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Zoom de la semaine : Situation économique et financière de l’Ukraine

L’Ukraine a été sévèrement touchée par la crise de la Covid-19. L’économie a toutefois montré une certaine résilience. Alors que le FMI prévoyait une baisse de 7,2%, le PIB a reculé de 4% en 2020.

1/ La crise de la Covid marque l’arrêt d’une phase de croissance démarrée en 2016. Depuis 2016, l’Ukraine a connu une croissance soutenue mais insuffisante pour permettre une convergence économique. La croissance ukrainienne a atteint 3,2% en 2019, marquant une quatrième année consécutive de progression du PIB , après +2,4% en 2016, +2,5% en 2017 et +3,3% en 2018. Le PIB de 2019 demeure toutefois nettement en deçà de son niveau de 2013 et les taux de croissance enregistrés ont été trop faibles pour permettre au pays d’enclencher une dynamique de rattrapage.

En 2019, comme au cours des trois années précédentes, la croissance a été d’une part tirée par la consommation avec des ventes de détail en hausse de 10,5% et une augmentation de la consommation finale des ménages de 7,9%. D’autre part, l’investissement en capital fixe était en hausse de 15,5%. Toutefois, rapporté au PIB, le poids de l’investissement reste structurellement faible à 14,5% en 2019, en retrait par rapport à la moyenne des pays de la zone CEI ou des pays émergents. Ce faible taux d’investissement s’explique notamment par le taux élevé de prêts non-performants, la faiblesse de l’épargne domestique, le manque d’attractivité du pays pour l’épargne internationale et une politique monétaire très restrictive jusqu’à mars 2020. En outre, l’embellie de la consommation observée en 2019 n’a pas permis de stimuler la production industrielle qui a enregistré une baisse de 1,8% en g.a. 

L’Ukraine a été sévèrement touchée par la crise de la Covid, aux plans sanitaire et économique. Au 21 mai 2021, environ 2,2 millions de cas de Covid-19 avaient été détectés et plus de 45 000 décès étaient attribués à la pandémie en Ukraine. Ce décompte est probablement incomplet, l’Académie des sciences ukrainienne estimant le nombre de décès supplémentaires pour la seule année 2020 attribuables à l’épidémie de Covid-19 compris entre 40 000 et 60 000.

Des mesures de soutien à l’économie ont été mises en place à partir de mars 2020 avec notamment : des exemptions d’impôts temporaires pour les entreprises, des suspensions de pénalités liées au non-paiement d’impôts, un programme de crédits à taux avantageux pour les entreprises, une suspension de loyer totale ou partielle pour les locataires de propriété d’Etat. Un plan de relance comportant 230 mesures dont l’application devrait s’étaler de 2020 à 2022 a été annoncé fin mai 2020 mais, faute de visibilité sur son application concrète, ses effets sont pour le moment difficiles à évaluer.

Disposant de marges de manœuvre, en réponse à la crise, la Banque nationale d’Ukraine (NBU) a très fortement réduit son taux directeur (de 500 points de base) entre mars et septembre 2020, le maintenant à 6% jusqu’en mars 2021. L’inflation est restée relativement contenue jusqu’à octobre 2020 (+2,6% en g.a.) puis a accéléré progressivement à partir de novembre pour atteindre +8,4% en avril 2021 en g.a., poussant la Banque centrale à rehausser son taux directeur à deux reprises – 50 points de base en mars et 100 points de base en avril – à 7,5%. Face à la crise, la NBU a également temporairement assoupli son cadre prudentiel

La Banque centrale a enfin été active sur le marché des changes, intervenant certains mois pour soutenir la hryvnia. La devise ukrainienne s’est dépréciée de 16% par rapport au dollar au cours de l’année 2020 et s’est légèrement réapprécié au début de l’année 2021. Les réserves de change de la Banque centrale, qui étaient en hausse de 8,5% en g.a. à 28 Md USD au 1er mai 2021, ont peu été affectées par ces interventions et couvrent actuellement plus de 4 mois d’importations.

