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En France comme en Europe, la valeur des investissements en capital-risque a quasiment triplé depuis 2015. Cet accroissement ne permet toutefois pas aux écosystèmes européens de rattraper les Etats-Unis, où les investissements en capital-risque se sont élevés à 156 Md$ en 2020, soit plus du triple des sommes investies en Europe. L’écosystème français poursuit sa croissance en 2021 : les startups tricolores ont déjà levé 5,1 Md€ sur les six premiers mois de l’année, après s’être distingué par sa résilience en 2020 (+7 % à 5,4 Md€, soit environ 6,5 Md$).

Chiffres clés (mis à jour le 4 octobre 2021)

> 5,1 Md€ levés par les startups françaises au S1 2021

> Après 5,4 Md€ levés sur l’année 2020

> 18 licornes (startups valorisées à plus de 1 Md$)

  1. La croissance depuis 2015 des investissements en capital-risque en France s’observe également en Europe, où le montant de l’investissement en capital-risque a quasiment triplé entre 2015 et 2020 selon le rapport State of European Tech d’Atomico (de 15,3 Md$ à 41 Md$). Le Royaume-Uni attire environ un tiers des capitaux investis en capital-risque, passant de 4,8 Md$ en 2015 à 12,5 Md$ en 2020 (voire 12,7 Md€, soit 15,5 Md$, selon EY).

  2. La France se distingue par l’augmentation constante des investissements en capital-risque depuis 2015 et le maintien en 2020 d’une dynamique positive (+ 7 % à 5,4 Md€, soit 6,5 Md$, selon le baromètre EY du capital-risque), ce qui lui a permis de se hisser à la deuxième place européenne, devant l’Allemagne (5,2 Md€, soit 6,3 Md$, en baisse de 14 % par rapport à 2019)[1]. Ces investissements en capital-risque dans les startups françaises ont progressé de 1,8 Md€ en 2015 à 5,4 Md€ en 2020 (5,0 Md€ en 2019), notamment grâce au déploiement du plan Tech qui a permis de préserver en 2020 cette dynamique de levées de fonds.

  3. La dynamique française s’accélère  sur les six premiers mois de l’année 2021, durant lesquels les startups tricolores ont levé 5,1 Md€ en capital-risque, selon les données de EY. Ces résultats sont notamment permis par les importantes levées de fonds terminées en mai par ContentSquare (500 M$ / 408 M€), Back Market (335 M$ / 276 M€), Shift Technology (220 M$ / 183 M€), qui ont par ailleurs permis à ces deux dernières startups d’accéder au statut de « licorne ». Au mois de septembre, les startups françaises ont levé le montant record de 2Md€.

    [Lire aussi : Capital-risque et développement des start-ups françaises - Trésor-éco N°276]

  4. Le Royaume-Uni conserve la première place européenne au S1 2021, avec 16,4 Md€ investis, dépassant les montants investis en 2020 (12,1 Md€, d’après EY). Sur cinq ans, ce sont près de 50 Md$  qui ont investis en capital-risque outre-Manche. Le poids des investisseurs étrangers, en particulier nord-américains, contribue certainement au dynamisme de l’écosystème capital-risque et startups britannique. Entre 2016 et 2020, plus de la moitié des capitaux provenaient de l’étranger pour les levées supérieures à 20 M$[2]. A noter que l’écosystème britannique connaît une forte spécialisation dans les start-ups du secteur financier (fintech), lesquelles ont levé 4,3 Md$ en 2020.

  5. A l’inverse, en France, les capitaux (19 Md$ investis entre 2016 et 2020) restent très majoritairement français pour les levées inférieures à 50 M$ et sont principalement d’origine européenne pour les levées de fonds plus importantes : 21 % pour la tranche 50-100 M$, 31 % pour la tranche 100-250 M$ et 80 % pour les levées supérieures à 250 M$. L’Allemagne (23 Md$ / 18,9 Md€ investis sur 5 ans) est également davantage ouverte sur l’Europe et les investisseurs étrangers sont majoritaires sur les levées supérieures à 5 M$.

