L’économie nigériane a été durement frappée par la crise de la Covid-19 alors qu’elle se relevait péniblement de la précédente récession. Touchée par la chute des cours du pétrole et par les mesures sanitaires mises en place localement, l’économie nigériane a connu en 2020 sa deuxième récession en cinq ans, toutefois moins forte que prévu. L’année 2021 devrait marquer le retour à une croissance néanmoins faible.

Le Nigéria a été durement frappé par la crise de la Covid-19 alors que le pays s’appauvrit depuis la précédente crise. Depuis la récession de 2016 (-1,6% de croissance), la croissance restait inférieure à l’accroissement démographique, estimé à 2,5% par an. Après 2,2% en 2019, le premier trimestre 2020 avait enregistré une croissance de seulement +1,9%, avant que la crise de la Covid-19 ne fasse ressentir ses effets. D’abord frappée par le ralentissement mondial et par la chute des prix du pétrole, l’économie nigériane a été rattrapée par l’épidémie elle-même qui a contraint les autorités à mettre en place des mesures pour contenir son expansion : confinement des principales villes du pays et fermeture des aéroports.  En conséquence, le PIB a reculé de -6,1% au second trimestre puis de -3,2% au troisième trimestre faisant entrer le Nigéria en récession. L’allègement progressif des restrictions sanitaires et la remontée rapide des cours du pétrole ont néanmoins permis à l’économie nigériane de renouer de justesse avec la croissance dès le quatrième trimestre 2020, avec une hausse du PIB de 0,1%. Avec une production pétrolière tombée à 1,56 millions de barils par jour en moyenne au dernier trimestre, le secteur pétrolier s’est contracté de -8,9% en 2020. Le hors-pétrole a enregistré un repli de -1,25% sur l’année, en particulier dans le secteur du transport et du stockage (-22,3%) et de l’hôtellerie restauration (-17,7%). En revanche, les institutions financières hors assurance (13,3%) et les entreprises des TIC (12,9%) ont bénéficié de la conjoncture sanitaire.

La crise a également bouleversé les équilibres monétaires du pays et poussé la Banque centrale à prendre des décisions fortes. En réduisant sensiblement les recettes de devises, conséquence de la chute des exportations de pétrole et des flux de capitaux entrants, la crise a fortement entamé les réserves de change, passant de 45 Mds USD en juillet 2019 à 33,5 Mds USD en avril 2020, soit 5 mois d’importations de biens et services. Après avoir légèrement augmenté, elles se situaient début mars à 35 Mds USD. Initialement déterminée à maintenir la stabilité de la monnaie nationale, la Banque centrale a dû dévaluer le taux change officiel à deux reprises : de 306 NGN/USD à 379 NGN/USD, soit 19,25% en l’espace de six mois. Pour soutenir l’économie réelle face à la crise, la Banque centrale a décidé d’assouplir sa politique monétaire, réduisant son principal taux directeur de 200 pdb entre mai et septembre, le fixant à 11,5%. Ces décisions, auxquelles s’ajoute la fermeture des frontières terrestres depuis août 2019, a mis fin à la désinflation en œuvre depuis 2017. L’inflation est passée de 11% en août 2019 à 17,3% en février 2021 (21,8% pour la nourriture), son plus haut niveau depuis quatre ans. Elle atteindrait 12,7% cette année d’après le FMI.

Les conséquences sociales de la crise sont lourdes. Sur l’emploi d’abord, le taux de chômage officiel ayant bondi à 33,3% au quatrième trimestre 2020. Les 15-35 ans sont particulièrement touchés (42,5% pour cette tranche d’âge). La pauvreté, endémique dans le pays, devrait encore s’accroître (43% de la population en fin d’année, d’après la Banque mondiale).

Faute de moyens, le gouvernement nigérian n’a pas pu mettre en place de plan de relance et n’a pu enrayer la chute des recettes publiques (-36,7% pour le Budget 2020). Le FMI anticipe que le déficit public passerait de 4,8% du PIB en 2019 à 5,9% du PIB en 2020, son niveau le plus élevé depuis 1993. Pour 2021, le gouvernement compte sur un rebond des cours du pétrole pour retrouver un peu de marge de manœuvre. Le Budget 2021, ratifié le 31 décembre 2020, retient ainsi une hypothèse d’un baril de brut à 40 USD en moyenne sur l’année ainsi qu’une production de 1,86 million de barils par jour. Ce Budget, marque une hausse de 19,7% par rapport au précédent, atteignant 13 588 Mds NGN, soit 35,9 Mds USD et le déficit public est anticipé à 3,9% du PIB.

Pour financer ses dépenses, le gouvernement a été contraint de faire appel à l’aide extérieure. En mai 2020, il a ainsi obtenu une aide d’urgence de 3,4 Mds USD du FMI assortie de conditionnalités fortes qui ont permis d’enclencher des réformes longtemps repoussées. Ainsi le gouvernement s’est engagé à supprimer les subventions sur le prix du carburant à la pompe, mesure qui coûtait 2 Mds USD par an à l’Etat, mais la reprise des cours du pétrole les a contraints à les rétablir. La Banque mondiale, qui a maintenu la pression sur les autorités (demande de libéralisation des tarifs de l’électricité et unification des fenêtres de change), prépare un appui de 1,5 Md USD dont le décaissement, initialement prévu pour la fin 2020, n’est pas encore intervenu.

La dette publique a ainsi sensiblement augmenté depuis le début de la crise, passant de 79,3 à 84,6 Mds USD entre le premier et le troisième trimestre 2020. La dette externe, en progression, représente 37,8% de la dette totale. Le FMI estime que la dette publique atteindra 35% du PIB en 2020 (29,1% en 2019). Si, à ce titre, la dette demeure soutenable, le service de la dette est source d’inquiétude : au plus fort de la crise, il absorbait près de 100% des revenus de l’Etat et grève ses capacités d’action comme celle des Etats fédérés qui dépendent des allocations budgétaires fédérales.