Septième producteur automobile mondial en 2000, le Canada pointe désormais à la 12ème place, victime de la segmentation des chaînes de valeur depuis la signature de l’ALENA en 1994. Cette intégration régionale a renforcé la sensibilité du secteur à la conjoncture, comme en témoigne l’impact de la pénurie actuelle de semi-conducteurs sur l’économie. Afin de renforcer l’indépendance de ce secteur , le gouvernement canadien investit de manière importante dans les véhicules électriques et autonomes.

1/ Le lent déclin d'un secteur pourtant incontournable de l'économie canadienne 

L’industrie automobile canadienne connaît depuis une vingtaine d’années une lente érosion, au profit notamment du Mexique avec lequel il partage un espace de libre-échange depuis 1994. Depuis 2000, le Canada a subi une perte nette de cinq usines d’assemblage. Le Canada a également vu sa production de véhicules reculer de plus de moitié entre 2000 et 2020, notamment au profit du Mexique: de 17,4% de la production nord-américaine en 1999, la production canadienne est passée à 10,3% en 2020, contre un passage de 8,8% à 23,8% pour le Mexique. Ce recul se fait également sentir à l’échelle mondiale : en 2020, le Canada se classait 12ème producteur mondial, avec un total de 1,4 million de véhicules produits sur son territoire, juste devant la France (13ème, 1,3 million), alors qu’il était encore 7ème en 2000 avec une production de 3 millions de véhicules (Annexe 1).

L’industrie automobile demeure pourtant un secteur incontournable de l’économie canadienne. L’industrie automobile génère 150 000 emplois directs et 500 000 emplois indirects sur le sol canadien. Les cinq constructeurs de véhicules (Stellantis, Ford, GM, Honda et Toyota) présents sur le territoire canadien ont produit près de 2 millions de véhicules en 2019 avant d’être frappés par la crise (1,4 million en 2020). Ces usines sont approvisionnées par un écosystème de près de 700 fournisseurs de pièces qui est au cœur du dynamisme de l’industrie automobile canadienne, parmi lesquels des acteurs de premier rang, tels que les canadiens Magna, Linamar et Martinrea, mais également Faurecia, Valeo ou Michelin côté français. La fabrication automobile est fortement concentrée en Ontario, où est réalisée la quasi-totalité (98 %) de la production canadienne. Le Québec (fournisseurs de pièces, IA et filière batterie), le Manitoba (essais par temps froid), la Nouvelle-Ecosse (où Michelin est le premier employeur privé) et la Colombie-Britannique (véhicules électriques) bénéficient également d’implantations industrielles dans le secteur automobile (Annexe 2).

2/ Cette évolution traduit l'intégration croissante de l'industrie automobile canadienne dans les chaînes de valeur nord-américaines

L’industrie automobile canadienne, plus que tout autre secteur, dépend significativement des partenaires nord-américains, tant dans la production que dans la demande. Le Canada continue certes d’être un exportateur important de véhicules, ces dernières représentant son deuxième poste d’exportation en valeur (Annexe 3) alors que plus de neuf véhicules sur dix produits au Canada sont ensuite exportés à l’étranger, mais cela traduit moins la puissance relative de ce secteur que son intégration très avancée dans les chaînes de valeurs nord-américaines : en 2020, 90% des exportations et deux-tiers des importations étaient en lien avec les Etats-Unis, tandis que le Mexique représentait 12% des importations et 2% des exportations (Annexe 3). Cette concentration se réalise notamment autour de la chaîne d’approvisionnement et d’assemblage des industries automobiles du corridor Ontario-Michigan, berceau de l’automobile nord-américaine. Cette intégration régionale s’est encore renforcée depuis l’entrée en vigueur au 1er juillet 2020 de l’Accord Canada Etats-Unis Mexique, qui impose une teneur régionale dans la production automobile de 75% (contre 62.5% avec le précédent accord, l’ALENA) afin de bénéficier de l’absence de droits de douanes (2.5% pour les voitures de particuliers et 25% pour les camions) ; une règle qui reste toutefois encore peu respectée étant donnée la faiblesse des droits de douanes sur les véhicules particuliers.

La forte intégration des chaînes de valeurs et le difficile traçage de l’ensemble de la chaîne accentuent la dépendance aux acteurs extérieurs, comme en témoigne la pénurie actuelle de semi-conducteurs. Début 2021, la production de véhicules automobiles et pièces pour véhicules automobiles a fortement diminué en raison de la pénurie de semi-conducteurs, qui a mené les constructeurs à pratiquer le « stop and go » dans leurs usines (Annexe 4). En effet, les constructeurs automobiles n’ont qu’une vision limitée de leurs chaînes de valeur et n’ont ainsi pas pu anticiper ou réagir rapidement à la pénurie de semi-conducteurs. Le secteur a connu une baisse de 18,9% des exportations de véhicules et de 8,7% des pièces automobiles au T2 2021 en glissement trimestriel, menant à une contraction surprise du PIB de 0,3% par rapport au T1 2021. Après avoir retrouvé un niveau quasi normal au S2 2020 (-5% des ventes de véhicules par rapport au S1 2019), les ventes de véhicules ont de nouveau chuté à 873 000 véhicules au S1 2021, soit 23% de moins qu’au S1 de 2019 (1,2 millions de véhicules vendus).

