La Banque du Canada confirme une nette amélioration des perspectives économiques au Canada (croissance de 6,5% attendue en 2021). La Banque a annoncé une réduction progressive des programmes de Quantitative Easing (QE), et pourrait envisager une hausse de son taux directeur dès le 2nd semestre 2022. Toutefois des incertitudes demeurent quant à l’évolution à court-terme de l’inflation, notamment dans des secteurs où des tensions sont apparues (matières premières, immobilier).

1/ Le Rapport de politique monétaire souligne l’amélioration des perspectives économiques

La Banque du Canada estime que les mesures budgétaires de soutien ainsi que l’avancée des campagnes de vaccination permettent d’anticiper une reprise solide de l’activité économique mondiale dès le milieu de l’année 2021. Ainsi, la croissance mondiale devrait s’établir à 6,8 % sur l’année 2021, soit 1,2 p.p. de plus que prévu il y a trois mois, notamment grâce à la forte croissance attendue aux Etats-Unis (7 %), en Chine (9,5 %), ou encore au sein de la zone euro (4,5 %). Les prévisions de croissance ont également été revues à la hausse pour le Canada à 6,5% au cours de l’année 2021 (cf Annexe 1), soit 2,5 p.p. de plus que dans le Rapport de janvier (et 0,7 p.p. de plus que l’estimation donnée par le gouvernement fédéral dans le Budget 2021). Cette reprise rapide de l’activité économique sera entretenue à la fois par la demande intérieure (cf Annexe 2), grâce notamment à l’épargne accumulée par les ménages canadiens au cours de l’année 2020, mais aussi par la demande extérieure, sous l’effet conjugué d’une reprise de la croissance mondiale, du plan de relance américain et d’une légère amélioration des termes de l’échange.

La Banque du Canada entend accompagner cette reprise en poursuivant sa politique monétaire accommodante au moins jusqu’au second semestre 2022. Le taux directeur de la Banque, abaissé à 0,25% au printemps 2020, ne sera ainsi pas modifié avant l’absorption des capacités excédentaires de l’économie canadienne, qui ne devrait pas intervenir avant le 2nd semestre 2022. Toutefois, la Banque a annoncé une réduction de l’ampleur de son programme d’assouplissement quantitatif (rythme d’achat abaissé de 4 Md CAD à 3 Md CAD par semaine), avec une réduction de la taille de son bilan déjà amorcée (475 Md CAD/316 Md€ en avril contre 575 Md CAD/383 Md€ début 2021, cf Annexe 5).

2/ Des incertitudes demeurent toutefois autour de l’inflation, notamment alimentée par les tensions observées dans les secteurs de l’énergie et de l’immobilier

La Banque centrale a souligné dans son rapport la hausse de l’incertitude liée à l’inflation. Celle-ci devrait en effet poursuivre l’accélération constatée depuis le début de l’année 2021 pour atteindre la borne supérieure de la cible élargie fixée dans le mandat de la Banque centrale (3%). Cette inflation est notamment entretenue par les prix de l’énergie, en augmentation depuis le début de l’année. La Banque du Canada relève que les indices pétroliers West Texas Intermediate (WTI) et West Canadian Select (WCS) sont supérieurs de 10 USD (8,3€) et 15 USD (12,5€) à ce qui était anticipé dans le rapport de janvier, principalement en raison d’une forte hausse de la demande (reprise de l’économie mondiale) combinée au maintien des restrictions d’offre. Cette hausse des prix de l’énergie, répercutée dans les prix de l’essence, contribue fortement à l’inflation canadienne. Le pétrole n’est d’ailleurs pas la seule matière première dont les cours augmentent. En effet, la Banque souligne une hausse de 7 % du cours moyen des métaux communs depuis janvier, tandis que le cours du gaz naturel ou encore des métaux précieux est également en hausse[1]. Il convient toutefois de préciser qu’une partie du phénomène d’inflation sur les matières premières s’explique par un « effet de base », c’est-à-dire que les chiffres en variation annuelle sont mécaniquement affectés par l’effondrement des cours survenus au printemps 2020.

            Des tensions inflationnistes sont également apparues sur le marché immobilier, notamment dans les zones suburbaines. Selon la Canadian Real Estate Association, l’indice des prix du logement a augmenté de 20 % depuis mars 2020, confirmant une tendance de fond alimentée par une forte demande depuis l’été 2020 et par une offre de logement limitée (à court-terme, l’offre de logement est relativement rigide, d’autant que la durée des chantiers s’est rallongée durant la pandémie). La Banque centrale soulignait par ailleurs dans un précédent rapport[2] que la population canadienne anticipait une hausse des prix du logement durablement supérieure à 2%, participant à la hausse tendancielle des anticipations d’inflation globale. Ces observations sur le marché immobilier ont conduit les principales institutions bancaires et financières canadiennes à prendre position sur d’éventuelles mesures de régulation du secteur immobilier, visant notamment à contrôler les phénomènes spéculatifs, à restreindre l’accès au crédit ou à mettre en place des dispositifs fiscaux sur les plus-values réalisées sur les résidences principales[3].

            Face à ces débats, la Banque du Canada estime que si l’incertitude autour de l’inflation a augmenté au cours des derniers mois, ces tendance à court-terme ne sont pas de nature à remettre en cause profondément sa politique et ne doivent pas conduire à l’ancrage d’anticipations d’inflation durablement élevée. En effet, la Banque centrale souligne que les anticipations d’inflation à moyen et long-terme sont restées proches de 2% durant toute la pandémie et que les tendances observées récemment ne devraient pas se poursuivre. La Banque rappelle que les perspectives d’inflation sont soumises à plusieurs risques, certains exerçant une pression à la baisse (3ème vague de Covid, augmentation de la production potentielle) et d’autres à la hausse (liquidation des excès d’épargne, hausse des coûts des matières premières, croissance américaine), mais que ces différents phénomènes restaient pour le moment équilibrés. Enfin, la Banque du Canada a souligné la pertinence d’une proposition faite par le régulateur bancaire fédéral (Bureau du Surintendant des Institutions Financières) pour tempérer la hausse des prix du logement, visant à durcir les stress test[4] auxquels sont soumises les banques pour simuler la résilience des emprunteurs face à une éventuelle hausse des taux.



[3] Cette mesure a notamment été évoquée par la banque BMO et reste moins consensuelle parmi les acteurs du secteur financier que les autres mesures précédemment citées.

[4] Dans le cadre des stress tests auxquels sont soumises les banques, celles-ci doivent faire la démonstration de leur solvabilité en cas de hausse des taux. Le régulateur bancaire utilise pour cela des scénarios avec des taux supérieurs au taux de marché de 2 p.p. ou bien un taux fixe de 4,75% si les taux de marché sont trop faibles. La mesure nouvelle prévoit ainsi la hausse de ce taux fixe minimal à 5,25%.