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Zoom de la semaine : Situation économique et financière du Kirghizstan

Appartenant à la tranche inférieure des pays à revenu intermédiaire (PIB par habitant estimé à 1 146 USD en 2020 par le FMI), le Kirghizstan a connu la plus forte baisse d’activité parmi les pays de la zone CEI en 2020, aggravée par une crise politique consécutive aux élections parlementaires. Malgré une certaine résilience du pays au plan financier, permise notamment par le soutien des bailleurs de fonds internationaux, ses vulnérabilités ont été accentuées par la pandémie. Les perspectives de reprise demeurent incertaines alors que le bras de fer engagé par les autorités avec le principal investisseur étranger pèse sur le climat des affaires.

1/ Une économie faiblement diversifiée et vulnérable aux chocs externes. Le Kirghizstan a connu une croissance erratique au cours des 20 dernières années (voir figure 1). Sur cette même période, il affiche également le plus faible taux de croissance annuel moyen parmi les cinq pays d’Asie centrale à 3,8%[1]. Seule la période 2014-2019 a été marquée par une relative stabilité avec un taux de croissance annuel moyen à 4,5%.

Figure 1. Évolution du PIB (g.a.)

Graphique 1 

Cette évolution irrégulière de l’activité peut s’expliquer en partie par l’instabilité chronique caractérisant le système politique kirghize, marqué par trois révolutions en l’espace de 15 ans (2005, 2010, 2020). Le Kirghizstan présente une ouverture commerciale relativement importante (taux d’ouverture de 38% en 2020[2]) l’exposant à des chocs externes, notamment aux évolutions de la conjoncture économique en Russie. Peu diversifiée, l’économie kirghize est fortement dépendante des transferts de fonds des travailleurs à l’étranger, qui représentaient 2,4 Md USD en 2020[3] soit 32% du PIB, et des exportations d’or, qui se sont élevées à 1 Md USD en 2020 soit 13% du PIB (voir figure 2). 

Figure 2. Évolution des transferts de fonds et des exportations d’or en valeur absolue (Courbes ; EDG) et en % du PIB (Histogrammes ; EDD)

graph 2

2/ Un très fort recul de l’activité en 2020 résultant de la pandémie.  L’adoption précoce de mesures sanitaires restrictives, la fermeture de la frontière avec la Chine et la mise à l’arrêt partielle de l’économie lors des troubles politiques d’octobre ont conduit à un fort recul du PIB en 2020, en baisse de 8,6% en glissement annuel. La contraction de l’activité a affecté la plupart des secteurs, au premier chef le tourisme, l’industrie et les transports. La demande interne s’est également contractée, les ventes de détail ayant diminué de 15,4% en glissement annuel. 

La dégradation de l’activité s’est accompagnée d’une hausse rapide de l’inflation annuelle, qui s’est établie à 9,7% en 2020 contre 3,1% l’année précédente. Cette hausse résulte en grande partie de l’effet de transmission lié à la forte dépréciation du som, qui a perdu 19% de sa valeur par rapport au dollar au cours de l’année. Soucieuses de préserver la flexibilité du régime de change, les autorités monétaires sont néanmoins intervenues de manière ponctuelle sur le marché, vendant un total de 520 M USD en 2020 afin d’éviter une fluctuation excessive du som. La Banque nationale du Kirghizstan a également relevé son taux directeur d’un total de 225 points de base, entre le début de l’année 2020 et avril 2020, à 6,5%, alors que l’inflation continue d’augmenter (10,9% en g.a. mai 2021).

Les dépenses contra-cycliques engagées par les autorités en soutien de l’économie et de la population, estimées à 7,2% du PIB par le FMI, ont creusé le déficit public à 3,3% du PIB en 2020. La diminution de l’activité, l’augmentation du déficit public et la dépréciation du som ont provoqué un alourdissement de la dette publique de 16,5 points de PIB à 68%. Le compte financier du Kirghizstan s’est également dégradé : les flux entrants d’IDE ont diminué de moitié en glissement annuel à 538 M USD, tandis que les flux sortants ont augmenté de 40%.

Le Kirghizstan a néanmoins fait preuve d’une certaine résilience. Le solde courant, excédentaire à hauteur de 4,5% du PIB, a bénéficié de la forte baisse des importations (-26,2% en g.a.), tandis que le niveau d’exportations s’est maintenu (- 1,1% en g.a.) grâce à un cours de l’or à la hausse. Les transferts de fonds des travailleurs ont connu un fort effet de rattrapage en fin d’année permettant de les maintenir au niveau de l’année précédente. Enfin, les réserves internationales du pays ont diminué de manière peu significative, de 6,5 à 6,2 mois d’importations, grâce au soutien des bailleurs de fonds internationaux. Le niveau de dette publique, bien qu’élevé, est jugé soutenable à moyen terme par le FMI.

3/ Des perspectives de reprise encore incertaines.  Les prévisions d’activité en 2021 sont relativement modestes : selon le FMI, le PIB devrait croître de 3,8% en 2021, puis de 6,4% en 2022. Sur janvier-mai 2021, la demande a enregistré un léger rebond, les ventes de détail ayant augmenté de 7,8% en g.a. Du côté de l’offre, l’industrie affiche également des signes de reprise, mais demeure entravée par les mauvaises performances du secteur minier. La production industrielle a ainsi crû de 15,3% en janvier-mai en g.a. en excluant la mine de Kumtor, mais a reculé de 9,7% en comptabilisant cette dernière. Alors qu’elles avaient joué un rôle d’amortisseur en 2020, les activités d’extraction minière contribuent négativement à l’évolution de l’activité depuis le début de l’année : sur janvier-mai, le PIB a reculé de 1,6%, mais est en hausse de 3,5% en excluant Kumtor.

A moyen terme, la reprise de l’activité au Kirghizstan reste compromise par la lenteur de la campagne de vaccination, alors que 1,5% de la population seulement avait reçu au moins une dose de vaccin au 23 juin 2021. Le contentieux judiciaire relatif à la mine de Kumtor, placée sous administration temporaire par les autorités kirghizes en mai dernier après que son exploitant canadien – et principal investisseur étranger au Kirghizstan – a été accusé de violations de la législation environnementale, est suivi de près par les institutions financières internationales et les partenaires du pays. Ainsi, le FMI a appelé à une résolution rapide du contentieux, soulignant le risque de dégradation du climat des affaires et de perturbation de la production d’or.

 

[1] Ce taux s’élève à 6,1% pour le Kazakhstan, 6,3% pour l’Ouzbékistan et 7,5% pour le Tadjikistan.

[2] 28% pour le Tadjikistan, pays le plus proche du Kirghizstan par la taille et les caractéristiques de son économie.

[3] Transferts entrants, provenant à 98% de Russie.