L' AEOI face au changement climatique

S’adapter, un défi majeur pour cette région extrêmement vulnérable au changement climatique

La région d’Afrique de l’Est et de l’Océan indien subit déjà les effets négatifs du changement climatique, qui constituent une menace pour les populations les plus vulnérables, mais aussi pour les économies des pays, encore largement sur l’exploitation de ressources naturels, notamment via l’agriculture. La plupart des pays de la région se sont engagés dans le cadre de l’Accord de Paris à mettre en place des mesures d’atténuation et d’adaptation ambitieuses, mais le défi du financement pose question, alors que les pays dits développés s’étaient engagés à mobiliser 100 Mds USD par an en faveur du climat au niveau mondial, en objectif non atteint à ce jour. Cette synthèse présente également certains outils de financements à disposition des pays de la région pour mettre en place des actions face au changement climatique et des exemples d’opportunités que ces financements peuvent apporter à des entreprises françaises.

Bien que peu émettrices, les économies des pays de la région AEOI sont très vulnérables aux effets du changement climatique

L’Afrique ne représenterait que 4 % des émissions mondiales de CO2 en 2019, alors que le continent est l’un des plus vulnérables aux effets du changement climatique. D'ici 2030, 118 millions de personnes en situation d’extrême pauvreté (< 1,90 USD/j) seront intensivement exposées à la sécheresse, aux inondations et aux chaleurs extrêmes. Les émissions de GES par habitant restent largement en dessous de la moyenne mondiale avec une disparité entre les états plus développés de l’Océan Indien (Seychelles et Maurice aux ratios d’émissions proches de la moyenne mondiale) et les pays les moins avancés et les moins industrialisés = comme le Burundi ou la Somalie.  Ces mêmes phénomènes climatiques extrêmes sont observés en Afrique de l’Est, faisant peser une lourde menace sur les populations déjà vulnérables, et plus généralement sur les économies des pays, qui reposent grandement sur l’agriculture. Les systèmes agricoles en Afrique de l'Est sont principalement pluviaux et donc extrêmement vulnérables aux changements climatique et à la variabilité des précipitations. La commission économique pour l’Afrique (CEA) estime que le changement climatique entrainera un impact économique équivalent à 15 % du PIB global des pays africains d’ici à 2030. 

Les États insulaires de l’Océan Indien ne sont pas épargnés, avec entre autres des sécheresses qui s’intensifient, l’érosion, la hausse du niveau de la mer et l’érosion des côtes. À Madagascar par exemple, le secteur agricole représente 25,2 % du PIB en 2019 et emploie plus de 80 % de la population. À cause des sécheresses qui s’intensifient ces dernières années dans le sud du pays, de la déforestation et de la croissance démographique, la famine touche désormais plus d’1,35 millions de personnes selon le Programme Alimentaire Mondial (soit près de 5 % de la population malgache).

Les pays de la région portent des engagements ambitieux en matière d’atténuation et d’adaptation, mais les besoins en financements sont gigantesques

La croissance économique et démographique forte, pousse les émissions de gaz à effet de serre à la hausse (voir figure 2), bien que celles-ci restent très faibles par pays (généralement moins de 0,5 % des émissions mondiales), surtout quand rapportées à la population. Dans l’ensemble des pays de la région, les émissions de gaz à effet de serre proviennent principalement des activités agricoles, de l’utilisation des énergies fossiles et de la mauvaise gestion des déchets. 

La quasi-totalité des pays de la zone se sont engagés à mettre en œuvre un modèle de développement durable et résilient face au changement climatique. Cet engagement se retrouve notamment dans les Contributions nationales (NDC) qui détaillent les mesures d’atténuation et d’adaptation à mettre en œuvre, pour contribuer à l’atteinte de l’objectif de l’Accord de Paris. Les mesures à mettre en œuvre vise principalement i) la sécurité alimentaire avec le développement d’une agriculture durable, ii) la préservation des ressources en eau, iii) l’augmentation de la part des énergies propres, iv) la résilience des villes (planification de l’aménagement, logements abordables, mobilité verte) et v) la résilience aux chocs climatiques. Ces engagements se retrouvent assez souvent dans des stratégies nationales assez ambitieuses, mais qui restent souvent peu détaillées et peu opérationnelles. Le passage de ces stratégies à des plans d’action concrets bute régulièrement sur les problématiques de coordination entre acteurs publics et surtout sur les enjeux de financement.

Des besoins considérables en financements internationaux

Les ressources publiques internes se révèlent souvent insuffisantes pour financer ces programmes qui se chiffrent en milliards de dollars (les besoins en investissement d’ici à 2030 se chiffrent par exemple à 62 Mds USD pour le Kenya, 19.2 Mds USD pour la Tanzanie et 36 Mds USD pour Madagascar). Au vu de la situation économique qui s’est dégradée avec la pandémie, les États de la région ne peuvent s’engager à financer dans la plupart des cas plus de 10 % des investissements nécessaires. Il est ainsi question d’engagements des pays (partiellement) conditionnées à des financements internationaux, publics ou privés. 

Le recours aux financements internationaux apparait donc incontournable pour atteindre ces objectifs, notamment en provenance des bailleurs internationaux, via le financement de projets à co-bénéfice climat. Dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015, les pays développés s’étaient engagés à mobiliser 100 Mds USD par an en faveur du climat pour soutenir l’atténuation et l’adaptation dans les pays en développement, objectif qui ne sera pas atteint en 2020 ou 2021. La COP26 qui se tient ce mois-ci à Glasgow devrait être l’occasion de faire le bilan de ces investissements. Lors des négociations internationales, les positions des pays de la région et des pays africains restent surtout centrées sur des demandes de renforcement des financements internationaux, régulièrement appuyées par des arguments d’équité et de justice vis-à-vis des émissions historiques des pays les plus riches et de réalisme vis-à-vis des faibles moyens publics locaux. Au vu des fortes vulnérabilités et des faibles émissions actuelles, l’adaptation est l’axe privilégié par la plupart des pays de la région pour les demandes de soutien financier externe.

Des opportunités pour les entreprises françaises sur un large champ d’actions

Au vu des besoins de soutien technique et des financements dédiés en croissance, les opportunités pour les entreprises françaises dans le domaine peuvent être nombreuses. Elles sont en premier niveau au niveau de l’assistance technique et l’expertise pour accompagner les acteurs publics dans la définition leur stratégie et plans d’action avec, par exemple, de l’expertise dans la comptabilité carbone ou la finance climat ou la gestion des risques d’inondations et l’adaptation des infrastructures en lien avec le changement climatique. En termes de mise en place d’actions d’atténuation ou d’adaptation, le champ est très vaste au vu du caractère systémique des transitions nécessaires. En matière d’adaptation l’amélioration de l’efficacité de la gestion des ressources et de l’approvisionnement en eau ainsi que l’assainissement sont des domaines où l’offre française est reconnue dans la région tout comme la gestion durable des forêts ou l’apport d’innovations dans les domaines agricoles at agro-alimentaire. Concernant les actions d’atténuation, les possibilités sont aussi très nombreuses et, sans chercher à être exhaustif, l’approvisionnement des populations et entreprises en énergies renouvelables (y compris hors réseau), le renforcement des réseaux électrique et la mise en place de systèmes de transports urbains efficients et peu émetteurs de CO2 ressortent comme des segments où l’offre française peut être bien positionnée dans la région.