Le Bulletin se compose des productions récentes du Service économique régional de Pékin au sujet de l’économie chinoise.

Lianghui 2021 : Macroéconomie et finance

Lianghui 2021 : Commerce, investissement et climat des affaires – consécration d’une «ouverture sélective» doublée d’une forte projection sur les marchés extérieurs

Lianghui 2021 : Environnement, énergie, transports

Lianghui 2021 : Comment l’innovation, l’industrie et le numérique structurent le 14ème Plan

 

Une monnaie numérique de banque centrale (MNBC) aux caractéristiques chinoises, enjeux et perspectives

Le projet de monnaie numérique de banque centrale (MNBC), lancé par la PBoC en 2014, dans un contexte alors marqué par la concurrence potentielle des crypto-monnaies, s’est accéléré depuis un an, comme l’attestent les essais successifs menés dans les zones pilotes. La mise en production a été facilitée par l’essor des paiements digitaux au cours de la décennie précédente et la possibilité pour la PBoC de capitaliser sur les infrastructures de paiement mises en place par AliPay et Wechat Pay. Néanmoins, en raison d’enjeux de stabilité financière que les implications économiques induites par le Covid ont renforcés, le Conseil des Affaires d’Etat devrait probablement surseoir au calendrier de mise en œuvre tablant initialement sur un basculement vers la monnaie numérique de banque centrale lors des Jeux Olympiques d’hiver de 2022.

 

De la fin (officielle) de la pauvreté au défi des inégalités

En novembre 2020, les autorités chinoises ont annoncé la disparition de l’extrême pauvreté. Cette « victoire nationale » masque cependant des réalités contrastées, en particulier au regard du creusement continu des inégalités, accentuées dans le contexte de la crise du Covid-19. La Chine doit désormais entamer une nouvelle étape dans la construction d’une « société modérément prospère » en s’attachant à la réduction des inégalités. Sa réussite tiendra à la capacité du pays à mettre en œuvre des politiques budgétaires adaptées afin d’instaurer un système de protection sociale solide et de moderniser le système fiscal, tout en opérant rapidement des réformes structurelles de long terme.

 

Pénurie de semi-conducteurs vue de Chine : l’automobile, un révélateur de la dépendance chinoise aux semi-conducteurs

Depuis novembre 2020, plusieurs constructeurs automobiles font état, en Chine mais aussi à l’échelle mondiale, de pénuries de semi-conducteurs nécessaires à la production de véhicules. Cette pénurie s’explique en partie par l’impact du Covid-19 sur le marché automobile. Anticipant de faibles ventes pour l’année 2020, les constructeurs ont réduit leurs commandes de circuits intégrés. Les fabricants de semi-conducteurs ont reporté leurs capacités de production sur des segments consommateurs (terminaux, serveurs, électroménager), qui nécessitent des procédés distincts des composants destinés à l’automobile. Or, à partir du T3 2020, la reprise en « V » du marché automobile en Chine a surpris les constructeurs automobiles. Ainsi, plusieurs d’entre eux (Toyota, Volkswagen) sont contraints de diminuer leur production, voire de fermer certaines lignes. Le secteur automobile est particulièrement touché en raison de son plus faible volume et sa faible valeur ajoutée, ce qui conduit les fondeurs à prioriser leurs investissements et livraisons vers d’autres segments plus rémunérateurs. Enfin, cette pénurie est également due à de faibles capacités de production du segment de puces dédiées à l’automobile (en 200 mm), une fabrication que l’on pensait dépassée entre 2000 et 2015 mais qui revient en force. De manière générale, il apparaît que le marché des semi-conducteurs est sous tension ; la demande étant très forte mais les capacités de production insuffisantes.

 

Les autorités chinoises (re)cadrent les géants du numérique

La suspension  de l’introduction en bourse d’Ant Group et le lancement d’une enquête à l’encontre d’Alibaba pour pratiques monopolistiques marquent un tournant dans la position des autorités face au développement de l’économie numérique en Chine. Ces décisions témoignent d’une volonté plus large d’encadrer le développement des plateformes numériques pour protéger les utilisateurs mais aussi pour asseoir le contrôle économique et politique des autorités sur les géants du numérique. Ainsi, dans la lignée des propositions de révision de la loi anti-monopole de janvier 2020, l’administration d’Etat pour la supervision du marché (SAMR) a publié en novembre de nouvelles directives visant les ententes, abus de position dominante et concentrations d’entreprises du numérique.

 

Sur les véhicules électriques, la Chine s’affirme comme un marché prometteur, mais aussi un concurrent

L’année 2020 a marqué un tournant majeur dans la croissance et la maturité du secteur des véhicules électriques en Chine. Les politiques de soutien déployées par les autorités, y compris au niveau local, présentent des opportunités pour de nombreuses entreprises locales, mais aussi des marques étrangères, dont certaines envisagent d’en faire une base de production majeure pour les marchés export. Les caractéristiques de ce nouveau marché sont distinctes de celui des véhicules thermiques : les segments des batteries, mais aussi des composants électroniques (puces embarquées), concentrent la majorité de la valeur ajoutée produite dans un véhicule électrique.

