Contrairement aux prévisions du début d’année, la croissance enregistre un fort ralentissement en 2021. Elle devrait connaître un fort rebondissement en 2022 grâce à la levée progressive des mesures de distanciation sociale. Les risques à moyen terme pour le Vietnam portent essentiellement sur une perte d’attractivité vis-à-vis des investisseurs étrangers et une fragilisation du bilan des banques.

1) La situation sanitaire enregistre une amélioration progressive depuis un mois

Le Vietnam, qui était parvenu à contenir l’épidémie jusqu’en avril dernier, a connu jusqu’en octobre 2021 une forte dégradation de la situation ; il est ainsi passé en quelques mois seulement de quasi-meilleur élève au 34e rang mondial en termes de décès liés à l’épidémie (près de 20 000 enregistrés début octobre, dont l’essentiel au cours des cinq derniers mois). Nikkei plaçait toujours en septembre le Vietnam à la dernière place de l’indice de reprise post-COVID, qui classe 121 pays en fonction de leur gestion de l’épidémie, de leur politique vaccinale et de la mobilité sociale.

 Le nombre de cas de Covid détectés enregistre une baisse régulière depuis un mois, tout comme le nombre de décès liés au virus. Dans le même temps, les mesures de distanciation sociale commencent à être desserrées progressivement, permettant d’espérer un redémarrage rapide de l’activité au 4e trimestre, qui devrait être particulièrement marqué dans le secteur des services.

 L’arrivée massive de doses de vaccins a permis une accélération notable du programme de protection de la population. Fin septembre, près de 15% de la population adulte avait reçu deux doses et 47% une seule. Dans les villes et régions les plus touchées, la quasi-totalité de la population adulte a reçu au moins une dose.

2)  La croissance s’est effondrée au cours du 3e trimestre de cette année

Les statistiques portant sur le 3e trimestre de cette année qui viennent d’être publiées font apparaître une très forte baisse du PIB au cours de la période (-6,2% en glissement annuel), soit la plus importante enregistrée depuis que le Vietnam publie ses données trimestrielles de PIB. Ce résultat est lié à l’effondrement de l’activité du secteur des services (-9,3%) en raison notamment des fermetures imposées à de nombreux commerces et des restrictions aux transports et, dans une moindre mesure, à la baisse de la production industrielle (-4,6%) liée aux fermetures d’usines décidées par les autorités[1]. Seule l’agriculture est parvenue à stabiliser sa production (+1%) sur la période. Les ventes de détail de marchandises et de services enregistrent une baisse supérieure à 28% au cours du trimestre, ce qui a également très fortement pesé sur la croissance[2].

 Au cours des 9 premiers mois de l’année, le PIB du pays enregistre encore une croissance, réduite toutefois à 1,4%, soit moins qu’au cours de la même période de 2020, où la croissance avait atteint 2,3%, et beaucoup moins qu’au cours des trois années qui ont précédé, où la croissance s’était établie entre 6,5 et 7,2%. La dégradation est, là encore, particulièrement marquée dans le secteur des services (-0,7%). Les ventes de détail de marchandises et de services enregistrent une baisse de plus de 7% sur la période.

 Les échanges extérieurs ont été modérément affectés en septembre par les goulets d’étranglement dans le secteur des transports et les perturbations dans la production de certaines usines grâce aux stocks constitués par les entreprises. Ils restent cependant très dynamiques au cours des 9 premiers mois de 2021, avec une hausse des exportations de 18,8% et des importations de 30,5%. Les perspectives pour 2022 pourraient être moins favorables, plusieurs facteurs (demande moindre pour les secteurs où l’Asie du Sud Est dispose d’un avantage comparatif, impact des mesures de confinement sur les chaînes d’approvisionnement) étant susceptibles de modifier la donne.

 Les IDE, en revanche, se sont maintenus au cours des 9 premiers mois de l’année par rapport aux 9 premiers mois de l’année dernière, malgré la difficulté pour les investisseurs et voyageurs d’affaires de se rendre au Vietnam. Ils ont atteint 22,2 Mds USD, chiffre en hausse de 4,4% par rapport à la période correspondante de 2020, mais en baisse de plus de 15% par rapport à la même période de 2019, c’est-à-dire avant l’épidémie de Covid.

