Avec 852 kms de côtes, le Nigéria a le plus long littoral d’Afrique de l’Ouest et la majorité de l’acheminement des marchandises se fait par voie maritime. Les activités sont partagées à concurrence de 2/3 à l’import (équipements industriels, pétrole raffiné, produits chimiques, denrées alimentaires) et 1/3 à l’export (composé à 80% de pétrole brut). Le marché du fret est ainsi estimé à 10 Mds USD par an. Sous l’impulsion de ses deux principaux ports, Apapa et Tincan, le pays mène aussi de vastes projets pour moderniser ses infrastructures et tenter de réduire leur congestion. Certaines entreprises françaises comme Bolloré et CMA CGM occupent une place stratégique sur ce marché.

 

Autorités et infrastructures

Autorités et régulation

Les activités maritimes sont placées sous l’autorité de la Nigerian Maritime Administration and Safety Agency (NIMASA). Cette agence régule le transport maritime et les activités côtières, mène des inspections, des sauvetages et assure la surveillance des eaux nigérianes. A ses côtés, la Nigerian Port Authority (NPA) est l’agence portuaire fédérale qui a se charge de la gouvernance et la gestion des opérations des 6 ports principaux. Elle opère en lien avec le Nigerian Shippers’ Council (NSC), organe fédéral en charge de la régulation économique du secteur des chargeurs au Nigéria.

Plusieurs lois encadrent le secteur dont le Merchant Shipping Act de 2007, qui a permis la création de la NIMASA et pose le cadre légal des pratiques marchandes : enregistrements, transferts, emplois…

Infrastructures nationales et concurrence régionale

En 2018, les ports nigérians ont accueilli 4 009 navires qui ont acheminé 73,2 millions de tonnes (Mt) de marchandises. Les activités se répartissent sur les 6 grands ports du Nigéria, dont les deux principaux sont à Lagos : Apapa et Tincan Island, opéré par Bolloré, concentrent près de la moitié des activités maritimes du pays (26% et 22% respectivement) et la majorité du fret. Ensuite, près de Port Harcourt se trouvent deux ports : Onne (36%), d’où s’exporte la grande majorité du pétrole brut nigérian et Rivers (5%), port de fret d’importance modeste. Viennent ensuite les ports de Warri (8%) à dominante commerciale et de Calabar (3%) dans l’Etat de Cross River.

Le Nigéria a un volume de transit plus faible que ses concurrents régionaux avec 1,2 M d’Equivalents Vingt Pieds (EVP[1]) annuels sur l’ensemble de ses ports dont 19 Mt de volume annuel à Apapa et 16 Mt à Tincan. Onne, plateforme d’exportation de pétrole brut chiffre à 26 Mt ses échanges annuels, dont 80% des volumes maritimes sortants du pays. S’agissant des importations, les ports du pays font face à un problème de congestion qui entraine parfois un report vers les pays voisins comme le Bénin et le Togo. A titre d’exemple, un conteneur à Apapa reste en moyenne immobilisé près de 30 jours, contre 12 à Cotonou. En 2018, la Banque mondiale classait le Nigéria 110ème sur 160 en terme de logistique[2]. A ce titre, Lomé occupe la première place régionale en containers avec 1,5 M d’EVP et 22,6 Mt échangées en 2019, tandis qu’Abidjan comptait 730 000 EVP et 26 Mt de fret en 2019. A l’échelle continentale, les pays d’Afrique de l’Ouest possèdent des infrastructures bien plus modestes que l’Egypte, l’Afrique du Sud ou le Maroc. Rapporté au niveau mondial, les ports d’Afrique comptent pour seulement 4% du tonnage total. 

 

Plusieurs projets structurants portés par des investisseurs privés 

Des projets portuaires ambitieux pour désengorger les ports d’Apapa et Tincan.

Le plus important projet portuaire actuel se trouve à Lekki au sein de la Lagos Free Zone (annexes 5 & 6), à 65 kilomètres de Lagos. La zone doit accueillir à partir de 2023 le premier port en eau profonde du pays pour un montant d’investissement de 1,3 Md USD, sur 90 hectares avec 3 quais conteneurs pour une capacité initiale de 1,5 M d’EVP, susceptible d’être à terme portée à 2,7 M. Ce projet est le fruit d’un partenariat entre la China Harbour Engineering Company (52,5%), le groupe singapourien Tolaram (22,5%), l’Etat de Lagos (15%) et la Nigerian Port Authority (NPA) à 5%. Le groupe chinois a obtenu la concession du futur port pour une durée de 45 ans. CMA CGM, via sa branche CMA Terminals, a obtenu la sous concession pour opérer le terminal à conteneurs.

A Onne, 10 M USD ont été investis en 2019 dans de nouvelles grues pour améliorer le terminal à container et prendre en charge une part plus importante du fret nigérian.

Dans l’Etat d’Akwa Ibom (Sud-Est), à Ibaka, un projet de port en eau profonde couvrant 2 565 hectares et estimé à 4,2 Mds USD est en phase d’étude. Un consortium composé du groupe Bolloré pour la gestion et de PowerChina International Group pour la construction a été sélectionné.

Dans le transport de passagers enfin, Lagos a mis en place au cours de l’année 2020 le Lagos Ferry Services (LAGFERRY) aujourd’hui composé de 14 ferrys accessibles au public autour de la lagune de Lagos. Cette activité espère toucher 480 000 passagers par jour et passer à terme à 30 dessertes.

