Afin d’attirer davantage d’IDE et d’accélérer leur diversification économique, les EAU ont modifié la réglementation concernant la participation au capital des entreprises par les étrangers hors des zones franches. Jusqu’ici limités à 49%, les investisseurs étrangers peuvent désormais détenir 100% du capital de leurs entreprises. Les annonces du gouvernement en la matière se succèdent mais les conditions d’application restent à préciser.

1. La compétition régionale pousse les Emirats à multiplier les annonces pour améliorer leur attractivité

Dans l’optique d’accélérer leur diversification économique, les Émirats tentent d’attirer davantage d’investisseurs. Classés 16ème par la Banque mondiale en termes de climat des affaires, les EAU ont accentué en 2020 leurs efforts pour être davantage attractifs (détention de 100% du capital, Golden visas, réformes du code civil pour les expatriés…). Plus récemment, les émirats de Dubaï puis d'Abu Dhabi ont annoncé des mesures pour améliorer leur attractivité en allégeant les frais ou procédures d’installation des entreprises[1].

Malgré leur position de destination favorite des IDE dans la Péninsule, les EAU doivent faire face à une concurrence régionale accrue, les grandes villes de la région aspirant à devenir elles aussi des hubs régionaux. Parmi ses voisins, le Qatar et l’Arabie saoudite ont également annoncé en 2019 des relâchements sur la contrainte de participation au capital pour les étrangers afin d’attirer plus d’investisseurs dans les secteurs prioritaires.

2. Les Emirats annoncent une nouvelle fois autoriser les investisseurs étrangers à détenir 100% du capital de leurs sociétés

En novembre 2020, le gouvernement des EAU a publié un décret fédéral[2] afin de libéraliser davantage les investissements étrangers. Celui-ci amende la loi en vigueur sur les compagnies commerciales qui soumettait les étrangers souhaitant investir dans le pays à la règle des « 51-49% » initialement introduite par la loi fédérale n°8 de 1984 (et amendée par la loi fédérale n°2 de 2015) en restreignant leur participation au capital à hauteur de 49% et en les obligeant à s’associer à un partenaire local.

Le nouveau décret étend au reste du territoire « continental » (mainland) la possibilité pour les investisseurs étrangers de détenir 100% du capital de leurs filiales, jusqu’ici réservée à la quarantaine de zones franches du pays. Ces dernières, créées à partir des années 1990 afin d’encourager les IDE, accordent, en plus de contourner la limite de participation au capital, de nombreux avantages financiers dont l’absence de droits de douane et la liberté de circulation des capitaux.

Le texte de novembre 2020 abroge un premier décret fédéral sur les IDE adopté en 2018[3] qui autorisait déjà la participation au capital des entreprises par les étrangers à hauteur de 100%, mais dans certains secteurs uniquement. Cette loi était conditionnée par une liste « positive » détaillant les 122 activités inclues dans treize secteurs. Une seconde liste dite « négative » recensait les treize secteurs où les investissements restaient soumis à la participation majoritaire d’un associé local, parmi lesquels se trouvaient notamment l’exploration et la production de pétrole, les activités militaires, les services bancaires et d’assurance. Elle a été complétée par des conditions supplémentaires telles que le capital minimum à investir, l’utilisation de nouvelles technologies, la contribution à la R&D ou l’emploi de nationaux dans le cadre de la politique d’émiratisation. Entrée en vigueur en mars 2020, soit deux ans après sa publication, cette loi n’a pas vraiment été appliquée.

Mais le décret de novembre 2020 comporte lui aussi des restrictions : les secteurs dits à impact « stratégique » resteront soumis à une participation restreinte. Ces secteurs-là ne sont pas encore précisés par le Cabinet des EAU et auraient dû l’être au mois de juin, période à laquelle la loi est en vigueur suite aux dernières annonces du gouvernement[4].

La mise en œuvre de la loi demeure du ressort des gouvernements locaux : la législation annonce la création de comités au sein des Départements économiques (DED) de chaque émirat pour implémenter le nouveau décret et moduler les potentielles restrictions supplémentaires. Pour l’instant, seuls les émirats d’Abu Dhabi, Dubaï et Ajman ont publié les modalités d’application du décret. Abu Dhabi a publié la liste des 1 105 activités où les étrangers seront autorisés à détenir la totalité du capital de leur entreprise. Le Département économique de Dubaï a également publié la liste des 1 000 activités concernées par la loi dans l’émirat et a indiqué qu’aucune contrainte supplémentaire de frais ou capital ne serait appliquée pour les investisseurs étrangers détenant 100%. Enfin, Ajman a approuvé la liste d’environ 1 000 activités, sans publier le détail de celle-ci.

En l’absence de publication d’une liste « négative » des secteurs stratégiques mise à jour, il convient de considérer que toute activité qui n’est pas dans ces listes positives n’est pas éligible au 100%.

Selon le Département économique de Dubaï, plusieurs entreprises avaient déjà pu profiter de la nouvelle loi quelques jours après l’entrée en vigueur du décret. Enfin, à Dubaï comme à Abu Dhabi, les Départements économiques ont précisé que les sociétés existantes et actuellement en partenariat avec un actionnaire local auront la possibilité de modifier leur statut sous certaines conditions.



[1] A Dubaï, le prince héritier a annoncé début juin 2021 la réduction de 30% des procédures pour les entreprises, sans détailler celles-ci. Quelques semaines plus tard, fin juin, c’est au tour d’Abu Dhabi d’annoncer une baisse de 70% des conditions nécessaires à l’obtention d’une licence commerciale ainsi qu’une baisse de 90% des frais d’installation (pour atteindre 1 000 AED, soit environ 230 EUR) et la suppression de certains frais, essentiellement des frais d’enregistrement, d’inscription auprès de la chambre de commerce et des taxes municipales…

[2] Federal Law by Decree No. (26) of 2020

[3] Federal Law by Decree No. (19) of 2018

[4] La réforme devait entrer en vigueur six mois après sa publication en novembre 2020, soit avril 2021. Toutefois, le gouvernement a décalé sa mise en œuvre effective à juin 2021. Une partie du décret, concernant les changements administratifs/organisationnels (entre autres, les sociétés souhaitant augmenter leurs actions par une IPO peuvent vendre 70% des parts, contre 30% auparavant, ou encore le passage de 25% à 10% du pourcentage minimum de part à détenir pour demander la tenue d’une assemblée, etc.) est effective depuis janvier 2021.

 

Annexes

Système économique avant la mise en place du décret de 2020 sur les compagnies commerciales

 

Mainland

Zones franches

 

 

Zones franches commerciales

Zones franches financières

Régulateur

Département économique de chaque émirat (DED)

 

DIFC

ADGM

Législation

Loi sur les compagnies commerciales

Règles propres aux 45 zones franches

Lois propres au DIFC (basées sur la Common Law)

Lois propres à ADGM (basées sur la Common Law)

Règle en vigueur pour les investisseurs étrangers

51% participation nationale / 49% participation étrangère

Possibilité de détention du capital par un étranger à 100%

Zone d’activité

Activités aux EAU/ à l’étranger sans restriction mais nécessite un partenaire local

Activités au sein de la zone franche, et nécessité d’avoir un partenaire local pour les activités en Mainland ou à l’étranger

Activités au sein de la zone franche