Les implantations d’entreprises françaises reflètent mieux que nos exportations la réalité de notre présence au Nigéria

Au cours des dix dernières années, les ventes françaises au Nigéria ont été divisées par 2,5 alors que la part de marché de la France passait de 5,76% en 2010 à 1,79% au premier semestre 2020. Les causes principales de ce recul sont d’une part les effets du faible rebond de croissance qui a suivi la crise économique de 2015, d’autre part la structure de nos exportations tirées par des secteurs dont le développement est plus dépendant de facteurs exogènes que de la compétitivité de nos entreprises. Une autre explication à cette forte érosion réside dans l’augmentation importante du nombre des filiales françaises au cours de la première moitié de la décennie écoulée dont certaines produisent aujourd’hui localement ce qu’elles exportaient en partie depuis la France
Forte érosion de la part de marché française en 10 ans…

Des exportations françaises divisées par 2,5 … 

Nos ventes sur le plus grand marché d’Afrique de l’Ouest ont continuellement régressé depuis 2010. Totalisant 1,6 Md EUR au début de la décennie, nos exportations ont fondu de 63% sur la période à un taux annuel moyen de -10,5%. Il s’est ensuivi une importante érosion de notre part de marché divisée par plus de trois, passant de 5,76% en 2010 à 1,95% en 2020, alors que nos principaux concurrents résistaient mieux.

Sans surprise, compte tenu de la pandémie de COVID, l’année 2020 s’est achevée sur une nouvelle baisse de nos ventes (527 MEUR, -10,2%) toutefois moindre que celle anticipée au vu des résultats du premier semestre (192 MEUR soit -40,4%).

…en raison de la crise de 2015 et de la dépendance de nos ventes au secteur pétrolier dont l’évolution est liée à des facteurs exogènes… 

Principale explication de cette tendance, nos ventes de produits raffinés se sont fortement dépréciées entre 2014 et 2017, avant de se stabiliser à un niveau quatre fois moindre qu’au début de la décennie la crise économique de 2015, conséquence de la chute des prix du pétrole qui a lourdement touché le Nigéria et mis à l’arrêt de nombreux projets.

Par ailleurs, en l’absence de grands contrats privés et publics, nos exportations souffrent d’un manque de diversification et demeurent trop dépendantes de facteurs exogènes (évolution du prix du baril et pour les produits pétroliers raffinés, appels d’offre d’ONG pour les produits pharmaceutiques et équipements de santé qui ne profitent pas systématiquement à des entreprises françaises, cours des produits agricoles), quelle que puisse être la compétitivité de nos entreprises.

Selon les exercices, ces trois postes représentent entre 50% et 75% de nos livraisons d’où les très fortes amplitudes constatées d’une année sur l’autre. A titre d’exemple, en 10 ans le montant de nos livraisons de produits pétroliers raffinés a été divisé par 10, celui des produits agricoles par quatre alors que pour la seule période 2017-2019 les exportations françaises de produits pharmaceutiques en provenance de France étaient dix fois inférieures à celles enregistrées au début de la décennie.

 …alors que nos principaux concurrents semblent mieux résister aux assauts de la Chine.

La grande gagnante de cette érosion est la Chine dont la part de marché est passée de 18% à 27% en dix ans. Face à cette déferlante, nos principaux concurrents semblent avoir un peu mieux résisté avec des érosions marginales pour les Pays Bas et l’Italie, un peu plus fortes pour l’Allemagne et surtout les Etats-Unis dont la part de marché s’est presque réduite de moitié à 10,2%.

… mais doublement de notre stock d’IDE depuis 2010.

Autre raison pouvant expliquer en partie la baisse constante des exportations françaises au cours de la décennie écoulée, la forte progression de notre stock d’IDE qui à 9,7 Mds EUR en 2019 a enregistré un doublement en dix ans. Parmi ces investisseurs,  figurent plusieurs grands groupes qui se sont lancés dans la production locale (Lafarge, Schneider Electric, Air Liquide, Nexans, Vallourec, Sokoa Chairs et plus récemment Biogaran et Sanofi dans la pharmacie ou encore Danone dans les produits laitiers transformés) réduisant d’autant les achats de ces produits en France. Tous secteurs confondus, le Nigéria représente aujourd’hui près de 60% du stock d’investissement français en Afrique de l’Ouest et 17% du stock total sur le continent.

La France recense ainsi actuellement au Nigéria une centaine d’entreprises employant un peu plus de 10 000 personnes contre 57 avec des effectifs de 7 000 personnes en 2010. Sans surprise, le secteur dominant reste celui des hydrocarbures (Total pour l’exploration, l’exploitation et la distribution, Seplat) et des activités dérivées (Schlumberger, Ponticelli, Technip FMC, SPIE OGS, DBN Vinci…) devant l’agroalimentaire (Pernod Ricard, Moët-Hennessy, Danone, Servair Newrest…), le secteur des transports (CMA-CGM, Bolloré, Air France) et les services (assurances, recrutement, conseil). Il convient également de souligner le développement des investissements français dans le secteur de la santé avec les arrivées récentes de Biogaran qui a racheté un laboratoire local et de Cerba après la reprise du réseau de laboratoires d’analyse du sud-africain Lancet. En revanche et à l’exception de deux sociétés de microfinance et de la Fintech, nous ne recensons aucune banque française au Nigéria.

A signaler également, même si elles restent encore marginales, les initiatives de jeunes Français qui ont créé, avec succès, leurs start-ups au Nigéria.