Lundi 11 octobre 2021, le prince héritier MBS a lancé la « Stratégie nationale d’investissement » de l’Arabie saoudite, qui s’élève à 3 300 Md$ sur dix ans. Elle vise à atteindre au moins trois objectifs de la Saudi Vision 2030, lancée 5 ans auparavant, à savoir l'augmentation de la contribution du secteur privé au PIB à 65% (41% en 2020), le soutien à l'investissement direct étranger (IDE) qui devrait atteindre 5,7% du PIB (0,6% en 2019) et le passage de la 18e économie mondiale à la 15e place.

Cette « nouvelle » stratégie s’inclut plus globalement dans l’engagement de l’Etat saoudien qui prévoit d’investir 7 300 Md$ dans le pays sur la décennie pour déployer la Vision 2030, le plan de transformations lancé en 2016. Ce montant global comprend :

Sur les 3 300 Md$ d’investissements prévues sur dix ans :

  • 1 330 Md$ proviendraient de l’initiative Shareek (partenaire), qui avait été présentée fin mars 2021 et qui prévoit que les grandes sociétés cotées du Royaume (Aramco, Sabic, Saudi Telecom, etc.) contribuent sur leurs dividendes aux efforts nationaux d’investissement ;
  • 800 Md$ proviendraient directement du fonds souverain, le Public Investment Fund ;
  • 690 Md$ proviendraient d’autres investissements locaux (PME, gouvernement…) ;
  • 480 Md$ proviendraient des IDE.

Selon le rapport Saudi Arabia’s National Investment Strategy, cette stratégie vise à atteindre de nouveaux objectifs d’investissement à horizon 2030 :

  • tripler le volume total d’investissement (FBCF) pour atteindre 545 Md$ en 2030 (30 % du PIB) ;
  • doubler la composante domestique de la FBCF pour atteindre 441 Md$ en 2030 ;
  • multiplier par vingt les IDE pour atteindre le montant de 104 Md$ en 2030 (5,7 % du PIB), contre 16 Md$ en 2022, soit en moyenne 48 Md$ par an sur la période 2021-2030.

Ce niveau d’IDE représente une hausse substantielle par rapport aux IDE reçus par l’Arabie saoudite en 2019 (4,6 Md$)[2] mais n’est néanmoins pas si éloignée du record de 39,5 Md$ atteint en 2008.

D’un point de vue organisationnel, la stratégie nationale d’investissement clarifie le rôle du ministère de l'investissement (MISA) vis-à-vis des autres entités gouvernementales et des parties prenantes concernées tout au long des étapes du cycle d'investissement. Le MISA aidera les investisseurs à conclure les transactions jusqu’à leur terme et à s’établir dans le pays, notamment avec des incitations spécifiques (zones économiques spéciales, etc.).

De plus, la stratégie comprend 40 initiatives à mettre en œuvre, chaque initiative relevant d'un ou plusieurs organes gouvernementaux, tandis que le MISA joue un rôle d’orchestration pour suivre et contrôler leur mise en œuvre, grâce à des indicateurs clés de performance (KPI), qui se concentreront in fine sur l’atteinte des niveaux de montants d’IDE et de FBCF attendus, en valeur absolue et en pourcentage du PIB.

Parmi ces initiatives, les plus remarquables sont :

  • Accélérer le programme de partenariats public-privé et de privatisations, en attirant davantage les investisseurs cibles sur les projets dans les secteurs prioritaires (notamment l'eau, la santé, l'éducation et les transports), avec un ensemble complet de modèles de contrats ;
  • Créer des fonds spécialisés pour le développement couvrant des secteurs clés, en s’appuyant sur des fonds d’investissement sectoriels spécialisés sous l'égide du National Development Fund, principalement vers trois secteurs clés (le tourisme, le transport/logistique et les infrastructures), en les étendant à d’autres secteurs ;
  • Relier « Invest Saudi » à toutes opportunités d’investissement provenant de l’ensemble de l'écosystème et les transmettre aux investisseurs par le biais d'initiatives de marketing numérique et physique et de communication stratégique ;
  • Fournir des services différenciés aux investisseurs stratégiques locaux et internationaux en développant un programme d’avantages préférentiels non financiers, tels que des services administratifs spécifiques, de conseil, etc. (équivalence d’accueil VIP de Business France) ;
  • Créer un centre régional pour les start-ups afin de stimuler l’esprit entrepreneurial en Arabie saoudite en ciblant les entrepreneurs les plus prometteurs en leur offrant des incitations et un soutien appropriés (idée de créer un équivalent de Station F en Arabie saoudite) ;
  • Lancer quatre à cinq zones économiques spéciales avec un ensemble complet d’incitations financières, fiscales et d’exemptions réglementaires.

 Commentaires

Étant donné le rythme effréné et l'ampleur des annonces de programmes et/ou de stratégies économiques qui se succèdent en Arabie saoudite, une approche plus modérée et équilibrée en matière de communication paraîtrait plus efficace pour attirer et rassurer les investisseurs internationaux.

Certes, la hausse des prix du pétrole pourra alimenter des contributions financières nécessaires à court terme pour crédibiliser ces programmes et initiatives économiques et accroître leur attrait auprès des investisseurs potentiels. Les prix actuels du Brent étant au-dessus de 85 dollars le baril, le FMI prévoyait que le niveau d’équilibre budgétaire de l'Arabie saoudite diminuera à 65,70 dollars/baril en 2022, contre 76,25 dollars en 2021.

Nonobstant, il est utile de rappeler que ce type de stratégie d’attractivité d’investissement ne fonctionne pas dans un système fermé, mais est plutôt lié aux forces régionales et mondiales. Les États arabes du Golfe voisins – les Émirats arabes unis en particulier – ont également lancé des initiatives concurrentes pour attirer les investisseurs étrangers et les entreprises mondiales, la concurrence régionale pour les flux commerciaux et d'investissement s'intensifie.

En outre, l’attractivité économique de l’Arabie saoudite ne dépendra pas uniquement des grands projets proposés et de la taille des budgets alloués, mais également de sa faculté à poursuivre les réformes de l’environnement des affaires où des marges de progression restent attendues par les investisseurs.