Le Benelux est aujourd’hui un pôle d’attractivité pour le développement des technologies du vivant, spécifiquement dans le domaine médical (biotechnologies rouges). Il s’affirme sur un marché européen compétitif, nettement dominé par le pôle londonien, dont il devient le plus sérieux concurrent. Ses qualités indéniables peuvent en faire un des leaders d’un marché très profitable et stratégique, si elles sont approfondies. Alors que la stratégie belge d’investissements publics élevés a permis l’émergence de sociétés fortement capitalisées, les Pays-Bas souffrent pour le moment, et malgré un tissu important d’entreprises,  d’un déficit de financements publics aux stades précoces du développement des entreprises.

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Le Benelux est un pôle d’attractivité européen majeur pour les entreprises biotechnologiques, et les trois pays présentent des écosystèmes dynamiques et complémentaires

Le Benelux concentre une importante part des entreprises de biotechnologies en Europe, et dispose d’un écosystème dense et dynamique. Le Benelux accueille des activités de R&D des dix premiers groupes pharmaceutiques mondiaux, rassemble le plus grand nombre d’entreprises en immunothérapie et anticorps de l’Union européenne (21% du nombre total), en oncologie (20%), et constitue le deuxième cluster de l’Union en thérapie génique. Le Benelux figure avec le Royaume-Uni, la Suisse et l’Irlande parmi les principaux acteurs européens, dont le rythme de lancement de start-up biotech croît sans discontinuer depuis 2012 (annexe 1). Il se place 2è dans le classement de la plus grande part des start-up lancées dans l’UE : alors qu’au Luxembourg, 50% des entreprises biotechnologiques actuelles n’existaient pas en 2012, le nombre d’entreprises biotechnologiques aux Pays-Bas a doublé sur la période 2017-2021. Le déménagement en 2019 de l’Agence Européenne des Médicaments vers Amsterdam à la suite du Brexit atteste cette importante dynamique.

L’écosystème biotechnologique du Benelux se distingue par un haut niveau de capitalisation. Les Pays-Bas possèdent le plus important réseau d’entreprises en biotechnologies (379 sociétés), et la Belgique et le Luxembourg se distinguent par les hauts niveaux de capitalisation de leurs entreprises à l’échelle européenne : la Belgique ne dispose que de 140 sociétés de biotechnologie soit 7% des biotech européennes, mais représente la 1ère valeur boursière d’Europe dans ce secteur avec 24% de la capitalisation totale, devant le Danemark (21%). Le Luxembourg n’accueille que 136 entreprises biotechnologies pour 1880 employés, mais présente un haut niveau d’intensité de la recherche, classé par la Commission européenne comme l’écosystème de recherche le plus performant de l’UE. Le Benelux est particulièrement ouvert aux marchés financiers américains : de 2012 à 2018, la capitalisation moyenne d’une entreprise biotech du Benelux lors de son introduction en bourse américaine (62 M€) talonne celle des entreprises américaines (64M€). Les entreprises du Benelux y atteignent une capitalisation moyenne 2,2 fois supérieure à leur moyenne sur les marchés européens.

Le tissu d’universités, de laboratoires et d’instituts de recherche favorise le développement d’innovations et la crédibilité des start-up qui en émergent. Le Benelux accueille à lui seul 5% du top 100 mondial des universités en biosciences. Ces pôles universitaires constituent aussi des clusters d’entreprises, favorisant l’accès au financement. Par exemple, le principal groupement biotechnologique de Belgique, l’Institut Flamand de Biotechnologie (VIB), créé en 1995, mène d’intenses activités de recherche en partenariat avec cinq universités, dispose de deux incubateurs et gère un fonds de capital-risque, B-Bio-Ventures. Sur le même modèle, le Leiden Bio Science Park, plus grand cluster biotech néerlandais, regroupe plus de 150 entreprises, 11 centres de recherche et génère 19 000 emplois.

