Le commerce de détail a été fortement affecté par la pandémie de Covid-19 à compter du printemps 2020, en raison de la fermeture de certains établissements et des différentes mesures sanitaires mises en œuvre au Canada. Le secteur, fortement pourvoyeur en emploi (environ 12% de l’emploi total), a ainsi connu d’importantes pertes financières au cours de l’année 2020. Toutefois l’allègement des restrictions sanitaires et la hausse de la consommation ont permis un rebond rapide dès l’été 2020.

1/ Un secteur fortement pourvoyeur en emploi et relativement concentré

Le secteur de la vente de détail connaissait une croissance régulière avant le début de la pandémie de Covid-19, au printemps 2020. Selon l’enquête annuelle sur le commerce de détail (Retail Trade Survey 2019[1], StatCan), les ventes des commerces de détail avaient augmenté en moyenne de 3% par an entre 2015 et 2019, atteignant 636 Md CAD (435 Md €) en 2019. Le commerce de détail canadien s’appuie notamment sur la distribution alimentaire et les concessions automobiles, qui représentaient près de la moitié des ventes avant le début de la pandémie. Concernant la distribution alimentaire, le marché reste fortement concentré puisqu’en 2019 cinq enseignes (Loblaws, Sobeys, Metro, Costco et Walmart) détenaient près des deux-tiers des parts de marché[2]  (62%), tandis que les 7 000 établissements restants (en grande majorité des établissements indépendants avec de petites surfaces de vente) détenaient les 38% restants.

Au début de l’année 2020, le secteur de la vente de détail représentait une contribution d’environ 5% au PIB canadien (100 Md CAD / 67 Md €). Le secteur employait par ailleurs 2,2 M de personnes, soit plus de 12% de l’emploi total au Canada. Le secteur de la vente de détail était donc le deuxième secteur le plus pourvoyeur en emploi de l’économie canadienne, derrière la santé et l’assistance sociale[3].

2/ Un impact significatif de la pandémie sur les revenus et l'emploi du secteur 

La pandémie de Covid-19 a entraîné un brusque ralentissement de l’activité dans le secteur de la vente de détail au printemps 2020. Les ventes de détail au Canada ont ainsi été réduites de près de 33% entre février et avril 2020. Toutefois, le secteur a connu un rebond rapide, dès l’allègement des mesures restrictives (mai-juin 2020) ; les ventes avaient donc retrouvé leur niveau d’avant-pandémie dès le mois de juin 2020. Cela s’explique d’une part par un effet psychologique lié à l’allègement des mesures sanitaires, mais également par la forte accumulation d’épargne des ménages canadiens au cours du printemps 2020, permettant une reprise dynamique de la consommation dès l’été 2020. Des tensions ont également été relevées par les différents acteurs du secteur concernant les chaînes logistiques et d’approvisionnement, notamment en raison de l’engorgement des principaux carrefours commerciaux (ports, aéroports) qui ont entraîné un allongement des délais de livraison/transport, tandis que l’inflation constatée sur la plupart des matières premières depuis le début de l’année 2021 génère une incertitude supplémentaire.

Par ailleurs, l’effet à court-terme de la pandémie a été inégal selon le type de commerces. Les commerces alimentaires ont connu une forte hausse de leurs ventes durant les premiers mois de la pandémie (mars et avril 2020), en raison des achats de prévoyance réalisés par les ménages canadiens. Cet effet a également été observé – dans une moindre mesure - lors de la mise en place de nouvelles mesures restrictives au début de l’année 2021. À l’inverse, d’autres secteurs (notamment le secteur textile) n’ont pas bénéficié de l’effet de rattrapage observé à l’été 2020 et ont conservé un niveau de ventes durablement moins élevé qu’avant la pandémie. Les observateurs de ce secteur soulignent par ailleurs que la crise sanitaire devrait accélérer la polarisation du marché entre le segment « luxe/premium », axé sur l’image de marque et l’expérience client, et le segment « discount », forçant les acteurs de gamme intermédiaire à repenser leurs modèles d’affaires.