 

La Xianhu Hydrogen Valley à Foshan : un exemple de zone-pilote pour le développement de la mobilité hydrogène

Suivant une logique propre aux politiques industrielles du pays pour les secteurs émergents, la Chine cherche à faire émerger une filière hydrogène sur une base locale, en s’appuyant sur des zones-pilotes. Parmi celles-ci, Foshan reçoit une attention particulière, puisque la ville bénéficie de près de 3,8 Mds EUR de subventions pour le développement de la mobilité hydrogène. Développant une « vallée hydrogène » à Xianhu, Foshan accueille également depuis trois ans la conférence hydrogène, co-organisée avec le programme de développement des Nations unies (UNDP), qui met l’accent sur l’importance de l’hydrogène pour atteindre les objectifs environnementaux, dont la neutralité carbone visée par la Chine à l’horizon 2060. Néanmoins, la ville-pilote de Foshan illustre également des limites caractéristiques de la filière hydrogène à l’échelle nationale, dont le manque de talents, de standards ou encore la forte dépendance aux produits étrangers ou non locaux et aux énergies fossiles dans la production d’hydrogène.

 

Résultats des principales compagnies aériennes chinoises en 2020 et perspectives et enjeux pour 2021

En 2020, les trois plus grandes compagnies d’Etat chinoises, Air China, China Southern et China Eastern, affichent une perte cumulée de 37,1 Mds RMB [4,8 Mds EUR], à quoi il faut cependant ajouter les pertes non définitives mais sans doute au moins deux fois plus importantes pour les compagnies du groupe HNA, entré en procédure de liquidation fin janvier. Les résultats globaux du pavillon chinois, relativement meilleurs que ceux de ses concurrents américains ou européens, sont adossés à la reprise du marché intérieur. Sur le plan des vols internationaux, l’offre reste toutefois minimaliste, du fait des restrictions sanitaires et politiques persistantes. La France se coordonne avec d’autres Etats pour demander à la Chine une amélioration de cette situation, sans évolution notable depuis l’été 2020.

 

La Chine lance son marché national du carbone

Le 1er février 2021, le règlement du marché national du carbone est entré en vigueur, pour l’instant limité au secteur de l’électricité. La période de conformité pour ce secteur avait déjà commencé le 1er janvier dernier. La mise en œuvre effective des échanges de quotas d’émissions sur la plateforme nationale devrait commencer avant la fin juin de cette année.

 

1 200 GW d’éolien et de solaire d’ici 2030 : quels besoins en flexibilité pour le système électrique chinois ?

La Chine s’est engagée fin décembre 2020 à atteindre 1200 GW de capacités installées de production éolienne et solaire d’ici 2030. Bien que le parc éolien et solaire chinois soit de loin le plus important du monde (530 GW installés à fin 2020), il a fourni seulement 9% de la production électrique nationale l’année dernière. Selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), qui séquence le niveau d’intégration des énergies renouvelables au réseau en 6 phases, la Chine ne se trouve actuellement qu’à la deuxième. A ce stade, les énergies renouvelables variables (EnRV) n’ont qu’un impact mineur à modéré sur l’opération du système électrique, l’utilisation de procédures de dispatching et des interconnexions étant suffisante à leur intégration au réseau. Cependant, l’atteinte des objectifs de décarbonation du système électrique nécessitera à terme une amélioration importante de sa flexibilité.

 

Lancement d’un institut et publication d’un rapport sur le verdissement des routes de la soie – « greenwashing » ou réelle ambition ?

Alors que l’engagement chinois d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2060 interroge, entre autres, la nature des projets « Belt and Road » qui se révèlent souvent polluants, notamment en lien avec le charbon, un institut sur le développement vert des Nouvelles routes de la soie (« BRI Green Development Institute ») a été lancé début décembre. Une étude soutenue par le ministère de l’Ecologie et de l’Environnement (MEE) a été publiée concomitamment qui propose de classer les projets en trois catégories "rouge", "jaune" et "vert" en fonction de leur impact positif ou négatif sur le climat, la pollution et la biodiversité et des garanties prévues pour prévenir les dommages environnementaux. 

 

Le découplage technologique présente des risques importants pour les entreprises européennes

Malgré plusieurs années de guerre commerciale sino-américaine et une volonté affichée de nombreux gouvernements d’une réduction de la dépendance à la Chine, les tendances macroéconomiques vont à l’encontre d’un découplage : la Chine pèse toujours plus dans le commerce mondial et est devenue, dans le contexte de la pandémie, le premier récipiendaire d’investissements étrangers dans le monde. Toutefois, l’ambition chinoise d’autosuffisance ainsi que les sanctions américaines à portée extraterritoriale à l’encontre des entreprises technologiques chinoises rendent inévitable un découplage de certaines industries à moyen terme. Les entreprises européennes qui exportent vers la Chine ou y sont implantées seront en conséquence pénalisées, en particulier si les contre-mesures annoncées par la Chine venaient également à être mises en œuvre. En outre, l’application différenciée de ces sanctions pourrait permettre au gouvernement américain de favoriser ses entreprises par rapport à leurs concurrents européens. La Chambre de commerce européenne appelle ainsi, dans son dernier rapport, à une meilleure préparation des entreprises.

