Disposant d’une très riche biodiversité marine, l’Indonésie possède un des plus importants potentiels touristiques marin et côtier, représentant également un fort atout économique. Toutefois, ces écosystèmes marins sont menacés par la pression touristique, une reprise du tourisme étant attendue d’ici 2023 ou 2024. Pour une meilleure durabilité, des politiques de gestion du tourisme sont mises en place, le tourisme restant une priorité du gouvernement avec plusieurs projets stratégiques en cours.

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Un tourisme marin déjà important et à fort potentiel en Indonésie

Le tourisme est une activité économique majeure de l’Indonésie. En 2017, d’après l’OCDE, le tourisme représentait 4,1% du PIB (environ 41,7 Md USD) et 12,7 millions d’emplois (10,5% des emplois).

Avec plus de 17 000 îles, 108 000 km de côtes et une très riche biodiversité marine (dont notamment 2,4 M ha de coraux, soit environ 10% des coraux mondiaux), l’Indonésie dispose d’un potentiel touristique marin considérable. Ainsi, la part maritime dans le tourisme en Indonésie est importante, avec d’après le Ministère du tourisme en 2016, 44% des visiteurs internationaux ayant entrepris au moins une activité de tourisme marin (activités de pleine mer comme les croisières, les sports nautiques et la plongée). Il est également estimé que les destinations côtières non urbaines représentent 29% des nuitées des touristes nationaux et internationaux et que le tourisme de récifs coralliens en Indonésie génèrerait annuellement 3,1 Md USD de chiffre d’affaires [1].

De nombreux risques remettent en cause le développement durable du tourisme

L’accumulation des débris marins et la pollution des milieux représentent une réelle menace pour la préservation de la richesse des écosystèmes marins et côtiers. En effet, l’Indonésie étant le 2e pays émetteur de déchets du monde en 2010, ce sont entre 200 000 à 550 000 tonnes de déchets, d’après des estimations récentes de la Banque mondiale et du gouvernement (une étude plus ancienne avance néanmoins des chiffres supérieurs, entre 0,48 et 1,29 M tonnes par an en 2010 [2]), qui sont émises dans l’océan chaque année [3]. Cette pollution, néfaste pour la biodiversité et la qualité des écosystèmes, peut également être négative pour l’image du pays et l’attrait de celui-ci par les touristes.

L’augmentation forte du nombre de touristes est un facteur de pression sur les écosystèmes (infrastructures, consommation d’énergie et d’eau, production de déchets, pollution des océans par les bateaux). D’après la Banque mondiale, le parc national Komodo est un exemple de cette pression, où le nombre de visiteurs internationaux a atteint 170 000 en 2018, contre 32 000 en 2009. Dans le même temps, la moitié des visiteurs ont déclaré avoir rencontré des débris marins et des récifs endommagés en 2017, contre 10% en 2009. Or lorsque la pression sur les écosystèmes est trop élevée, la fermeture de certains sites afin de permettre leur restauration peut être très coûteuse économiquement.

La crise de la Covid-19 a conduit à une baisse d’environ 85% des visiteurs étrangers, mettant à mal les acteurs du tourisme. En effet, alors que de 2017 à janvier 2020, plus d’un million de visiteurs étrangers arrivaient chaque mois en Indonésie, ce sont entre 110 000 et 165 000 visiteurs étrangers, qui entrent par mois sur le territoire indonésien depuis mars 2020 [4]. Toutefois, même si les perspectives du tourisme mondial sont actuellement sombres en raison de la pandémie (l’Organisation Mondiale du Tourisme a estimé qu’il faudrait attendre deux ans et demi à quatre ans afin de retrouver le même niveau de tourisme international qu’en 2019 dans le monde), il est à noter que le tourisme a toujours rebondi en Indonésie après les diverses crises (attentats, catastrophes naturelles) que le pays a connues (bien que les temps et les profils de reprise varient). En raison de son important marché domestique, il est estimé que la reprise du tourisme sera portée par le tourisme local, les acteurs aériens indonésiens s’attendant à un retour à des niveaux pré-crise d’ici mi-2023.

