Par sa position stratégique et sa croissance, l’Indonésie a un fort potentiel pour être un acteur majeur du transport maritime mondial. Ce développement se heurte au manque d’infrastructures, à des faiblesses logistiques et à une faible attractivité pour les investisseurs étrangers. Le développement de l’axe maritime reste une priorité du Président Jokowi, le gouvernement ayant poursuivi des programmes d'infrastructures et des réformes logistiques, avec le soutien des bailleurs dont l’AFD.

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Les difficultés du développement du transport maritime

Située à la croisée des océans Indien et Pacifique, l’Indonésie occupe un emplacement maritime stratégique, 40% du trafic maritime mondial traversant ses eaux. Cependant, en raison de plusieurs difficultés détaillées ci-après, le trafic international reste inférieur à son potentiel : en 2019, le trafic de conteneurs atteint 14,8 M TEU (+5% en ga), contre 38 M TEU (+1,6% en ga) à Singapour, 26 M TEU (+5% en ga) en Malaisie et 13,7 M TEU (+5% en ga) au Vietnam d’après les données de la Banque mondiale. Le port de Jakarta (Tanjung Priok) compte pour près de la moitié de ce trafic (6,8 M TEU en 2019), devant celui de Surabaya (Tanjung Perak) avec 20% du trafic (2,9 M TEU en 2019). Malgré la crise du covid-19, qui a surtout affecté le trafic au premier semestre 2020, le trafic conteneur a légèrement augmenté en 2020 (+2,3% en ga, illustration 1).

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Illustration 1 : évolution du trafic maritime de conteneurs dans les prots indonésiens

(Source : PT Pelindo I, II, III, IV. Les ports commerciaux indonésiens sont gérés par ces 4 entreprises publiques)

L’essor du transport maritime permettrait de faire du pays une plaque tournante du commerce mondial, de renforcer la compétitivité de l’économie indonésienne et de réduire les inégalités inter-îles mais il est encore freiné par le manque d’infrastructures, en particulier dans l’est du pays, ainsi que par le manque d’efficacité de la chaîne logistique. Il convient de noter que la situation s’améliore tout de même depuis plusieurs années. En effet, dans le classement Logistics Performance Indicators (LPI) de la Banque Mondiale [1], l’Indonésie passe de la 63e place en 2016 à la 46e place en 2018, enregistrant des progrès notamment pour la facilité d’organisation des échanges internationaux, la qualité des services logistiques, la traçabilité des cargaisons et le respect des délais. Cependant, des difficultés persistent dans l’efficacité des procédures douanières et la qualité des infrastructures (bien qu’en progrès), l’Indonésie restant moins bien classée que ses principaux concurrents en ASEAN (Singapour 7e, Thaïlande 32e, Vietnam 39e et Malaisie 41e). Des progrès restent à réaliser pour simplifier les relations entre les nombreux acteurs et améliorer les procédures opérationnelles dans les ports (notamment douanières) pour réduire les coûts et les délais logistiques. Enfin, malgré une amélioration de la connectivité du pays dans les réseaux maritimes internationaux de transport de marchandises (index LSCI) ces dernières années, l’Indonésie reste moins bien classée que ses principaux concurrents en ASEAN (illustration 2).

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Illustration 2 : Liner Connectivity Shipping Index (LCSI) de l’Indonésie et de ses principaux concurrents en ASEAN

Cet index traduit la connectivité du pays par rapport à son intégration dans les réseaux de transport maritime internationaux. Il agrège entre autres le nombre de mouvements de porte-conteneurs, la capacité embarquée par les navires, la taille maximum des navires pouvant être accueillis ou encore le nombre de transporteurs dans les différents ports. Il prend comme référence une base de 100 en 2004 pour la Chine.

