Le défi de l’accès à l’eau en AEOI dans un contexte de changement climatique et de croissance démographique

Editorial

Chers lecteurs, 

Ce numéro de mars est consacré à l’eau dans la région Afrique de l’Est Océan Indien, dans toutes ses composantes : accès à l’eau potable, comme assainissement. Un grand merci à Mathieu Ecoiffier et Claire Fisnot qui ont coordonné la préparation de ce numéro et à nos collègues des services économiques d’Addis-Abeba, de Dar-es-Salam, de Kampala, de Khartoum et de Tananarive. On observe des situations disparates avec un accès à l’eau qui oscille entre 15 % de la population aux Comores et à près de 100 % à Maurice, qui, avec les Seychelles, fait figure d’exception. Ainsi, deux pays présentent les plus faibles taux d’accès à l’eau : les Comores estimé à 15 % et la Somalie à 31 %. Sept pays ont un taux d’accès à l’eau entre 50 % et 65 % : Madagascar, Tanzanie, Soudan, Sud Soudan, Éthiopie, Érythrée et Kenya. Trois sont situés entre 70 % et 79 % au Burundi, Rwanda et Ouganda, et trois sont proches de l’accès universel : Djibouti, Seychelles et Maurice. Des progrès importants restent à accomplir pour que l’on ne voie plus sur les chemins ces files de femmes et d’enfants portant de lourds jerricans d’eau ou ces camions citernes déversant dans des réservoirs de l’eau de qualité douteuse pour la consommation des populations. Cette région vit cependant un double paradoxe : c’est en effet en Afrique de l’Est que se situent les plus importantes réserves d’eau douce de l’humanité, autour des grands-lacs et du bassin du Nil, pourtant cette région est en situation de stress hydrique, avec des saisons des pluies qui subissent le contrecoup du changement climatique alliée à une pression démographique croissante.

Au problème de l’accès à l’eau se mêle celui de l’assainissement. Traitement des eaux usées, réutilisation des eaux traitées dans l’agriculture (alors qu’aujourd’hui l’agriculture est la plus grande consommatrice d’eau potable de la région), traitement des eaux pluviales, prévention des inondations… Le nombre des problèmes liés à l’eau est infini. Mais les solutions aussi : unités de dessalement, solutions décentralisées d’accès et de traitement des eaux, unités mobiles de purification, réduction des eaux non comptabilisées, et bien sûr unités de traitement des eaux usées… Un seul problème : le modèle économique à privilégier pour mettre en place ces solutions. Heureusement, ce sujet intéresse encore les bailleurs qui se mobilisent. On le voit par ailleurs, quelques exemples de PPP semblent avoir fait leurs preuves (au Rwanda notamment). Mais le chemin à parcourir reste long pour satisfaire à ce besoin de base.

Sinon, pour revenir à une actualité sanitaire qui fait désormais figure de routine, notre région subit une véritable 3ème vague du Covid, plus massive que les précédentes, avec un taux de morbidité plus élevée, même s’il reste difficile à mesurer, et une véritable tension sur des structures sanitaires souvent peu adaptées. Le Kenya a dû se résoudre à renforcer son dispositif de prévention par la mise en place de nouvelles restrictions. Difficile de mesurer quel sera l’impact économique de ces mesures, alors que le FMI vient d’adopter un programme de 2,34 Mds USD sur 38 mois, visant à ramener la dette publique en phase de décroissance d’ici à 2024.

Jérôme Baconin - Chef du Service Economique Régional de Nairobi