Le développement commercial de la 5G, débuté en 2020, devrait connaître une accélération au 2e semestre 2021, notamment grâce aux enchères de la bande 3,5 GHz qui auront lieu en juin 2021. Le gouvernement canadien concentre toutefois ses efforts sur le haut-débit, tout en s’efforçant de garantir une concurrence sur le marché permettant une baisse des prix. Par ailleurs, les autorités et les opérateurs favorisent le développement de projets industriels innovants liés à la technologie 5G..

1- Une accélération du développement commercial de la 5G appliquée à la téléphonie mobile prévue au 2e semestre 2021

Le développement actuel du réseau 5G demeure pour le moment fortement limité. L’exploitation commerciale de la 5G sur le territoire canadien a commencé en janvier 2020 par l’intermédiaire de l’opérateur Rogers. Bell et Telus, les autres principaux opérateurs canadiens, ont également lancé leurs services de 5G au cours de l’année 2020, suivis en fin d’année par Vidéotron, uniquement dans la ville de Montréal. L’opérateur le plus avancé (Rogers) revendique un accès possible au réseau 5G dans plus de 170 villes sur le territoire canadien, principalement en Ontario, au Québec et en Alberta. Selon l’association 5G Americas, le Canada serait ainsi le 6e pays dans le monde avec le plus de villes connectées à la 5G. Toutefois, il convient de souligner que ces opérateurs utilisent pour le moment des fréquences inutilisées de bandes existantes et initialement dédiées à la 4G (2,5 GHz pour Rogers, 1,7 GHz pour Bell et Telus), ainsi que la bande 5G de 600 MHz, relativement limité, qui avait fait l’objet d’enchères en 2019. La couverture géographique et la puissance des réseaux restent très limitées, tandis que la population n’est en majorité pas équipée d’appareils compatibles avec la 5G, les connexions servant majoritairement à des bancs d’essai.

Le développement du réseau 5G canadien devrait toutefois s’accélérer au 2nd semestre de 2021, grâce aux nouvelles enchères de la bande 3,5 GHz qui doivent avoir lieu en juin 2021, après avoir été reportées d’un an du fait du Covid-19. Les licences délivrées auront une durée initiale de 20 ans et seront assorties de conditions d’utilisation encadrées par le ministère de l’Industrie, des Sciences et du Développement Economique (ISDE). Par ailleurs, une tranche de 50 MHz sera réservée aux opérateurs de plus petite taille et opérateurs régionaux, afin de favoriser la concurrence face au « Big Three » des télécoms canadiens (Rogers, Bell et Telus). La concurrence est un des enjeux majeurs dans le secteur des télécoms pour le gouvernement canadien, qui s’est engagé en 2019 à faire baisser les prix de 25% d’ici 2022. Le rachat annoncé de Shaw, quatrième opérateur du pays, par Rogers pour un montant estimé à 26 Md CAD (17,3 Md€) a soulevé des inquiétudes quant à son effet sur l’état concurrentiel du marché, dans la mesure où il compromet en partie la stratégie du gouvernement dite du « quatrième joueur » visant à favoriser l’émergence d’un quatrième acteur sur le marché des télécoms : l’entreprise Shaw a annoncé début avril qu’elle ne prendrait pas part aux enchères 3,5 GHz.

 

2- Une stratégie gouvernementale orientée vers la couverture en haut-débit

            Si le gouvernement canadien entend favoriser le développement de la 5G sur son territoire, la priorité affichée dans le secteur des télécoms reste de relier l’intégralité de la population au réseau haut-débit. En effet, les contraintes géographiques (superficie, faible densité de population) entraînent d’importantes difficultés de connexion dans certaines régions. Le gouvernement canadien s’est ainsi donné pour objectif d’avoir 95% des foyers reliés au haut-débit (10 Mbps/50 Mbps) d’ici 2026, et 100% en 2030. Une large partie du territoire n’a donc probablement pas vocation à être reliée à la 5G, tant le coût au dernier kilomètre de l’infrastructure est élevé pour de très faibles densités de population. Le Canadian Wireless Telecommunication Association (CWTA) estime que le rattachement de l’intégralité de la population au haut-débit représenterait déjà un investissement de 30 à 40 Md CAD (20 à 27 Md€).

Pour concourir à cet objectif d’ici 2030, le gouvernement fédéral a lancé en 2019 un plan d’investissement dont l’enveloppe totale est estimée entre 5 et 6 Md CAD (entre 3,4 et 4 Md€), notamment par l’intermédiaire du Universal Broadband Fund. De plus, dans la mesure où les investissements dans le haut-débit filaire (fibre optique) ou les technologies sans-fil sont peu rentables dans les régions isolées, le gouvernement canadien envisage de s’appuyer sur des technologies alternatives, notamment les satellites à orbite basse (Low-Earth Orbit, LEO).

 

3- Les principaux enjeux liés à la 5G se situent dans les projets industriels

Les acteurs de pointe des nouvelles technologies de communication soulignent que si l’intérêt de la 5G reste limité dans le cadre de la téléphonie mobile, son déploiement dans de nombreux secteurs industriels pourrait entraîner une refonte des modes de production et d’importants gains de productivité. Les pouvoirs publics canadiens concentrent ainsi leurs efforts sur les projets applicatifs liés à la 5G, mettant à disposition des acteurs verticaux d’importantes ressources financières et techniques afin de favoriser l’innovation dans ces secteurs industriels. Les pouvoirs publics s’appuient notamment sur un réseau d’incubateurs et d’accélérateurs spécialisés dans les télécoms qui permettent aux entreprises et aux start-ups de tester leurs produits dans des conditions de marché. Parmi les projets bénéficiant d’un soutien public, il convient de mentionner ENCQOR (Evolution of Networked Services through a Corridor in Québec and Ontario for Research and Innovation), lancé en 2017, le CENGN (Centre of Excellence in Next Generation Networks), démarré en 2014 en Ontario, ou encore Area X.O., mis en place en 2018 dans la capitale fédérale, Ottawa, également capitale nationale des acteurs des télécoms.

Par ailleurs, les acteurs privés développent également des projets verticaux destinés à favoriser l’innovation industrielle grâce à la technologie 5G. Les principaux opérateurs s’associent notamment aux laboratoires de recherche des universités (Rogers avec l’université de Colombie-Britannique et l’université de Calgary, Telus avec l’université d’Alberta), mais mettent également leurs ressources à disposition dans des incubateurs tels que l’incubateur Communitech (Rogers) ou encore l’incubateur Zù (Telus). Ces différents projets permettent ainsi aux opérateurs d’être actifs dans le champ de la recherche fondamentale, mais de s’investir également dans des projets avec un but de commercialisation à plus court terme (3 à 5 ans).

 

Commentaire : si le Canada n'a pas fait de la 5G sa priorité sur la téléphonie mobile, priorisant la couverture de sa population au haut-débit, la qualité du réseau et la baisse de prix encore trop élevés, la 5G demeure un vecteur important pour l'écosystème d'innovation. Le secteur des télécoms canadien reste cependant relativement compétitif, fort d’une expertise ayant porté certaines entreprises sur le devant de la scène internationale lors de la précédente génération (Nortel, BlackBerry). La forte surface financière des principaux opérateurs canadiens leur permet de s’investir dans le développement des réseaux de télécommunications mais également dans les projets industriels applicatifs liés à la 5G.