Le système de retraites canadien repose sur un modèle hybride faisant intervenir le gouvernement fédéral, des fonds de pension et des acteurs financiers privés. Si ce modèle est considéré comme relativement performant à l’échelle internationale, malgré un caractère en partie inégalitaire, le vieillissement de la population soulève des incertitudes quant à sa soutenabilité. Le vieillissement de la population impose également aux fonds de pension de revoir leur politique d’investissement.

1/ Un système performant bien qu'encore inégalitaire

Le système de retraites canadien est généralement décrit comme reposant sur 3 piliers (Annexe 1), offrant aux retraités canadiens différentes sources de revenus :

  • Un volet fédéral universel : le gouvernement fédéral canadien verse à tous les citoyens de plus de 65 ans une prestation indépendante des revenus accumulés au cours de l’existence, la Sécurité Vieillesse (SV). Le montant maximal de cette prestation (qui dépend du nombre d’années vécues au Canada) est de 626,49 CAD (environ 422 €) par mois. En avril 2021, le gouvernement fédéral a annoncé une revalorisation de cette prestation pour les allocataires de plus de 75 ans, pour un coût estimé à 12 Md CAD (8 Md €) sur 5 ans. Par ailleurs, cette prestation peut être complétée, pour les personnes disposant de pensions modestes, par le Supplément de revenu garanti (montant maximal de 935 CAD/mois, soit environ 631 €)[1].     
  • Un volet contributif organisé à l’échelon fédéral : la majorité des employés et employeurs canadiens cotisent auprès du Régime de pensions du Canada (RPC), ou auprès du Régime des rentes du Québec (RRQ) pour la province québécoise. La pension versée au moment du départ à la retraite dépend ainsi du nombre d’années de cotisation ainsi que du niveau de revenu au cours de la carrière. Les cotisations sociales abondent un fond de pension à gestion publique (le Canada Pension Plan Investment Board), dont les actifs sont évalués à plus de 500 Md CAD (335 Md €), ce qui en fait le plus grand fonds de pension canadien (Annexe 2).
  • Un volet complémentaire organisé autour de fonds de pension privés : les employés canadiens ont la possibilité de bénéficier d’une retraite complémentaire, soit par l’intermédiaire de leur employeur, soit à titre personnel. Certains des principaux fonds de pension canadiens sont ainsi alimentés par des professions spécifiques (ex : Ontario Teachers’ Pension Plan – OTTP-, Public Sector Pension, Healthcare of Ontario Pension Plan). Par ailleurs, la plupart des institutions financières proposent, à titre individuel, de nombreux plans d’épargne-retraite.

Le financement du régime de pensions du Canada repose à part égale sur les employés et les employeurs, chacun cotisant à hauteur de 5,45% (soit un taux total de cotisation de 10,9%). En 2019, le RPC était alimenté par 14,5 millions de travailleurs (représentant une contribution de 52 Md CAD/34, Md€, Annexe 3), tandis que les 5,6 millions de bénéficiaires ont reçu 49 Md CAD (32,8 Md €) sous forme de pensions. L’âge pivot de départ à la retraite est fixé à 65 ans ; les employés ont la possibilité de faire valoir leurs droits dès 60 ans mais avec une décote équivalente à 0,6% par mois (soit une retraite amputée de 36% pour un départ anticipé à 60 ans). De la même manière, les employés canadiens peuvent décider de partir après 65 ans et ainsi obtenir une bonification de leur pension à hauteur de 0,7% par mois (soit une augmentation totale de 42% pour un départ à 70 ans, le plafond légal).

Ce système, hybride, s’avère globalement performance, bien qu’en partie inégalitaire. Selon l’indice Mercer-CFA Institute, le Canada se classe à la 9ème place des systèmes de retraites les plus performants (Annexe 4), devant le Royaume-Uni (15ème), les Etats-Unis (18ème) et la France (20ème). Le Canada est notamment considéré par le cabinet de conseil comme bénéficiant d’un système particulièrement soutenable (7ème). À l’inverse, le système canadien est toujours jugé relativement inégalitaire par rapport aux modèles sociaux européens, notamment en raison de la faible proportion d’employés ayant accès aux systèmes complémentaires par capitalisation. Dans un rapport de novembre 2019, l’OCDE mettait par ailleurs en exergue la baisse significative d’employés ayant accès ou recours à ces systèmes d’épargne privée en vue de compléter leur retraite. En effet, ces comptes d’épargne, alimentés par les employeurs ou par les employés eux-mêmes, concernaient 52% des employés masculins en 1977, contre seulement 32% en 2017. Dans le même temps, la proportion d’employées féminines ayant recours à ces dispositifs est passé de 36 à 39%. L’OCDE soulignait par ailleurs un accès inégal à ces retraites complémentaires en fonction du revenu. L’amélioration de l’accès aux plans d’épargne-retraite était ainsi mise en avant par l’OCDE comme l’une des priorités pour le système de retraites canadien, notamment par l’amélioration de la portabilité des droits ou la baisse des frais de gestion.