La pandémie a également eu un effet significatif sur l’emploi dans le secteur de la vente de détail. Le taux de chômage estimé dans le secteur, relativement faible au début de l’année 2020 (4%), a ainsi atteint 15% en mai 2020, avant de progressivement redescendre, suivant ainsi la tendance observée dans l’ensemble de l’économie canadienne. Toutefois, les nouvelles restrictions mises en place début 2021 ont à nouveau entraîné une forte hausse du chômage dans le secteur, qui s’est établi à 10% en janvier 2021. Dans sa dernière enquête sur l’emploi (avril 2021), Statistiques Canada soulignait que le commerce de détail était l’un des secteurs les plus affectés par les nouvelles restrictions mises en place dans la plupart des provinces, mettant en exergue une forte baisse de l’emploi dans le secteur en avril : - 84 000 emplois, un chiffre équivalent à celui relevé dans les secteurs de la restauration (- 59 000) et de la culture (- 26 000) réunis. L’ouverture contrôlée de certains commerces ainsi que le développement des solutions de « click & collect » ont toutefois permis de limiter ces destructions d’emploi.

Le secteur du commerce de détail a également pu compter sur le soutien financier des gouvernements fédéral et provinciaux. Les établissements ont ainsi bénéficié des programmes de soutien fédéraux tels que la Subvention salariale d’urgence, la Subvention pour le loyer ou encore la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE). Toutefois, les établissements de commerce de détail ont également bénéficié d’un soutien plus spécifique en raison des fortes contraintes financières qui se sont exercées sur eux depuis le début de la pandémie, notamment par l’intermédiaire du Programme de crédit pour les secteurs très touchés (PCSTT). Ce programme permettait aux établissements d’obtenir une garantie gouvernementale pour des crédits allant jusqu’à 1 M CAD (670 000 €), et pouvait par ailleurs être cumulé avec les programmes précédemment mentionnés. Les acteurs du commerce de détail estiment que si les vagues de fermeture ont pu être retardées grâce à ces dispositifs, leur arrêt programmé à la fin de l’année 2021 devrait faire apparaître de nouvelles difficultés d’ordre financier dès le début de l’année 2022.

3/ Un développement rapide du e-commerce amené à se poursuivre
 

La pandémie pourrait accélérer la modification des pratiques de consommation et ainsi engendrer des changements durables dans le secteur du commerce de détail. En effet, la fermeture des commerces et les restrictions sanitaires ont entraîné une augmentation rapide du e-commerce au Canada : celui-ci représentait seulement 4,5% des ventes en janvier 2020 contre près de 9,5% un an plus tard[1]. Certaines grandes enseignes (Walmart, Canadian Tire) disposaient déjà d’un service de commerce en ligne relativement développé et ont pu rapidement adapter leurs modèles aux circonstances sanitaires dès le début de la pandémie. Le Canada s’appuie également sur le développement rapide de la plateforme Shopify, qui souhaite se positionner en concurrent d’Amazon et dont les revenus ont plus que doublé entre le premier trimestre 2020 et le premier trimestre 2021 (de 470 M USD/389 M € à 989 M USD/818 M €). Les acteurs et observateurs du secteur s’attendent à ce que cette modification des comportements d’achats ait un caractère durable et entraîne donc une modification des modèles d’affaires de la plupart des commerces. En effet, la généralisation du commerce en ligne pourrait avoir des répercussions sur l’ensemble du secteur, avec une modification substantielle des espaces commerciaux : apparition de magasins « vitrines » au sein desquels le consommateur est conseillé puis invité à réaliser son achat en ligne, limitation des espaces de ventes au profit d’entrepôts strictement destinés au commerce en ligne. Enfin, l’inflation des loyers dans les grands centres urbains pourrait encourager les commerces (notamment les indépendants) à réduire les surfaces de vente et à orienter davantage leur développement vers la vente en ligne.