Le pôle biotechnologique du Benelux n’atteint pas son plein potentiel et bénéficierait d’une coopération renforcée pour s’imposer sur un marché potentiellement très profitable

La Belgique présente des dispositifs d’investissement public exemplaires et efficaces pour le secteur,  tandis que les Pays-Bas affichent un moindre volume de financements publics précoces. Le Pacte d’Avenir belge annonçait dès 2015 l’approche volontariste du gouvernement etson étroite concertation avec le secteur privé se mesure clairement : 46% des ressources du VIB (soit environ 60M€/ an) proviennent du Gouvernement flamand, et le Gouvernement wallon consacrera 25 M€ du PNRR à la création d’un hub de la biotech à Gosselies, l’EU Biotech School & Health Club. Aux Pays-Bas, un modèle bottom-up s’est développé par le biais d’initiatives privées, à l’image de « Find a fund », une plateforme privée d’appairage entre start-up et investisseurs, mais demeure insuffisant. L’Association néerlandaise des sociétés de participation souligne en 2018 un manque structurel de capitaux affectés aux investissements précoces dans les start-up, notamment les projets à haut risque (venture capital), et une offre insuffisante de capitaux pour la croissance des entreprises à forte intensité de capital. Cela se traduit par des déséquilibres internes au Benelux en matière de priorisation des investissements privés : la part des dépenses dédiées à la R&D en biotechnologies sur l’ensemble des dépenses privées en R&D aux Pays-Bas (4%) est significativement inférieure à celle de la Belgique (27%).

Une amélioration de l’écosystème néerlandais bénéficierait à l’ensemble du pôle biotechnologique du Benelux. Un rapport McKinsey [1] recommande aux Pays-Bas d’accélérer significativement les mises à l’essai et commercialisations des innovations : l’écosystème néerlandais est le 4è mondial en matière de brevets technologiques et 9è en matière de brevets biotechnologiques mais n’atteint pas le niveau de capitalisation et de commercialisation des innovations de la Belgique. Il recommande aux 3 pays de développer des outils régionaux mutualisés pour favoriser la formation et attirer les talents de tous pays, fluidifier l’accès des entreprises biotechnologiques aux financements et favoriser les contacts avec les investisseurs. Parallèlement, un rapport de l’Institut Roland Berger [2], remis au gouvernement néerlandais, prône une généralisation du modèle d’investissement public belge, rapide, intensif et précoce, à l’ensemble du pôle. Notamment, il insiste sur une optimisation des chaînes de financement par une implication accrue des agences publiques de développement et un financement public croissant lors des créations de start-up.

La croissance du pôle Benelux est potentiellement très profitable aux trois pays. Selon McKinsey, le pôle Benelux peut, et devrait, dépasser en 2030 le niveau de capitalisation du pôle londonien de 2016, et s’approcher à long terme de celui de Boston (leader mondial des biotechnologies). Dans un tel scénario, le Benelux bénéficierait d’ici là de 240 000 emplois et 22 Mds€ de PIB supplémentaire.



[2] Institut Roland Berger, 2020, « Choisir la biotechnologie », rapport commandé par le syndicat d’entreprises Holland Bio

 

 

ANNEXE 1 : Graphique de distribution des entreprises en biotechnologie

Distribution biotech UE

Source : McKinsey & Co’s Start-up and Investment Landscape Analysis (SILA)

 

ANNEXE 2 : Focus sur le modèle belge

La stratégie belge en matière de biotech consiste à se positionner sur la recherche fondamentale, l’innovation avec le lancement de start-up et le passage à l’échelle de ces dernières. Mais la Belgique possède peu de grands groupes mondiaux dans le secteur : ses scale-up sont rachetées par de grands groupes étrangers (Ablynx par Sanofi pour 3,9 Md€ en 2018, Ogeda par le Japonais Astellas pour 800 M€ en 2017 ou encore Galapagos, racheté partiellement par l’Américain Gilead, qui a porté sa participation à 25% du capital). Ces rachats par des groupes étrangers contribuent à attirer des IDE sur le territoire national. Ainsi, la Belgique accueille des activités de R&D des dix premiers groupes pharmaceutiques mondiaux, dont Pfizer, Novartis, Sanofi, Janssen ou encore GSK. La biotechnologie belge soutient également les exportations de produits pharmaceutiques, qui constituent le 1er poste à l’export (40,5 Md€ soit 15,5% du total) et de produits chimiques (3e poste, avec 18,4 Md€, soit 7% du total).

 ANNEXE 3 : Carte du tissu universitaire néerlandais en biosciences

 Universités biosciences NL