(Source : United Nations Conference on Trade and Development, Banque Mondiale)

Le manque d'investissement dans les infrastructures portuaires s’explique aussi par les restrictions imposées aux investisseurs et opérateurs étrangers. L’investissement étranger dans le secteur portuaire est ainsi limité, les PPP dans le secteur portuaire sont encore jugés peu attractifs et le cabotage est réservé aux entreprises à capital indonésien majoritaire (y compris pour le transport de conteneurs vides). De plus, la multiplicité des acteurs indonésiens (ministères, opérateurs publics portuaires, autorités portuaires et compagnies nationales) peut compliquer le cadre réglementaire et l’attractivité pour les investisseurs étrangers.

Les perspectives de renforcement du secteur maritime

L’Indonésie a pour objectif de développer ses infrastructures portuaires (ajouts et rénovations) afin qu’elles soient plus intégrées dans les routes internationales et mène plusieurs projets en ce sens. Dans le cadre de son National Port Master Plan, le gouvernement a accompagné le développement d’une centaine de ports ces dernières années, dont notamment la modernisation et l’extension du port congestionné de Jakarta (phase 1 du New Priok Container Terminal (+1,5 M TEU de capacité) en service depuis 2016, deux prochaines phases en préparation), la modernisation du port de Makassar, la création du port en eau profonde de Patimban à Java Ouest (avec un financement de la JICA) et celle du port de Kuala Tanjung à Sumatra Nord. Afin d’améliorer la connectivité du pays, le programme d’autoroute maritime (visant à favoriser le développement de lignes domestiques vers les régions isolées de l’Est du pays) se poursuit, bien qu’il rencontre encore des difficultés en raison de la non-réciprocité des échanges depuis les régions les plus à l’Est notamment. Dans le plan de développement national à moyen terme (RPJMN 2020-2024), le gouvernement prévoit le renforcement de la connectivité nationale et le développement de l’économie maritime, dont le transport maritime, avec la modernisation de 24 ports stratégiques dont le renforcement de 7 hubs portuaires (Medan, Pontianak, Jakarta, Surabaya, Makassar, Bitung et Sorong) (illustration 3).

renforcement ports

Illustration 3 : programme du gouvernement pour le renforcement des ports principaux

(Source : plan de développement national à moyen terme (RPJMN) 2020-2024)

Le gouvernement poursuit des réformes pour améliorer la logistique. Il travaille notamment à la mise en place d’un guichet unique national (INSW), accélérée en raison de la crise covid-19. Un projet de fusion des quatre opérateurs publics portuaires (Pelindo) est en cours de discussion, ce qui permettrait de réduire les coûts logistiques, et renforcer et harmoniser la performance des ports, afin de créer un système plus intégré à travers le pays.

La loi omnibus pour la création d’emplois adoptée fin 2020 représente également une opportunité pour l’attractivité des investissements étrangers. Depuis plusieurs années, l’Indonésie a assoupli les conditions pour l’investissement dans les opérations portuaires (réduction des exigences de fonds propres notamment).

Une coopération franco-indonésienne existante mais à renforcer

L’AFD a financé deux tranches d’un prêt de politique publique avec d’autres bailleurs pour l’appui à la réforme logistique et portuaire. Ce programme, mené entre 2015 et 2019, a contribué à améliorer la performance des ports, la qualité des services logistiques et la facilité des échanges. Pour ce programme, l’AFD avait également mobilisé une expertise du Grand Port Maritime du Havre et de l’Institut Portuaire de l’Enseignement et de la Recherche.

Plusieurs entreprises françaises sont présentes dans le secteur. CMA-CGM est leader du marché international de conteneurs et développe ses activités de stockage et de logistique. Louis Dreyfus Armateurs fait partie de la joint-venture Sinarmas LDA Maritime, leader du transport domestique d’huile de palme, de nickel et de charbon, qui prévoit de développer ses activités de logistique et de services portuaires. Dans le secteur portuaire, Gaussin Manugistique a fourni des équipements de manutention électrique et contribué au plan de développement du port de Surabaya.

Les programmes de renforcement d'infrastructures portuaires, le développement de l’industrie navale indonésienne, de même que la sécurité et la communication maritime pour la réduction des accidents de navires peuvent représenter des opportunités de coopération pour les entreprises françaises.