 Les autres indicateurs restent bien orientés. L’inflation reste modérée à 1,8% en g.a. au cours des 9 premiers mois. Par ailleurs, bien que le gouvernement annonce avoir dépensé près de 7,3 Mrd USD dans sa lutte contre la COVID-19 depuis le début de la pandémie en mars 2020, notamment pour financer les mesures de soutien aux entreprises et aux ménages, un dérapage du déficit public semble exclu. Les politiques de réponse économique à l’épidémie sont en effet restées de faible ampleur et déséquilibrées avec des programmes de soutien social limités, alors que 21% de la population déclare subir un impact négatif en raison de l’épidémie, que la confiance des ménages se dégrade et que le chômage progresse[3]. Le ministère des Finances vient toutefois de proposer un nouveau plan d’aide aux salariés et une réduction de l’impôt sur les sociétés et de la TVA dans certains secteurs, mais peine à accélérer la dépense publique[4]. Alors que le déficit budgétaire avait atteint 3,4% en 2019 et 5,4% en 2020 selon les estimations du FMI, il pourrait enregistrer une baisse cette année. Les recettes des 8 premiers mois s’affichent en effet en hausse de 13,9% en g.a. alors que les dépenses se sont contractées de 5,9% par rapport à la même période de 2020.

3) Les prévisions de croissance pour 2021 restent incertaines. 2022 devrait connaître un fort rebond

L’ensemble des observateurs ont maintenant réduit leurs prévisions de croissance pour l’année en cours : la Banque asiatique de développement table désormais sur 3,8% (au lieu des 6,7% prévus en avril), HSBC a fait passer ses prévisions de 7,1% à 5,1% (avec une fourchette basse située entre 3,5 et 4%), la Banque mondiale prévoit 4,8% de croissance à comparer à 6,8% deux mois plus tôt et Fitch a annoncé une possible révision de ses prévisions. La banque suisse DBS prévoit même que la croissance plafonnera à 1,8% cette année. Si les autorités n’ont pas formellement revu l’objectif officiel de croissance de 6,5 à 7% pour cette année, le ministère du Plan et de l’Investissement a indiqué qu’elle s’établirait à 3,5% cette année, à condition que la croissance atteigne 5% au cours des 3 derniers mois de 2021. Un fort rebond est unanimement attendu en 2022 pour revenir à un niveau proche de celui des années pré-Covid (entre 6 et 7%).

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 Pour sauver sa croissance en 2021, le Vietnam doit rapidement assouplir et lever les mesures de confinement particulièrement strictes appliquées depuis plusieurs mois, c’est-à-dire apprendre à vivre avec le Covid comme les récentes déclarations des autorités semblent y préparer la population. Une telle attitude serait de nature à répondre aux demandes exprimées par les entreprises auprès des autorités.

 Les mesures de distanciation sociale, qui ont déjà perturbé les chaînes mondiales de valeur cette année[5], accroissent les incertitudes pour les investisseurs étrangers et réduisent l’attractivité du Vietnam. Elles ont également pour effet de fragiliser les bilans des banques, qui devront gérer mi-2022 la fin des mesures d’exception en termes de report des obligations de provisionnement de créances douteuses[6] alors qu’elles sont, dans le même temps, fermement incitées par les autorités à réduire les taux d’intérêt qu’elles pratiquent.

 Elles ont également un profond impact sur la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales, dont l’accroissement pourrait ralentir l’élargissement de la classe moyenne vietnamienne et freiner à terme le développement du pays.



[1] L’indice des directeurs d’achat (PMI) du mois d’août s’est replié de 4,9 points par rapport à juillet et a atteint 40,2 points, selon Nikkei et IHS Markit, soit la baisse la plus importante depuis avril 2020.

[2] La consommation représente 69% du PIB du Vietnam.

[3] Le taux officiel, qui ne tient pas compte du sous-emploi des personnes dissuadées de procéder à des recherches actives d’emploi, atteignait 3,7% fin septembre, soit son plus haut niveau depuis début 2020.

[4] Au 31 août le taux de décaissement des investissements publics (y compris aide publique au développement) n’était que de 40,6%.

[5] Annonce de pertes de production par Nike liées à la fermeture de ses usines au Vietnam, retards dans le transfert de la production d'Apple, de Google et d'Amazon de la Chine vers le Vietnam, etc.

[6] Publication par la banque centrale le 7 septembre 2021 de la circulaire 14/2021/TT-NHNN autorisant les établissements financiers à rééchelonner les dettes contractées avant le 1er août 2020 et à accorder un délai de remboursement de six mois supplémentaires par rapport à la circulaire précédente promulguée en 2020.