2/ L'étage fédéral a été renforcé en 2019 pour répondre au vieillissement de la population
 

Le système fédéral, reposant sur les pensions versées par le RPC et sur la Sécurité Vieillesse, pourrait, à moyen-terme, être significativement affecté par le vieillissement de la population. En 2021, environ 6,7 millions de personnes étaient bénéficiaires de la Sécurité Vieillesse (pour des dépenses estimées à 60 Md CAD/40 Md€), soit près de 17,5% de la population totale, une proportion comparable à la part de la population canadienne âgée de plus de 65 ans (Annexe 4). Il convient de souligner que si cette proportion est comparable à celle observée dans la plupart des pays de l’OCDE (17% en moyenne, 20% en France), le vieillissement de la population devrait s’accélérer au Canada au cours des prochaines années (Annexe 5). Cette évolution démographique pourrait, à terme, représenter un enjeu de finances publiques, même si les prévisions faites par le gouvernement canadien restent assez optimistes (Annexes 6 et 7).

Afin de faire face à ce risque, la réforme du 1er janvier 2019 a augmenté le taux de contribution, en contrepartie d’une amélioration de la pension versée à l’horizon de 2065. Le taux de cotisation est ainsi passé de 9,9% en 2019 à 10,2% en 2021, et devrait atteindre 11,9% en 2023 ; en contrepartie, la pension versée, calculée en référence à la moyenne des revenus au cours de la vie active, sera revalorisée de 25% à 33% à l’horizon de 2065. En 2021, seuls les revenus annuels compris entre 3 500 CAD (2 364 €) et 61 600 CAD (41 600 €) étaient assujettis à cotisation et ouvraient des droits à la retraite. Une réforme analogue a par ailleurs été mise en place par le Régime de rentes du Québec afin de faire correspondre les deux systèmes. La pension mensuelle versée par le RPC reste peu élevée : 619,44 CAD (418 €) en moyenne et une pension maximale de 1 203,75 CAD (813 €). Ce qui n’a toutefois qu’un impact limité sur le taux de pauvreté (mesure du panier de consommation) des plus de 65 ans, aux alentours de 5,4% en 2018.

3/ Le vieillissement de la population conduit également les fonds de pension à repenser leurs stratégies d'investissement 

Acteurs majeurs du système financier canadien, les fonds de pension sont au cœur du système de retraite par capitalisation, avec un montant d’actifs estimé à plus de 2300 Md CAD (100% du PIB, 1520 Md€) en 2019. Traditionnellement, les fonds de pension se démarquent des autres acteurs financiers par un effet de levier relativement faible et des portefeuilles en moyenne moins risqués. Toutefois, s’ils contribuent au financement des secteurs traditionnels de l’économie (infrastructures, énergie, industrie), les fonds de pension accompagnent également le développement de nouveaux secteurs tels que le numérique ou la santé. La Caisse de Dépôt et de Placement du Québec (CDPQ) a par exemple annoncé en mai 2021 une émission d’obligations vertes pour un montant estimé à 1 Md USD (820 M€), ce qui constituait la première opération de cette nature au Canada.

La perspective du vieillissement conduit les fonds de pension à adapter leurs stratégies d’investissement et à rechercher des rendements plus élevés afin de compenser la hausse du nombre de retraités – et l’allongement de la durée moyenne du temps en retraite. Les principaux fonds de pension ont ainsi mené des stratégies de diversification géographique et sectorielle visant à poursuivre leur croissance et à garantir le financement des pensions à venir. À ce titre, si l’OTPP indique se concentrer davantage sur les pays développés, le CPPIB met quant à lui en œuvre une stratégie agressive sur les marchés émergents, où les rendements sont plus élevés. Les fonds de pension, bien que mettant traditionnellement en œuvre des stratégies moins risquées que d’autres acteurs financiers, visent ainsi un rendement minimum de 10%. Le Public Sector Pension Investment souligne par exemple que sa stratégie d’investissement se concentre sur des actifs à maturité longue et peu liquides, permettant d’obtenir des taux de rendement plus élevés tout en conservant un risque mesuré.


[1] En 2011, le gouvernement du Premier ministre Stephen Harper (Conservateur) avait mis en place une bonification de la SV pouvant aller jusqu’à 800 CAD (535 €) par an pour les personnes âgées les plus pauvres.