Toute l'actualité économique et financière hebdomadaire de l'Arabie Saoudite, du Bahrein des Emirats arabes unis, du Koweit, d'Oman, du Qatar et du Yémen.

Edito - Le paradoxe koweïtien

Il y a exactement un an, après S&P (AA-), Moody’s dégradait la notation souveraine du Koweït de Aa2 à Aa1. L’agence de notation prenait acte de l’épuisement de la trésorerie de l’Etat, après six mois de crise sanitaire, et des difficultés de sa gouvernance qui le rendent incapable d’adopter une réforme de sa loi sur l’endettement. Solvable mais illiquide, l’émirat a perdu ainsi le statut de meilleure signature du Golfe détenu ex aequo avec Abu Dhabi.

Douze mois plus tard, la situation de l’émirat n’a pas sensiblement évolué. L’amélioration des prix du pétrole a apporté une bouffée d’oxygène, mais le ministère des finances reste contraint de recourir à des expédients comptables pour payer les fonctionnaires en transférant des actifs entre ses fonds souverains notamment. Le système de redistribution de la rente pétrolière reste le plus généreux de la région ; la masse salariale publique devrait représenter 42 Md USD cette année, pour un PIB nominal attendu à 127 Md USD par le FMI.

Une revue du niveau de notation actuelle du pays pourrait à nouveau intervenir à relativement brève échéance si le blocage institutionnel et budgétaire devait perdurer.

Les difficultés au sommet de l’Etat ne se sont pas résorbées non plus. Une semaine après la dégradation par Moody’s, l’émir Cheikh Sabah Al Ahmad Al Sabah décédait à 91 ans : son demi-frère Cheikh Nawaf Al-Ahmad Al Sabeh alors âgé de 83 ans lui a succédé. Le gouvernement nommé en décembre a tenu un mois avant de démissionner et que le nouveau parlement où l’opposition a progressé soit suspendu par l’Emir en février. Depuis mars, toutes les propositions de réformes significatives faites par le nouveau gouvernement sont rejetées par le parlement. Celui-ci n’a d’ailleurs fini par accepter le budget qu’en juin trois mois après le début de l’année fiscale. Les rumeurs de remaniement d’ampleur se sont récemment multipliées.

Seul point qui semble mettre tout le monde d’accord : la koweitisation. On apprend cette semaine que 2090 expatriés auraient quitté la fonction publique ces derniers mois et auraient été remplacés par près de 11 000 Koweïtiens. Pour rappel plus de 130 000 expatriés auraient quitté ce pays de 4,2 millions d’habitant en 2020. Dans ce contexte, les annonces de réorganisation des ministères qui fuitent depuis la semaine dernière semble de plus en plus en décalage avec la situation paradoxale du pays : des réserves immenses, avec près de 700 Md USD d’actifs dans son fonds souverain, et en même temps des difficultés récurrentes à honorer ses dépenses courantes.

 

Graphique de la semaine - Le poids des nationaux dans le secteur privé et dans la population (%)

koweitisation

Lecture : Au Koweït, les nationaux représentent 27% de la population et occupent seulement 10% des emplois du secteur privé.

Source : Données nationales et Nations Unies. EAU (2017), Bahreïn et Koweït (2018), Oman et Qatar (2019), Arabie saoudite (2020)

 

Brèves économiques 

Région  
  • Les importations chinoises d’hydrocarbures en provenance du CCEAG  ont augmenté de 39% au mois d'août 2021 (en glissement annuel) pour atteindre 16,4 millions de tonnes. Les importations en provenance de l'Arabie saoudite ont connu une forte hausse (+53%) pour atteindre 8 millions de tonnes tandis que les EAU ont enregistré une baisse de 38% pour atteindre 2,58 millions de tonnes. Sur la période janvier-août 2021, l'Arabie saoudite est le premier exportateur de pétrole vers la Chine depuis le Moyen-Orient avec 58,5 millions de tonnes, suivis par l’Iraq (36,6 millions de tonnes), Oman (29,9 millions de tonnes), le Koweït (20,8 millions de tonnes) et les EAU (18,7 millions de tonnes).  

  • Les EAU (33ème sur 132 pays) se positionnent à la première place de la péninsule arabique dans le classement de l'indice mondial de l'innovation de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Ils sont suivis par l'Arabie saoudite (66ème), le Qatar (68ème), le Koweït (72ème), Oman (76ème) et Bahreïn (78ème). L'indice mesure la moyenne de deux sous-indices permettant d'évaluer l'écosystème économique (institutions, infrastructures, système éducatif) soutenant les activités innovantes et les résultats des activités d'innovation  (compétences technologiques et connaissances, créativité).