  6. Le nombre de licornes tricolores a triplé en mois de trois ans, passant de 5 en 2018 à 18 en juillet 2021[3], soit une multiplication par six depuis 2015. La France a ainsi rattrapé l’Allemagne (5 licornes en 2015, 18 aujourd’hui), tandis que l’écart avec le Royaume-Uni persiste (15 licornes en 2015, 31 en 2021). S’agissant des introductions en bourse des startups, le Royaume-Uni et l’Allemagne apparaissent mieux positionnés que la France,  avec plusieurs « sorties » (« exits ») remarquables depuis 2015. A titre d’exemple, la capitalisation de l’Allemand Zalando était de 5,3 Md€ lors de son entrée à la Bourse de Francfort fin 2014 et elle dépasse désormais 22 Md€ ; en 2018, le britannique Farfetch a été valorisé 5,8 Md$ lors de son entrée au New York Stock Exchange. La Mission French Tech et Euronext ont donc annoncé fin 2020 un partenariat visant à accompagner les entreprises technologiques du programme La French Tech Next40 - French Tech 120 dans le financement de leur croissance par la Bourse. En juin 2020, la startup Believe est ainsi entrée sur la Bourse de Paris et est valorisée à 1,6 Md€.

  7. Malgré une dynamique positive depuis cinq ans, le développement du capital-risque en Europe ne peut être comparé avec les Etats-Unis, et reste inférieur aux investissements observés en Chine.Le niveau des investissements en capital-risque en Europe s’établit en effet à 41 Md$ en 2020, selon Atomico, tandis qu’ils ont atteint 145 Md$ outre-Atlantique et 57 Md$ en Chine, selon KPMG. Les start-ups américaines ont ainsi levé 52 % du total des levées dans le monde (20 % pour les start-ups chinoises, et 16 % pour les start-ups européennes). Les Etats-Unis comptent en outre près de 300 licornes, en excluant les startups ayant fait l’objet d’un rachat ou étant entrées en bourse. Ce décrochage européen s’explique par i) l’absence de fonds de pensions de taille critique, lesquels abondent largement les véhicules d’investissement en capital-risque dans les pays « anglo-saxons », ii) la relative aversion au risque des investisseurs institutionnels européens, qui investissent moins que leurs homologues américains dans le capital-risque, iii) la plus faible allocation de l’épargne vers le capital-risque, du fait de la législation prudentielle applicable au secteur des assurances (Solvabilité 2) en Europe.
  8. Il convient de noter que si la France ne compte aucune « décacorne » (startup valorisée à plus de 10 Md$) et que les scale-ups (startups à fort potentiel en phase d’accélération) tricolores lèvent moins de fonds que les startups européennes ou américaines[4], leurs chances de survie semblent néanmoins meilleures. Ainsi, dans le secteur de l’information et des télécommunications, qui concentre la majorité des startups, le taux de survie à trois ans est de 89,4 % en France (2ème en Europe), contre 66,2 % au Royaume-Uni ou 60,8 % aux Etats-Unis[5].

[1] A noter qu’EY ne comptabilise par ailleurs pas les 633 M$ levés par l’Allemand CureVac, du fait de son entrée en bourse en août 2020. Atomico évalue pour sa part à 5,5 Md$ les fonds investis dans les startups allemandes en 2020, tandis qu’ils ne seraient que de 5,2 Md$ pour la France.

[2] Entre 2016 et 2020, les investisseurs nord-américains ont fourni en moyenne 36 % des capitaux pour la tranche 50-100 M UDS, 48 % des capitaux pour les levées comprises entre 100 M$ et 250 M$ et 35 % des capitaux pour les levées supérieures à 250 M$, les investisseurs asiatiques étant majoritaires sur cette tranche (42 %). Source : Atomico.

[3] Pour mémoire, les dix-huit licornes françaises sont : Alan, Back Market, BlaBlaCar, ContentSquare, Deezer, Doctolib, Ivalua, Ledger, ManoMano, Meero, Mirakl, OVH Cloud, Shift Technology, Sorare, Veepee, Vestiaire Collective, Voodoo et IAD. Neuf d’entre elles ont émergé depuis le début de l’année : Vestiaire Collective, Alan, Shift Technology Back Market, Ledger, ManoMano, Sorare et IAD.

[4] Les 18licornes françaises sont désormais valorisées à 37 Md$, alors que les quatre licornes suédoises représentent 58 Md$ (Klarna étant à elle seule valorisée à 45 Md$), les 18 licornes allemandes 47 Md$ et les britanniques 132 Md$.

[5] Sources : Eurostat pour l’Europe, Business Employment Dynamics pour les Etats-Unis.


 Page publiée initialement le 4 juin 2021. Mise à jour le 19 août 2021, mise à jour le 4 octobre 2021.