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Zoom de la semaine : Situation économique et financière de l’Ouzbékistan

L’économie ouzbèke a plutôt bien surmonté la crise de la Covid-19, l’Ouzbékistan étant l’un des rares pays à ne pas avoir connu de récession en 2020. La reprise est forte en 2021 et le taux de croissance de l’activité pourrait être le plus fort depuis 2016. Certains risques commencent toutefois à émerger, notamment au niveau du secteur bancaire, de l’endettement public et extérieur. 

1/ Malgré le ralentissement, la croissance est restée positive en 2020 avant un fort rebond en 2021. L’économie Ouzbèke a été touchée par la crise de la COVID-19 via plusieurs canaux, notamment : la chute des échanges commerciaux, l’effet des mesures de lutte contre l’épidémie et la baisse des cours des hydrocarbures et la diminution des flux touristiques. En réponse à la crise, la Banque centrale a abaissé son taux directeur à deux reprises de 100 points de base en avril et septembre 2020, le fixant à 14% (taux au 12 novembre 2021). Une inflation assez élevée (+11,1% en décembre 2020 en g.a.) a cependant limitées les marges de manœuvre de la Banque centrale. Alors que la consommation a continué à soutenir l’activité avec des ventes de détail en hausse de 3,2% en 2020 en g.a., l’investissement, principal moteur de la croissance ouzbèke de ces dernières années, s’est replié de 8,2% en 2020 en g.a. (représentant néanmoins toujours près de 38,4% du PIB). L’Ouzbékistan a ainsi été l’un des rares pays à éviter la récession en 2020 avec une croissance du PIB de 1,7% selon le FMI.

En 2021, l’activité ré-accélère avec une croissance du PIB prévue à 6,1% par le FMI, 6,2% par la Banque mondiale et 5,6% par la BERD. De plus, avec une croissance atteignant +6,9% au cours de la période janvier-septembre 2021, ces prévisions apparaissent assez conservatrices. L’activité surtout tirée par la consommation avec des ventes de détail en hausse de 9,8% en g.a. en janvier-septembre 2021, alors que l’investissement total en capital fixe augmente de 5% en g.a., pour revenir à près de 40,6% du PIB. Par ailleurs, la contribution du commerce extérieur à la croissance sera très probablement négative en 2021. Enfin, l’inflation se maintient à un niveau élevé : 10,8% en août en g.a. Elle devrait atteindre 10,6% en décembre 2021 en g.a. selon le FMI.

2/ Dégradation des comptes extérieurs et hausse de l’endettement.  En période d’ouverture et de forts besoins en investissement, les résultats du commerce extérieur se sont nettement détériorés. Après un excédent d’environ 1 Md USD en 2017, le solde de la balance commerciale est devenu déficitaire à hauteur de 5,3 Md USD en 2018, sur fond de hausse des importations de 39,6% tandis que les exportations n’augmentaient que de 13,6%. Le déficit s’est encore creusé de 18,5% pour atteindre 6,4 Md USD en 2019. Après s’être légèrement réduit en 2020 (6 Md USD), il devrait atteindre un niveau record en 2021 (il atteignait déjà 7,6 Md USD au cours des 9 premiers mois de l’année). L’Ouzbékistan reçoit d’importants transferts de ses travailleurs depuis l’étranger, notamment depuis la Russie ce qui permet de compenser partiellement le déficit du commerce extérieur. En 2019, les transferts de travailleurs ouzbèks depuis la seule Russie ont atteint 4,7 Md USD (environ 8% du PIB), en hausse d’environ 15% par rapport à 2018. Ces derniers ont été impactés par la crise en 2020 et ont diminué de 6,4% pour atteindre 4,4 Md USD (7,3% du PIB). Avec la reprise de l’activité en 2021, ils sont en hausse de 27% au premier semestre en g.a. et atteignent 2,3 Md USD.

