Le Bulletin se compose des productions récentes du Service économique régional de Pékin au sujet de l’économie chinoise.

Situation économique – Novembre 2020

Les prévisions de croissance pour la Chine en 2020 ne dépassent pas +2%, la crise économique résultant de la pandémie de Covid-19 ayant fortement affecté un pays dont la dynamique de croissance s’inscrivait déjà tendanciellement en baisse (+6,1% en 2019), compte tenu de la démographie et de l’épuisement du modèle de croissance hérité de la décennie 2000. Si, depuis 2018, les autorités visaient davantage à atténuer ce ralentissement, elles ont dû adopter en février 2020 des mesures radicales pour soutenir la reprise économique. Après une brutale contraction du PIB de -6,8% au T1, le rebond observé au T2 (+3,2%) s’est confirmé au T3 (+4,9%), tout en restant en-deçà des prévisions. La reprise lente de la demande intérieure en comparaison avec celle de l’offre pèse sur les perspectives de croissance de l’économie chinoise. Fin octobre, à la suite du 5ème Plenum du Comité Central, les orientations stratégiques du 14ème Plan Quinquennal et de la Vision 2035 ont été rendues publiques, réitérant l’objectif d’un « développement sain et durable », fondé sur la poursuite des réformes structurelles et la promotion du modèle de « circulation duale ».

 

Suspension de l’IPO d’Ant Group à Shanghai et Hongkong

L’IPO duale d’Ant Group, filiale financière du géant du commerce en ligne Alibaba, sur les Bourses de Hongkong et Shanghai a été suspendue le 3 novembre. La décision a été rendue publique via un communiqué de la Bourse de Shanghai ; puis Ant Group a annoncé la suspension de l’IPO à Hongkong. Pour rappel, les 19 et 21 octobre 2020, cette IPO à Hongkong et Shanghai avait respectivement été approuvée par la CSRC et par l’autorité de régulation hongkongaise (le groupe devait lever jusqu’à 35 Mds USD via cette double cotation, constituant potentiellement la plus grosse introduction en bourse à ce jour). Le 24 octobre, lors du Shanghai Financial Bund Summit, l’ancien président d’Alibaba Group et principal actionnaire, Jack MA, avait tenu dans son discours des propos très critiques sur la régulation du système financier chinois. Le 2 novembre, les régulateurs chinois avaient annoncé de nouvelles réglementations, introduisant des mesures restrictives sur les sociétés de micro-prêts à la consommation en ligne.

 

Responsabilité Sociale et Environnementale des entreprises chinoises cotées

Depuis la fin des années 2000, la conscience des problématiques de Responsabilité Sociale et Environnementale des entreprises chinoises ne cesse de se renforcer, prenant corps notamment à travers la lutte contre la pollution et la pauvreté. Si, il y a dix ans, la RSE portée par les entreprises demeurait focalisée sur l’emploi pour le plus grand nombre et la contribution à la stabilité sociale, le renforcement du cadre réglementaire promu par les autorités chinoises et par les places boursières tend à faire converger les pratiques de RSE des entreprises chinoises vers les standards internationaux. Si les progrès sont considérables, le chemin à parcourir reste encore long. L’analyse se concentre sur la situation des entreprises cotées sur les places boursières chinoises (Shanghai et Shenzhen versus Hong Kong) mais n’abordera pas les aspects liés à la sanction/valorisation par le marché des entreprises faiblement/fortement engagées dans les problématiques de RSE, notamment parce que d’autres variables influent sur leur gestion et partant sur leur cours de bourse.

 

Echanges commerciaux (biens) entre la France et la Chine : vers un déficit record en 2020 du fait de la chute des ventes aéronautiques et des achats conséquents de masques

Après avoir déjà enregistré un record en 2019 (31,6 Mds EUR), le déficit commercial de la France vis-à-vis de la Chine devrait continuer de se creuser en 2020 : sur les dix premiers mois de l’année il atteint déjà 33,1 Mds EUR (à comparer à 27,0 Mds EUR sur la même période en 2019). Après avoir été stables en 2019 (+0,4 % à 20,9 Mds EUR), les exportations ont fortement été pénalisées par l’aéronautique en 2020 dont la chute tire le montant global des ventes vers le bas, malgré une hausse dans d’autres secteurs, notamment l’agro-alimentaire. Les importations quant à elles ont augmenté globalement, portées par les achats massifs de produits médicaux à partir d’avril (masques importés de Chine pour plus de 4,8 Mds EUR entre avril et octobre). Cette hausse massive cache une baisse des importations dans de nombreux autres secteurs, liée au contexte de ralentissement  de l’activité en France.

 

Chine – Signature RCEP : vers un renforcement des chaînes de valeur et de l’influence chinoise en Asie Pacifique ?

Après huit années de négociations, quinze pays asiatiques (Chine, Japon, Corée du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande et les 10 pays de l’ASEAN), qui représentent environ un tiers de la population, du PIB et des échanges mondiaux, ont signé le partenariat économique régional global (RCEP). L’accord, après avoir été ratifié, devrait éliminer environ 90 % des droits de douane (65 % immédiatement, le reste sur une période de plus 20 ans). Les gains en matière d’ouverture de marché sont limités pour la Chine, qui disposait déjà d’accords commerciaux bilatéraux avec tous les pays de la zone sauf le Japon, et ne compenseront pas les pertes liées à la guerre commerciale. La Chine renforce cependant son rôle central au sein des chaînes de valeur asiatiques et revendique une victoire politique qui lui permet de s’afficher comme le champion du multilatéralisme, en miroir de la perte d’influence des Etats-Unis après leur retrait du partenariat transpacifique.