Avant même la crise actuelle des semi-conducteurs, le Canada avait cherché à renforcer son indépendance sur ce segment. Le gouvernement avait ainsi décidé d’investir 4,7M CAD (3,2M €) dans l’initiative HardWare Catalatyst de Venturelab, seul incubateur dédié aux semi-conducteurs au Canada. Un investissement public de 5 M CAD (3.4 M €) a également été confirmé à l’été 2021 dans le cadre du projet Arrow, projet de véhicule produit entièrement au Canada porté par l’Association des fabricants de pièces automobiles.

Parallèlement, les gouvernements, tant au niveau fédéral que provincial, misent sur le développement de la filière électrique. Au 1er trimestre 2021, 4,6% des véhicules immatriculés étaient des véhicules zéro-émissions (VZE : véhicules électriques à batterie, véhicules hybrides électriques rechargeables et véhicules à pile hydrogène) contre 7,5% en Europe, tandis que la production de véhicules électriques (VE) ne représente que 0,5% du total contre 3% en moyenne dans le monde. Ainsi, après le Québec en novembre 2020, le gouvernement fédéral a annoncé en juin 2021 que l’interdiction de la vente de véhicules légers à essence serait avancée à 2035 plutôt que 2040. Pour accompagner cette transition, le gouvernement a mis en place des aides incitatives (419 M CAD / 285,5 € sur 2 ans) pour l’achat de VZE. Les autorités s’efforcent également de développer des infrastructures pour VE, comme des stations de recharge (226 M CAD / 153 M € sur 2016-2024). L’électrification est encore peu homogène puisqu’en 2020, 95.4% des VZE neufs ont été immatriculés en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec (Annexe 5). Au Québec, le gouvernement a publié en novembre 2020 une Stratégie québécoise de développement de la filière batterie pour se positionner en tant que leader mondial de l’électrification de l’industrie et de ses chaînes de valeurs. (Annexe 6) et rapprocher une partie de ses chaînes de valeurs sur le territoire canadien.

Ces efforts sont secondés par le secteur privé, où les initiatives se multiplient. Entre fin 2020 et début 2021, GM (1 Md CAD/670 M €), Ford (1,2 Md CAD/800 M €), et Stellantis (1,5 Md CAD/1,5 Md €) ont annoncé des investissements dans les VE au Canada : Ford pour construire la version électrique de Lincoln Corsair d’ici 2026, Stellantis pour un mini-van électrique dans son usine de Windsor et GM pour la création de BrightDrop, qui a pour but d’électrifier le transport de marchandises. Le projet le plus emblématique est probablement celui de Ford qui, dans un marché encore largement dominé par les véhicules utilitaires et sportifs qui représentaient 77% des véhicules vendus au Canada en 2020, commercialisera début 2022 la Ford F-150 Lightning, la version électrique de la gamme de camionnettes la plus vendue au Canada. Ces différentes initiatives se structurent progressivement, avec le lancement en septembre 2021, par 20 acteurs clés de l'industrie canadienne des véhicules à émission zéro (ZEV), d’Accelerate, la première alliance de la chaîne d'approvisionnement ZEV au Canada, dont l’objectif est le développement accéléré d'une chaîne d'approvisionnement ZEV au Canada. Enfin, le « supercluster » NextGen Manufacturing, créé par le gouvernement fédéral en 2018, a récemment annoncé  un appel à projets, avec un investissement public-privé de 40 M CAD (27 Md €) dans des projets de R&D afin de renforcer le développement de la chaîne d’approvisionnement canadienne pour les véhicules électriques à batterie et à pile à combustible. (Annexe 5)

Les véhicules autonomes et connectés font également l’objet de projets au Canada (Annexe 7). Actuellement, seules  les provinces de Québec (depuis 2018) et de l’Ontario (depuis 2019) permettent la circulation libre de véhicules de niveau 3 (Automatisation conditionnelle). Néanmoins, des projets pilotes peuvent être menés des niveaux 3 à 5 (automatisation complète) en Colombie Britannique, Alberta, Ontario et Québec. Les tandems  français Keolis- Navya, et Transdev- EasyMile ont chacun développé un projet pilote au Québec. L’Ontario a également développé l’initiative RIVA sur les technologies automobiles et de mobilité intelligente afin de favoriser l’innovation et la collaboration autour des véhicules autonomes et connectés en s’appuyant sur l’écosystème existant. Enfin, le 1er septembre 2021, Telus et GM ont annoncé leur partenariat pour fournir une connectivité 5G aux véhicules GM.