 

Arabie saoudite  
  • Le fonds souverain saoudien, PIF (Public Investment Fund)  envisage sa première émission verte selon son gouverneur Yassir Al Rumayyan en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies. L’Arabie se montre de plus en plus active sur ce volet "vert". En septembre 2021, le PIF a engagé cinq banques pour faire partie de son panel ESG pour sa stratégie de levée de fonds à moyen terme. 
  • Un consortium mené par Veolia a remporté, le 16 septembre 2021, le contrat de gestion, d’exploitation et de maintenance des services d’eau pour la province de Riyad. Par ce contrat, l’entreprise française fournira les services d’eau à une population de près de 8 millions d’habitants sur un territoire de 1 973 km2 pour une durée de sept ans. Le montant du contrat est d’environ 80 M EUR sur la période. Ce contrat s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de l’eau adoptée en 2018 pour répondre à la demande croissante et améliorer l’organisation et la gestion du secteur. Cette stratégie vise à la rationalisation de la consommation d’eau, à la réduction des pertes, et au développement du traitement des eaux usées. En décembre 2020, la Saur avait remporté le contrat de gestion des eaux des provinces de Medine et Tabouk. Le territoire saoudien a été découpé en six régions et quatre autres contrats restent à attribuer. Ces contrats sont destinés à préparer la privatisation des services de l’eau au niveau national.
  • La compagnie de télécommunication nationale, Saudi Telecom Company, est en cours de finalisation de l'introduction en bourse de 20% des parts de sa filiale Arabian Internet and Communications Services Company (connue sous l'appellation Solutions by STC), lui permettant de lever 3,6 Md SAR (soit 966 M USD). L'entrée en bourse de Solutions by STC fait partie d'une série d'introduction sur la bourse Tadawul dont celle d'ACWA Power, valorisée à 1,2 Md USD

 

Bahreïn 
  • La situation économique du Royaume s'améliore selon le Cabinet : le nombre de permis de construction accordés sur la période janvier-août 2021 a augmenté de 18% par rapport à la même période en 2019, le taux d'occupation des hôtels 4 et 5 étoiles a augmenté de 48% en août 2021 en g.a., les exportations hors-hydrocarbures ont augmenté de plus de 100% en août 2021 par rapport à août 2019.

 

Emirats arabes unis  
  • La Banque centrale des EAU (CBUAE) a mis à jour ses prévisions de croissance pour 2021. Elle s'attend désormais à avec une reprise de l’activité économique du pays de 2,1% cette année (contre une prévision de 2,4% précédemment), suivie d'une accélération de 4,2% en 2022 (3,8% précédemment). La CBUAE anticipe également une reprise du secteur hors-hydrocarbures à 3,8% en 2021, et 3,9% en 2022, identiques à ses prévisions initiales. Le Prince héritier de l’émirat de Dubaï, Sheikh Hamdan bin Mohamed bin Rashid al Maktoum, a également partagé ses prévisions pour l'émirat de Dubaï avec un rebond de l’activité de 3,2% en 2021, puis 3,4% en 2022. Il estime que l’émirat a fini de surmonter la crise Covid.
  • Les importations saoudiennes depuis les EAU ont diminué de 33% au mois de juillet 2021 (en glissement mensuel), pour atteindre 817 M USD. En glissement annuel, les importations ont diminué de 6%. Les EAU restent le troisième fournisseur de l’Arabie saoudite après la Chine et les Etats-Unis. Pour rappel, l’Arabie saoudite avait annoncé en juillet 2021 plusieurs changements sur ses règles d’importations depuis les pays du CCEAG afin d'exclure des concessions tarifaires préférentielles les produits fabriqués dans des zones franches ou utilisant des intrants israéliens. La mesure concernait également tous les biens produits par les entreprises employant une main d’œuvre locale inférieure à 25% de l’effectif total, ainsi que les produits industriels dont la valeur ajoutée réalisée localement est inférieure à 40%. 
  • Les EAU prévoient de signer un partenariat avec l'Inde (Comprehensive Economic Partnership Agreement) d'ici la fin de l'année 2021. Les deux pays aspirent à augmenter de plus de 70% leurs échanges commerciaux bilatéraux pour atteindre 100 Md USD cinq ans après la signature. L'Inde est déjà un partenaire commercial majeur des EAU, arrivant à la troisième place derrière la Chine et les Etats-Unis, avec des échanges bilatéraux s'élevant à 60 Md USD. Les principales importations des EAU en provenance d'Inde sont les perles fines, l'huile brute de pétrole, et les postes téléphoniques. Les principaux biens exportés par les EAU à destination de l'Inde sont les diamants, l'or et du fer. 
  • Les EAU ont enregistré un taux d’occupation des hôtels de 62% au S1 2021, surpassant dix autres grandes destinations touristiques mondiales, notamment la Chine (54%), les États-Unis (45%), le Mexique (38%), le Royaume-Uni (37%) et la Turquie (36%). Attirant près de 8,3 M de clients au cours de cette période (+15% par rapport au S1 2020), les établissements hôteliers ont enregistré une croissance de +31% de leurs revenus pour atteindre 11,3 Md AED (3,1 Md USD). Le tourisme domestique a représenté 30% du nombre total de clients. En 2016 (dernière date disponible), le tourisme représentait 5,2% du PIB du pays.

