (690 M €). Selon les estimations réalisées par le candidat Trudeau à l’annonce de cette mesure potentielle, les recettes fiscales seraient d’environ 2,5 Md CAD (1,7 Md €) par an. Les institutions financières ont quant à elles souligné que ce projet viendrait affecter la rentabilité des banques, limitant ainsi leur capacité à accompagner la reprise de la croissance en 2022.


[1] RBC, CIBC, TD Bank, Scotia Bank, BMO, Banque Nationale et Groupe Desjardins – qui représentent 98% des parts de marché sur l’activité banque de détail au Canada.

[2] Le Bureau du Surintendant des institutions financières (BSIF) prévoit une mise en œuvre complète et définitive d’ici début 2024.

[3] Déclaration du surintendant concernant la modification des attentes sur le service de dividendes, le rachat d’actions et la rémunération des dirigeants (osfi-bsif.gc.ca)