En raison notamment de la dégradation de la balance commerciale, le compte courant est structurellement déficitaire depuis 2018. Selon les données de la Banque centrale, il était déficitaire à hauteur de -3,3 Md USD au cours du premier semestre 2021 (10,8% du PIB prévisionnel). Le déficit devrait toutefois se limiter à -4 Md USD sur l’année (6,1% du PIB) selon le FMI, après avoir atteint 5% du PIB en 2020.

Dans ce contexte de fort déficit du compte courant, l’endettement externe du pays progresse très rapidement. La dette extérieure totale qui s’établissait à 17,2 Md USD au à fin 2017 soit 28,2% du PIB, puis 26,3 Md USD à fin 2019 soit 44% du PIB, atteint au 2ème trimestre 2021 38,9 Md USD soit 59,3% du PIB prévisionnel. Bien que son niveau reste modéré en comparaison avec certains voisins – au Kazakhstan la dette extérieure totale atteint 86% du PIB –, l’endettement externe de l’Ouzbékistan augmente plus rapidement et pourrait dévernir un facteur de risque à moyen terme.

Tirée par la hausse du déficit public en 2020 (-3,1% du PIB) puis 2021 (-3,5% du PIB), la dette publique est elle aussi en hausse. Alors qu’elle atteignait 19,3% du PIB en 2017 puis 28,3% en 2019, elle devrait s’établir à 38,9% en 2021. Cette dernière reste toutefois sous contrôle et devrait se stabiliser à un niveau proche de 40% à partir de 2021 selon le FMI. Noté BB- par Fitch, B1 par Moody’s et BB-par S&P, l’Ouzbékistan conserve néanmoins d’assez bonnes conditions d’émissions sur le marché comme en témoigne sa dernière émission en juillet 2021 d’euro-obligations avec une maturité de 10 ans assorties de coupons à 3,9%.

3/ Risque d’emballement du crédit et croissance des créances douteuses.  Depuis le lancement des réformes en 2017, l’activité des 32 banques Ouzbèkes (secteur relativement peu concentré) s’est progressivement recentrée vers le cœur du métier bancaire et le poids des actifs bancaires a fortement augmenté passant de 23,5 Md USD en 2016 – 32% du PIB – à 37,9 Md USD en 2021 – 57,9% du PIB. Cette croissance rapide suscite néanmoins des inquiétudes quant au risque d’emballement du crédit dans le contexte d’opérations nouvelles pour les banques et leur personnel qui ont bénéficié de plusieurs programmes d’assistance technique de la part des institutions financières internationales au cours des dernières années (amélioration de la transparence et conformité avec les meilleurs pratiques notamment). Signe de ce risque d’emballement, le ratio crédits sur dépôts est passé de 191% au 1er janvier 2019 à 232% le 1er janvier 2020, puis à 234% au 1er septembre 2021. L’augmentation est particulièrement marquée au niveau des banques avec participation étatique – finançant essentiellement les entreprises publiques – pour lesquelles le ratio crédits sur dépôts est passé de 284% en janvier 2020 à 301% en septembre 2021. D’autre part, le ratio d’adéquation des fonds propre (CAR) s’établissait à 17,5% au 1er septembre 2021, alors qu’il atteignait encore 23,5% au 1er janvier 2020. A ce risque d’emballement des crédits, notamment orientés vers les entreprises publiques, s’ajoute la forte dollarisation de ces crédits.

Le soutien de l’Etat aux banques avec participation publique, permet, dans une certaine mesure, de limiter le risque. Au 1er septembre 2021, les banques avec une participation publique représentaient près de 84% des actifs bancaires. Le taux de crédits non performants demeure officiellement au niveau relativement peu inquiétant de 6% au 1er septembre 2021. Il progresse toutefois très rapidement, dans la mesure où il s’établissait à 2,5% au 1er septembre 2020. A partir de 2019 les banques Ouzbèkes sont progressivement passées aux normes IFRS et Bâle III. A noter que l’application des normes IFRS devrait s’étendre à toutes les entreprises à partir de 2021.