Le réchauffement climatique, l’intensification des évènements météorologiques extrêmes et la montée des eaux représentent une menace pour les plages, les récifs coralliens et les côtes. Alors que plusieurs îles sont déjà menacées par la montée des eaux, environ 23 millions d’Indonésiens devraient être affectés par l’élévation du niveau de la mer d’ici 2050 [5].

Enfin, le besoin d’infrastructures et de services (accès à l’eau potable, traitement des eaux usées, gestion des déchets, accès à l’électricité etc.) doit être comblé dans le pays pour permettre un développement du tourisme de qualité. De même, l’intégration de pratiques plus respectueuses de l’environnement dans les infrastructures touristiques doit permettre de valoriser la qualité du tourisme et l’expérience de voyage, ce qui représente un défi face à l’objectif d’accroissement du tourisme et des aménagements liés. Au niveau national, 18% de la population indonésienne avait accès à l’eau courante en 2017, 11% avait accès au réseau d’égouts [6] et moins de 50% des déchets étaient collectés. Toutefois, il existe une grande disparité d’accès aux services de base entre les zones rurales, les zones urbaines et selon les provinces. Par exemple, sur l’île touristique de Lombok, 45% des habitants avaient accès à l’eau courante, en 2015, mais seulement 28% des déchets étaient collectés d’après la Banque Mondiale. Ainsi, dans le classement de 2019 sur la compétitivité du tourisme et des voyages du World Economic Forum, malgré le 17e rang occupé par l’Indonésie dans la catégorie des ressources naturelles, le pays occupe la 40e place du classement général (sur 140 pays classés) en raison de faiblesses dans les infrastructures de services touristiques (98e rang), l’hygiène et la santé (102e rang) et la durabilité de l’environnement (135e rang) [7].

Plusieurs programmes de développement sont menés par le gouvernement

Pour garantir la durabilité du tourisme marin et pour garantir la conservation des écosystèmes marins indonésiens, il est à noter l’initiative de frais d’accès à certaines aires protégées. En 2018, les visiteurs des cinq aires marines protégées de Raja Ampat, payant une redevance de services écosystémiques de 30 à 50 USD, ont permis de générer des revenus supérieurs à 2 millions USD, couvrant les coûts annuels estimés de gestion de l’aire marine protégée.

Une politique de développement du tourisme majeure menée par le gouvernement indonésien, dans son plan national de développement à moyen-terme (RPJMN) 2020-2024, consiste à développer 10 destinations prioritaires parmi lesquelles 7 sont des sites marins et côtiers. Le Ministère des travaux publics et du logement a ainsi prévu un programme d’investissement afin d’améliorer la qualité des services de base sur ces 10 destinations prioritaires. Toutefois certains de ces projets de « 10 nouveaux Bali » suscitent des inquiétudes sur les plans environnemental et social. C’est le cas notamment pour le projet Mandalika sur l’île de Lombok (construction d’un circuit de moto GP et d’infrastructures touristiques) pour lequel le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations Unies estime qu’il aurait entraîné des violations et abus des droits de l’homme sur les populations locales (expropriations forcées et menaces notamment), ou encore pour le projet de Labuan Bajo (notamment la construction d’un complexe touristique premium) dont plusieurs associations indonésiennes estiment qu’il pourrait entraîner des dégradations importantes pour l’environnement et la biodiversité.

 


[1] Spalding et al (2017), Mapping the global value and distribution of coral reef tourism - ScienceDirect

[2] Jambeck et al (2015), Plastic waste inputs from land into the ocean

[3] World Bank (2021), Oceans for Prosperity: Reforms for a Blue Economy in Indonesia

[4] Agence indonésienne de statistiques (BPS)

[5] Kulp, S.A., Strauss, B.H (2019) Author Correction: New elevation data triple estimates of global vulnerability to sea-level rise and coastal flooding, Nature Communications

[6] WHO/UNICEF (2019), Joint Monitoring Program for Water Supply, Sanitation and Hygiene (JMP) – Progress on household drinking water, sanitation and hygiene 2000-2017

[7] World Economic Forum (2019), The Travel and tourism competitiveness report 2019