 

Echanges commerciaux (biens) entre la France et la Chine : déficit record en 2020 du fait de la chute des ventes aéronautiques et des achats conséquents de masques

Le déficit commercial de la France vis-à-vis de la Chine a atteint un nouveau record en 2020 : 38,9 Md EUR (à comparer à 32,3 Md EUR en 2019). Après avoir été stables en 2019, les exportations ont fortement été pénalisées par l’aéronautique, dont la chute en 2020 tire le montant global des ventes vers le bas. Les autres secteurs ont enregistré de bonnes performances en dépit de la baisse globale des achats chinois. Les importations quant à elles ont significativement augmenté, portées par les achats massifs de produits médicaux à partir d’avril (masques importés de Chine pour près de 5 Md EUR en 2020). Les importations ont baissé dans presque tous les autres secteurs, tendance liée au contexte de ralentissement de l’activité en France.

 

Commerce extérieur (biens) de la Chine en 2020 : hausse importante de l’excédent commercial grâce aux exportations de matériel médical et à la baisse du prix du pétrole

Malgré le ralentissement important du commerce mondial de biens (-6 % en valeur), le commerce extérieur chinois enregistre de bonnes performances en 2020. Après avoir été fortement pénalisé au premier trimestre dans le contexte de la pandémie, la reprise de la production au second trimestre et celle de la consommation en fin d’année ont permis à la Chine de renforcer son poids dans l’économie et le commerce mondial (de 13,2 % de part de marché en 2019 à 14,9 % en 2020). L’excédent commercial chinois augmente significativement (de 429 Md$ à 537 Md$), son plus haut niveau depuis 2016 grâce à une hausse des exportations (+4,0%), en particulier de matériel de protection médicale et d’ordinateurs, et une légère baisse des importations (-0,4%), du fait de la baisse du prix du pétrole. La signature du phase-1 deal en début d’année a entraîné des achats importants de produits américains de la part de la Chine mais les objectifs fixés sont loin d’avoir été atteints.

 

Enquête annuelle sur l’accès au marché chinois

La Chine maintient de nombreuses barrières à l’entrée des entreprises et produits étrangers sur son marché, et en introduit régulièrement de nouvelles pour diverses raisons : protection des champions nationaux, développement d’une innovation indigène, contraintes de « sécurité » (qui concerne de façon croissante la lutte contre le Covid). Dans le contexte des tensions commerciales avec les Etats-Unis, et d’une volonté de nombreux gouvernements de réduire leur dépendance à la Chine, l’affichage d’ouverture constitue cependant un objectif stratégique pour le Président Xi Jinping qui souhaite promouvoir la « participation des investissements étrangers au développement chinois », en particulier sur les segments technologiques les plus critiques, et démontrer l’attachement de façade la Chine au multilatéralisme. La Chine a ainsi accéléré le rythme de ses réformes ces dernières années, sans pour autant toucher à ses fondamentaux, en particulier pour ce qui est du poids des entreprises publiques et la stratégie industrielle qui favorise l’innovation indigène au détriment des groupes étrangers.

 

Modernisation du droit des marchés publics chinois

Dans son agenda législatif pour l’année 2020, le ministère des Finances (MoF) a annoncé son intention d’amender plusieurs lois et règlements relatifs au droit des marchés publics. Cette volonté de réforme s’inscrit dans une accélération du processus de négociation pour l’accession à l’accord de l’OMC sur les marchés publics (AMP). La valeur des marchés publics en Chine pourrait peser près de 2 900 Mds USD par an, soit 20 % du PIB.

 

Wuhan et sa province à travers la crise : le pendant économique d’une stratégie de suppression totale du virus

La province du Hubei et sa capitale Wuhan, qui représentent 4,5% du PIB chinois et ont été l’épicentre de la pandémie, accusent un recul de -5% du PIB sur l’année 2020, conséquence du confinement strict mis en place entre le 23 janvier et le 8 avril. L’expérience du Hubei fournit un exemple d’une stratégie de suppression du virus qui a porté ses fruits au plan sanitaire mais a été à l’origine d’un choc récessif majeur, avec une contraction de -39%  du PIB au premier trimestre, et a porté un coup d’arrêt au processus de rattrapage économique du Hubei. La suppression du virus a cependant permis une restauration de la confiance, cruciale pour le redressement de l’économie qui, conjuguée à un plan de relance massif, permet de fixer un objectif de croissance « supérieure à 10% » pour 2021.