Des projets structurants sont susceptibles d’avoir un impact sur le développement du secteur

Le Nigéria dispose à Bonny Island dans l’Etat de Rivers de 6 trains de liquéfaction de gaz et d’un septième actuellement en chantier, opérés par la société NLGN, qui devrait permettre une production annuelle de 30 millions de tonnes de gaz liquide d’ici 2024. Afin d’acheminer cette nouvelle production, le Conseil Exécutif Fédéral a validé la construction d’un port en eau profonde à Bonny Island pour un coût estimé de 462 MUSD. Le projet sera financé via un partenariat public-privé et doit permettre d’augmenter les capacités d’accueil pour les méthaniers. À l'échelle mondiale, le Nigéria était en 2018 le 5ème exportateur de GNL avec 6,5% de part de marché et le premier africain.

A Lagos, le groupe Dangote a également lancé la construction d’une usine d’engrais mais aussi le chantier de sa raffinerie à Lekki. Plus importante raffinerie du continent africain, d’un coût estimé à 15 Mds USD, elle devrait modifier le modèle des échanges d’hydrocarbures du pays en réduisant les exportations de pétrole brut et les importations de produits raffiné tout en permettant d’exporter des produits à plus forte valeur ajoutée. Prévue pour être opérationnelle en 2022, elle pourrait traiter 650 000 barils par jour, soit un tiers de la quantité aujourd’hui importée.

Un projet concurrent mené par le groupe BUA d’une capacité de 200 000 barils par jour devrait aussi voir le jour dans l’Etat d’Akwa Ibom (Sud-Est) et contribuer à doper l’activité du projet portuaire d’Ibaka.

 

Une présence française multiforme

Bolloré Africa Logistics 

La concession du principal terminal à conteneurs du port de Tincan (Tincan Island Container Terminal Ltd. – TICT) a été accordée en 2006 à un consortium formé de Bolloré Ports (52%) et d’un partenariat chinois (48%) constitué de China Merchants Holding International (CMHI) et China Africa Development Fund (CADF). Ce contrat a été signé pour une durée de 20 ans. TICT a consenti de lourds travaux d’aménagement afin d’améliorer les capacités du port qui dispose aujourd’hui d’un quai de 770 mètres et de 13,5 mètres de tirant d’eau ainsi que d’un parc de 24 hectares pouvant stocker 20 000 containers pour une capacité annuelle de 650 000 EVP. TICT emploie aujourd’hui plus de 600 personnes.

A noter que l’autre filiale du groupe français, Bolloré Transport & Logistics, achemine des marchandises par voie maritime (Apapa) mais aussi par voie aérienne et dispose de barges pour le transport local.

CMA CGM

Au Nigéria, CMA CGM est le 2ème opérateur sur le marché des conteneurs après le groupe néerlandais APT Terminals. En 2014, CMA CGM, via sa filiale CMA Terminals, a acquis auprès de l’opérateur philippin ICTSI 25% du terminal à conteneurs du futur port de Lekki dont elle a obtenu la sous concession pour le terminal conteneurs (cf « projets » supra). L’entreprise dispose de bureaux à Apapa, Onne ainsi qu’à Kano.

Piriou

Le chantier naval West Atlantic Shipyard appartenant au groupe breton Piriou emploie plus de 400 personnes. Situé à Port Harcourt, il construit principalement des navires d’assistance à l’industrie offshore mais répare et entretient aussi tous types de navires.

 Un secteur engorgé et un temps frappé par les conséquences de la Covid-19

Le principal frein au développement du secteur portuaire tient à l’engorgement dans la zone. Une multitude de causes y participent, dont certaines indépendantes des opérateurs portuaires car liées aux infrastructures routières et à l’absence de liaison ferroviaire d’accès aux ports.

Ainsi, le transport local au sein des ports et les frais de terminaux se montent en moyenne 2 055 USD à Lagos contre 285 USD au port de Tema au Ghana et 208 USD sur la plateforme de Durban en Afrique du Sud.

En outre, certaines lois encadrent les entreprises étrangères :

  • Le Nigerian Cabotage Act : en vigueur depuis 2003, prévoit pour les activités de transport domestique, et notamment d’hydrocarbures, que le vaisseau batte pavillon nigérian et appartienne à un Nigérian ;
  • Le Oil & Gas Industry Content Development Act, impose aux armateurs de passer par un représentant local du fournisseur étranger pour leur approvisionnement en hydrocarbures et de prendre en compte la part de contenu local lors de l’appréciation des réponses à leurs appels d’offres.

Enfin, La pandémie de Covid-19 a eu des effets négatifs sur le marché du fret dès le mois de février 2020, la fermeture des usines chinoises ayant ralenti les importations du premier partenaire commercial du Nigéria. En avril, l’imposition d’une quarantaine de 14 jours pour les navires à l’arrivée a entrainé une crise chez les transitaires et un allongement des délais de livraison. Fin avril, il fallait 50 jours pour sortir un container du port d’Apapa et 16 jours à Tincan. Le ralentissement des échanges et la diminution de 60% du fonctionnement des ports ont eu lieu dans un contexte d’augmentation des attaques de pirates au large des côtes du Nigéria.

Le redémarrage de l’économie chinoise a entraîné un début de reprise du trafic à l’importation à partir de septembre 2020 et un désengorgement progressif des flux de navires et de containers.

 

[1] L’EVP est l’appellation du container correspondant à sa taille standard (20 pieds = 6,1 mètres)

[2] Classement Logistic Performance Index, LPI, Banque Mondiale, 2018