Malgré la réaction des autorités, l’activité a tout de même été durement touchée par les mesures de distanciation et de la dégradation du contexte économique externe. L’investissement en capital fixe, point faible de l’économie ukrainienne, a reculé de 38,2% en 2020 en g.a. et ne représentait plus que 10,4% du PIB. La consommation, est toutefois restée solide, permettant de limiter les effets de la crise avec des ventes de détail en hausse de 8,4% en 2020 en g.a., sur fond de hausse des revenus réels de la population de 2,6% au cours de l’année. Autre facteur de résilience, l’importance du secteur agricole (9% du PIB en 2019) a permis de limiter le recul du PIB ukrainien grâce à une relativement bonne récolte et des cours céréaliers orientés à la hausse. Malgré la bonne tenue de la consommation, la production industrielle, qui était déjà en territoire négatif avant le début de la crise, s’est contractée de 5,2% en 2020 en g.a. 

Avec un recul de 4% en 2020, le PIB ukrainien a connu sa plus forte baisse depuis 2015 (année où l’activité avait reculé de 9,9%) mais a déjoué les prévisions nettement plus pessimistes du FMI (-7,2%) ou de la Banque nationale d’Ukraine (-6%) en 2020.

Pour 2021, le ministère du Développement économique prévoit une croissance de 4,6% mais les institutions financières internationales sont nettement moins optimistes, la banque mondiale prévoyant +3,8% et le FMI +3%. Une incertitude majeure pour la croissance en 2021 est la capacité du pays à vacciner sa population. Des difficultés de livraisons ralentissant la campagne de vaccination pourraient affaiblir la reprise. Au cours du premier trimestre 2021, le PIB a reculé de 2% alors que les ventes de détail ont progressé de 7,5%, tandis que la production industrielle diminuait de 2% en g.a.

2/ L’économie demeure très vulnérable au plan externe. Dans un contexte de crise et d’augmentation des dépenses, le déficit public a atteint 5,8% du PIB en 2020 contre 2,1% du PIB en 2019. De la même manière, la dette publique, qui avait diminué pour atteindre près de 50% du PIB en 2019, est repartie à la hausse et atteignait environ 55% du PIB prévisionnel au 1er avril 2021.

La dette pèse fortement sur les finances publiques ukrainiennes. Le service de la dette externe devrait atteindre environ 6 Md USD en 2021 (environ 4% du PIB prévisionnel) dont 4 Md USD de remboursement du principal. L’Ukraine conserve un accès aux financements de marché et émet régulièrement des euro-obligations, le coût de ces financements est cependant élevé[1].

Le déficit de la balance des biens, qui atteignait 14 Md USD en 2019 (environ 9% du PIB),  s’est réduit en 2020 à 4,9 Md USD (environ 3,3% du PIB) en raison de la contraction des importations (-11% en 2020 en g.a.), consécutive notamment à la chute de l’investissement sur fond de baisse contenue des exportations (- 1,7%). En outre, l’excédent de la balance des services s’est fortement accru du fait des moindres dépenses de voyage et de l'augmentation des exportations de services informatiques. En 2019, la dégradation du commerce extérieur avait été partiellement compensée par la progression des transferts de fonds des travailleurs résidents à l’étranger (+7,3%). En 2020, ces transferts, autre facteur de résilience, ont reculé de seulement 0,3% en g.a. à 11,3 Md USD (8% du PIB).  Au total, le solde des transactions courantes a été positif en 2020 pour la première fois depuis 2015. L’excédent a atteint 6,2 Md USD en 2020, soit 4,2% du PIB après un déficit de 4,1 Md en 2019. Cette embellie étant essentiellement liée à la baisse des importations des biens et services liée à la crise, dans un scénario de reprise, le compte courant ukrainien devrait retourner en territoire négatif.

Le retour du déficit du compte courant poserait à nouveau la question de son financement. Les flux d’investissements directs étrangers (IDE) entrants n’ont atteint que 2,5 Md USD en 2019 – 1,7% du PIB – alors qu’ils s’établissaient à 4,1 Md USD en 2013 et le FMI prévoit des flux d’IDE entrants équivalents à 1,8% du PIB annuellement jusqu’en 2023. Conséquence de cette structure de financement, le pays a accumulé une importante dette externe globale, qui devrait atteindre 93% du PIB en 2020 selon le FMI.

 



[1] Dernière émission le 30 avril 2021 : en USD avec maturité de 8 ans et rendement de 6,875%.