Mentionné 40 fois dans le budget 2021, l’hydrogène connait un intérêt certain au Canada alors que le pays a révisé dernièrement ses engagements en faveur de la lutte contre le changement climatique. Fort de ressources naturelles abondantes et diverses, le gouvernement souhaite s’appuyer sur l’ensemble des moyens à sa disposition pour produire de l’hydrogène renouvelable et bas carbone. Les autorités ont ainsi confirmé leur soutien à la filière dans le cadre du budget pour 2021.

1/ L'hydrogène, un moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre

L’hydrogène a été identifié par les autorités canadiennes comme un des moyens pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Environ la moitié des émissions de GES canadiennes, parmi les plus importantes du monde (5e pays émetteur par habitant, et 1er parmi les pays du G7), sont associées à la combustion de carburants comme l’essence, le diesel, le gaz naturel ou le kérosène. Leur remplacement par des carburants bas carbone revêt ainsi un enjeu important pour atteindre l’objectif de réduction des GES d’ici 2030, revu récemment à 40-45% par rapport au niveau de 2005. Selon le gouvernement canadien, l’hydrogène pourrait répondre à 30% de la demande d’énergie d’ici 2050 et ainsi représenter un atout vers la neutralité carbone.

Dans le cadre de la stratégie fédérale publiée en décembre 2020 (voir Annexe 1), les autorités canadiennes avaient déjà annoncé la couleur : ils n’en privilégieront aucune. Si le Canada produit déjà 3 millions de tonnes d’hydrogène par an, il est majoritairement gris. L’objectif du gouvernement est de produire de l’hydrogène renouvelable et bas carbone. Ceci générerait 50 Md CAD (33 M€) de revenu annuel et permettrait de créer 350 000 emplois. Les autorités espèrent ainsi se baser sur l’important secteur énergétique existant (900 000 emplois) et sur les capacités de chaque province (hydroélectricité au Québec et Manitoba, nucléaire et énergies renouvelables en Ontario et dans les provinces atlantiques, gaz naturel et pétrole brut en Alberta et Saskatchewan). Cette volonté de ne pas se concentrer uniquement sur l’hydrogène renouvelable repose à la fois sur l’accès canadien aux diverses et nombreuses ressources naturelles, mais aussi sur leur coût.

2/ Entre hydrogène bleu et vert, pourquoi choisir quand on peut faire les deux ?

Le Canada bénéficierait en effet d’un des plus faibles coûts de production d’hydrogène renouvelable et bas carbone au monde. Selon une étude du Transition Accelerator, la production d’hydrogène renouvelable serait ainsi la moins coûteuse au monde : le procédé via électrolyse permettrait un coût entre 2,5 et 5 CAD/kg d’hydrogène. Selon la même étude, la production d’hydrogène bas carbone via gaz naturel associée à un procédé de capture, d’utilisation et de stockage du carbone (CUCS) serait la seconde moins coûteuse au monde après la Russie, avec un coût de production compris entre 1,5 et 2 CAD/kg d’hydrogène (voir Annexe 2).

Porté par son potentiel hydroélectrique, le Québec pourrait être un leader de l’hydrogène renouvelable. Air Liquide a ainsi inauguré en janvier 2021 la construction du plus grand électrolyseur au monde : d'une capacité de 20 MW, cette unité produit jusqu’à 8,2 tonnes d‘hydrogène renouvelable par jour et permet d’éviter l’émission de près de 27 000 tonnes de CO² par an, soit les émissions d’environ 10 000 voitures.

L’idée de produire de l’hydrogène « bleu » via gaz naturel, couplé à des techniques de CUCS est également tentante. La province de l’Alberta dispose en effet de ressources de gaz naturel en abondance, à un coût particulièrement faible (45% de moins qu’aux Etats-Unis). Les autorités d’Alberta, où sont produites aujourd’hui 5000 tonnes d’hydrogène sur 8000 au total au Canada, souhaitent décarboner la production en s’appuyant, comme annoncé dans leur stratégie sur le gaz naturel d’octobre 2020, sur leur filière CUCS particulièrement développée : l’Alberta abrite actuellement quatre sites représentant une capacité de stockage de carbone de 6,5 à 7 Mt/an, soit entre 15 et 17,5% des capacités mondiales. Un nouveau projet de production d’hydrogène bleu a été annoncé début juin : d’une valeur d’1,3 Md CAD (880 M€), financée en partie par les autorités publiques, le site devrait produire quotidiennement 1500 tonnes d’hydrogène à partir de gaz naturel, en enfouissant 95% du carbone dans le sous-sol. L’hydrogène liquide produit pourrait permettre de fournir l’ensemble des agences de transport de la province.

Quel que soit le moyen de production de l’hydrogène, son utilisation finale restera la même. Au Québec comme en Alberta, aujourd’hui les deux provinces où le secteur semble se développer le plus avec la Colombie- Britannique où sont présents certains acteurs majeurs de la filière, les principales applications envisagées tournent autour de la mobilité lourde (train, bus, camion), de la décarbonation de l’industrie et de la production de biocarburants. Un premier hub, financé par les autorités fédérales, provinciales et municipales, a ainsi été lancé en Alberta en avril 2021 afin de réunir l’offre et la demande, regrouper l’ensemble des acteurs de la filière et ainsi atteindre une masse critique nécessaire au lancement des projets, pour le moment encore peu rentables.

3/ Le gouvernement confirme son soutien à la filière dans le budget proposé pour 2021

Le gouvernement a confirmé son soutien à la filière annoncé à l’occasion de la stratégie fédérale de décembre 2020. Le gouvernement a ainsi proposé la création d’un Fonds pour les Carburants Propres de 1,5 Md CAD (1 Md€) sur 5 ans pour soutenir la production et la distribution de carburants à bas carbone et zéro-émissions, notamment l’hydrogène. Les projets liés à l’hydrogène pourront aussi solliciter des fonds auprès de l’Accélérateur Net Zero, qui a été abondé de 5 Md CAD (3,5 Md€) supplémentaires sur 7 ans dans le budget 2021, en plus des 3 Md CAD (2 Md€) annoncés lors du lancement de l’initiative en décembre dernier.

Les autorités ont également annoncé de nouvelles mesures. Le gouvernement propose ainsi de réduire de 50 % l’imposition générale des sociétés qui fabriquent des technologies à zéro émission, dont l’hydrogène vert. La production d’hydrogène par électrolyse de l’eau a également été ajoutée à la liste des équipements admissibles à un incitatif fiscal créé en 2018 en vue d’encourager les entreprises à investir dans la production d’énergie propre. Le gouvernement propose de plus la création d’un crédit d’impôt à l’investissement dans les projets de CUCS dès 2022, avec l’objectif de réduire les émissions de 15 mégatonnes de CO² par an : si les détails de cette mesure sont précisés après une consultation à venir, les projets d’EOR (Enhanced Oil Recovery ou récupération assistée de pétrole, technique utilisant les GES pour extraire des hydrocarbures du sous-sol), qui concernent 3 des 4 projets CCUS au Canada, sont d’ores et déjà en dehors du champ d’application, contrairement au crédit d’impôt américain 45Q. Un budget de 319 M CAD (215 M€) a également été annoncé pour soutenir les activités de R&D et de démonstration des technologies de CUCS.