Les logements sociaux sont une composante essentielle du parc résidentiel néerlandais et ciblent historiquement une population très étendue. Depuis les années 1980-90, l'offre locative sociale a néanmoins stagné et s'est même contractée dans les années 2010. Le ciblage croissant du public éligible aux logements sociaux n'a pas permis de réduire la tension sur le marché, dans un contexte de hausse des prix immobiliers alimentée par une pénurie croissante de logements et des incitants fiscaux à l’achat relativement généreux. L'OCDE a formulé en 2020 des recommandations préconisant une réduction de la proportion de logements sociaux dans le parc immobilier ; elles ont été pour parties suivies par le gouvernement néerlandais, mais certaines tensions persistent sur ce marché.

 

Aux Pays-Bas, le parc de logements sociaux s’est réduit à la faveur d’une importante réforme de la politique du logement social dans les années 1980.

Aux Pays-Bas, le parc social représente 34,1 % du parc résidentiel, et compte 2,7 M de logements sociaux (OCDE, 2020). Les Pays-Bas se distinguent des pays de l’OCDE par un marché du logement dual, à la fois marqué par une forte part de logements réservés à la propriété (près de 60 % de l’ensemble du parc) et une forte proportion de logements sociaux locatifs. Ces derniers sont définis comme des logements régulés dont le loyer doit rester inférieur ou égal à un niveau dit « abordable »,  fixé à 752,33 € en 2021. Les Pays-Bas ont le parc de logements sociaux le plus étendu en Europe. Quant au parc locatif privé, sa part n’a cessé de diminuer, passant de 60 % en 1947 à 7 % aujourd’hui. Cette structure est l’héritage d’une intervention publique traditionnellement forte sur le marché du logement, initiée par la Woningwet (Loi relative au logement) de 1901. Les dispositions de ce texte ont notamment permis la constitution d’une offre locative sociale importante au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, puis, à partir des années 1970, la stimulation d’une offre locative abordable, à la fois en location et en accession, par un système de subventions publiques. 

Depuis le début des années 1980, le  gouvernement néerlandais soutient activement  l’accession à la propriété privée et amorce une réduction progressive de cette spécificité nationale de fort soutien aux bailleurs sociaux. Favorisant l’indépendance financière des bailleurs sociaux (coopératives d’habitat, ou woningcorporaties). Le gouvernement néerlandais a cessé progressivement de les financer, limitant leurs recettes aux loyers et à la cession de leur parc de logements. Le gouvernement néerlandais a également mis en place, en 2013, une taxe sur le logement social (Verhuurderheffing, générant 2 Mds€ de recette annuelle). Au bilan, le rythme annuel de construction de nouveaux logements sociaux par les woningcorporaties a été divisé par 2,5, passant de 34 000 en 2010 à 14 000 en 2018 (données Aedes). Durant la dernière décennie, le nombre d’habitations vendues ou démolies par le secteur social a excédé le nombre d’habitations construites et achetées, de sorte que le parc social s’est contracté de 100 000 unités entre 2012 et 2018 (données OCDE), son poids relatif passant de 38 % à 34,1 %.

Dans son rapport périodique sur l'état de l'économie néerlandaise, paru en juin 2021, l'OCDE recommande de poursuivre la réduction de la part de l'offre sociale sur le marché du logement. L'OCDE promeut notamment le rétablissement d'un équilibre entre l'offre locative gérée par les coopératives d’habitat et le marché locatif privé, ce dernier étant particulièrement sous-développé aux Pays-Bas. Ce rééquilibrage passe non seulement par un ciblage accru de la population éligible au logement social, mais aussi par la réduction des incitations fiscales dont bénéficient les ménages propriétaires de leurs logements.

Malgré une politique de ciblage des publics éligibles, la contraction de l’offre de logements sociaux ne s’est pas accompagnée d’une réduction comparable de la demande.

Initialement accessible à tous les ménages sans condition de ressources, le logement social s’oriente depuis une dizaine d’années vers un modèle ciblé en direction des ménages vulnérables et à faible revenu. À ce titre, l’introduction en 2011 d’un plafond de revenu fixé à 33 000 € par ménage et par an (régulièrement réévalué depuis) a marqué un tournant dans la politique du logement social. Malgré cela, plus de la moitié de la population néerlandaise continue d’avoir accès aux logements sociaux, du fait d’assouplissements de la mesure, faisant passer ce plafond à 40 000 €. À noter également que 20 % des logements sociaux peuvent être attribués à des ménages avec un revenu supérieur.

En outre, depuis 2013, le revenu du ménage est davantage pris en compte dans le calcul du loyer. Auparavant, l’augmentation des loyers était indexée sur l’inflation. Depuis 2013, l’augmentation de loyer de chaque location tient compte du revenu total des locataires, afin d’inciter ceux dont le revenu dépasse le seuil d’octroi d’un logement social (les scheefwoners) à se tourner vers le marché privé, conformément aux recommandations de l’OCDE. Cette réforme a effectivement permis de faire diminuer le nombre de ménages scheefwoners, lequel a diminué de 75 000 en 2018, pour s’établir à 457 000, soit 17% du total des ménages occupant un logement social.

La demande de logements sociaux  demeure aujourd’hui  supérieure à l’offre disponible, notamment du fait de la hausse des prix à la vente et à la location sur le marché du logement. Évaluée à quelque 300 000 logements, la pénurie de logements qui touche le marché immobilier néerlandais implique une hausse des prix : les prix à la vente ont notamment crû de 12,9 % entre mai 2020 et mai 2021 ; les prix à la location sur le marché privé ont augmenté de 3 % entre juillet 2019 et juillet 2020 (données CBS). Cette hausse des prix maintient une pression le marché du logement social, si bien que les listes d’attente pour l’attribution des logements sociaux s’allongent. Au printemps 2021, le groupe audiovisuel public NOS a recueilli des données auprès de 212 municipalités et a établi que dans environ la moitié d'entre elles, le temps d'attente pour obtenir un logement social est supérieur à sept ans.

Pour contrer la pression immobilière actuelle, le gouvernement s’est engagé dans un programme de construction de nouveaux logements sociaux, par contraste avec la stratégie des précédentes décennies. Les woningcorporaties se sont vu accorder une réduction d'un milliard d'euros sur la taxe sur le logement social (verhuurderheffing) dont elles doivent s’acquitter chaque année, pour leur permettre de  construire 80 000 logements supplémentaires d'ici cinq ans. Ceci doit contribuer à répondre au besoin, estimé à 1 M d’unités, de nouveaux logements à construire d’ici 2030. Ces efforts semblent porter leurs fruits, puisque l’objectif annuel de 75 000 nouveaux logements (construction et changement d’affectation) a toujours été atteint depuis 2018.

En parallèle, les augmentations de loyers ont été temporairement plafonnées dans le secteur libre, et les expulsions suspendues, en accord avec les coopératives d’habitat. Les autorités ont introduit en janvier 2021 la suppression des droits de mutation (de 2% pour l'achat d'une résidence principale) pour les moins de 35 ans, contrebalancée par une hausse du taux acquitté par les investisseurs immobiliers (désormais de 8 %), créant ainsi une nouvelle incitation fiscale à la propriété. Le gouvernement prépare parallèlement une loi pour autoriser les municipalités à interdire localement les investissements locatifs pour une période de cinq ans.