 

Koweït 
  • Le Koweït serait en train de mettre en place un plan de restructuration de ses ministères et institutions publiques. Le gouvernement prépare une feuille de route pour la restructuration du secteur public en mettant l'accent sur l'économie à travers la refonte des structures organisationnelles et des politiques publiques de l'État. Le journal arabe Al-Qabas a publié les éléments les plus notables de la feuille de route, qui incluent la suppression de certains ministères et la fusion d'autres, et l'utilisation d'autorités indépendantes pour gérer les ministères qui seront abolis. La période de mise en œuvre de la transformation devrait être de un à quatre ans, soit de 2022 à fin 2025. Parmi les réformes se trouvent la création d'un ministère de l'économie et du commerce, ainsi que d'un ministère de la jeunesse, de la culture et du tourisme, mais aussi la suppression du ministère d'Etat pour le logement.Selon les statistiques du gouvernement, environ 2 090 employés expatriés travaillant dans le secteur public ont été remerciés au cours des cinq derniers mois (de mars à août 2021)  tandis que 10 780 employés koweïtiens ont été nommés au cours de la même période. Pour remédier au haut taux de chômage des nationaux, le gouvernement koweïtien aspire à ce que l'ensemble des employés du secteur public soient koweïtiens. 

  • Selon la Banque centrale, le compte courant du Koweït a dégagé un excédent d'environ 1,6 Md KWD (environ 5 Md USD) au premier trimestre 2021, principalement soutenu par la hausse en valeur des exportations d'hydrocarbures. La banque a précisé que l’excédent a diminué d'environ 2 Md KWD  (environ 6,6 Md USD) par rapport à l'excédent enregistré au quatrième trimestre 2020, qui s'élevait à environ 3,6 Md KWD (environ 11,8 Md USD), soit une baisse de 56%.

  • Le gouvernement revoit actuellement tous les projets à coût élevé et dont la mise en oeuvre prend du temps, et reconsidère plusieurs d'entre eux afin de réduire les dépenses sur des projets qui ne sont pas conformes à la vision 2035 afin d'économiser 600 M KWD en 3 ans, dont 80 M KWD l'année suivante. La priorité annoncée au cours de la période à venir sera de mettre en œuvre des projets générateurs de revenus qui ont une valeur ajoutée pour l'économie nationale.

 

Oman 
  • Petroleum Development of Oman (PDO) a démarré la production de pétrole et de gaz sulfureux (sour oil and gas) au sein du nouveau complexe intégré Yibal Khuff. La production du site, situé à 350 km au sud-ouest de Mascate, pourrait atteindre à terme jusqu’à 5 millions de mètres cubes de gaz et près de 20 000 barils par jour. La production actuelle de pétrole d'Oman s'élève à 956 500 barils par jour.
  • D’après le ministère de l'Agriculture, de la Pêche et des Ressources en eau, la production de blé en Oman a augmenté de +19% en glissement annuel lors de la récolte 2021 pour atteindre 2 649 tonnes. La surface arable dédiée à la production de blé a dans le même temps progressé de +19,6%, à 991 hectares. 
  • Le montant des actifs détenus par les banques islamiques à Oman a progressé de +6,7% sur les sept premiers mois de l’année en glissement annuel pour atteindre 5,7 Md OMR (14,8 Md USD), soit 15,1% de l'ensemble des actifs du secteur bancaire omanais. 
 
Qatar  
  • Le Ministre qatarien de l’énergie Saad Al-Kaabi s’est rendu à la conférence Gastech qui se tenait à Dubaï du 21 au 23 septembre. Il s’agit de la première visite d’un officiel qatarien de haut rang aux Émirats arabes unis depuis le sommet d’Al Ula en janvier 2021 qui a marqué la reprise officielle des relations.
  • L’indice de la production industrielle a diminué de -6,3% en glissement annuel en juillet 2021. Ce résultat s’explique principalement par la baisse observée dans les industries extractives, qui comptent pour quatre cinquièmes de l’indice (-6.7% en g.a.).
  • L’opérateur téléphonique qatarien Ooredoo et la société basée à Hong-Kong CK Hutchison ont conclu un accord à 6 Md USD visant à fusionner leurs activités télécoms en Indonésie. Cette consolidation doit permettre aux deux compagnies de mieux faire face à la forte concurrence de ce marché, le plus important d’Asie du Sud-Est en nombre d’abonnés. La société issue de la fusion, Indosat Ooredoo Hutchison, devrait devenir, selon Ooredoo, le deuxième acteur des télécommunications mobiles en Indonésie, et dégager un revenu annuel d’environ 3 Md USD. Le PDG d’Ooredoo Aziz Fakhroo anticipe déjà des synergies annuelles post-fusion de l’ordre de 300 à 400 M USD sous trois à cinq ans. 

 

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