 

Investissements chinois dans le monde : perte de vitesse depuis deux ans, recentrage vers l’ASEAN et les pays des Routes de la Soie

Les investissements chinois à l’étranger, qui ont connu une hausse fulgurante depuis le début des années 2000, sont en perte de vitesse ces dernières années (de 196  Mds USD de flux en 2016 à 136  Mds USD en 2019) du fait de mesures restrictives de la part des autorités chinoises et de contrôles renforcés dans les principaux pays récipiendaires. Cette baisse s’accompagne d’un changement tendanciel de destinations, qui sont plus fréquemment les pays signataires des « nouvelles routes de la soie », en particulier ceux de l’ASEAN. Cette évolution devrait s’accentuer au cours des prochaines années, dans le contexte du découplage avec les Etats-Unis et de positions plus défensives de la part de l’Union européenne qui incitent la Chine à renforcer son partenariat économique avec d’autres régions.

 

La théorie de la « circulation duale » : vers un quatorzième plan quinquennal centré sur le renforcement du marché domestique

Le 24 août 2020, à l’occasion d’une réunion sur la politique économique du pays en présence de neuf économistes et de sept hauts dirigeants du Parti Communiste (PCC), puis le 1er septembre, lors d’une réunion du Comité central pour l’approfondissement global de la réforme (CCCDR), Xi Jinping a présenté sa vision de la théorie de la « circulation duale ». Celle-ci décompose le système économique mondial en deux cycles, intérieur (la Chine) et extérieur (le reste du monde). Mentionnée pour la première fois lors d’une réunion au comité permanent, le 14 mai 2020, cette théorie se veut constituer, pour la Chine, un nouveau modèle de développement adapté à « un monde plein d’instabilité et d’incertitude ». Cette approche promeut une bascule vers le marché domestique (cycle intérieur), ayant acquis une forme d’autonomie stratégique par rapport à l’économie mondiale, et l’utilisation accrue des « ressources » (financement, innovation) issues de cette dernière (cycle extérieur), en vue de faciliter la montée en gamme de l’économie. Cet ajustement doit procurer au pays un « nouvel avantage dans sa participation à la coopération et à la compétition internationales » selon Xi Jinping. Le concept, rappelé lors du cinquième plenum, est un élément d’orientation stratégique du 14ème Plan Quinquennal (2021-2025).

 

Les sanctions américaines contre le fondeur chinois SMIC, un coup d’arrêt aux ambitions d’indépendance technologique de la Chine?

Le 5 septembre 2020, le Département de la défense américain annonçait un possible placement de Semiconductor Manufacturing International Corporation (SMIC) sur son Entity list, accusant le groupe d’entretenir des liens avec le complexe industrialo-militaire chinois. Bien qu’il soit le fondeur chinois de semi-conducteurs le plus avancé technologiquement à ce jour, SMIC demeure fortement dépendant de technologies américaines. Ces nouvelles sanctions pourraient potentiellement priver l’entreprise de ses fournisseurs américains, notamment d’équipements de production et de logiciels de conception industrielle, et ainsi obérer les ambitions chinoises d’indépendance technologique pour de nombreuses années. En réduisant l’approvisionnement chinois en puces, ces mesures pourraient aussi impacter l’ensemble des secteurs industriels qui en dépendent : automobile, aéronautique, aérospatiale, défense, etc.

 

Rachat d’ARM Ltd. par Nvidia : quelles modalités de blocage par la Chine ?

Le 13 septembre, l’entreprise américaine conceptrice de processeurs graphiques Nvidia annonçait l’acquisition d’ARM Ltd., fournisseur britannique d’architectures de semi-conducteurs, détenu depuis 2016 par la société d’investissement japonaise SoftBank, pour un montant de 40 Mds USD –un record dans l’industrie des semi-conducteurs. Si Nvidia espère finaliser l’achat d’ici 18 mois, l’accord doit au préalable être approuvé par les autorités de la concurrence au Royaume-Uni, en Europe et aux Etats-Unis. Du fait de l’existence d’une JV, ARM China, établie en 2018 et détenue majoritairement par la partie chinoise, l’approbation des autorités chinoises de la concurrence est également nécessaire. Le rachat du principal fournisseur d’architectures de semi-conducteurs (avec l’américain Intel) par le concepteur de puces Nvidia présente un risque pour la Chine à court terme : il pourrait accroître la présence des Etats-Unis dans cette étape indispensable de la chaîne de valeur des semi-conducteurs. La position des autorités chinoises est à ce jour inconnue. Comme a pu le montrer le précédent Qualcomm/NXP, l’examen d’une transaction dans le domaine hautement stratégique des semi-conducteurs –  notamment dans un contexte où la Chine chercher à se défaire de la dépendance aux technologies étrangères, pourrait conduire à un blocage.

 

Le e-commerce en Chine : un niveau de pénétration très élevé et des conséquences économiques, sociales et environnementales

La Chine est le premier marché e-commerce au monde avec 1 345 Mds EUR de ventes réalisées en 2019, loin devant les Etats-Unis (478 Mds EUR). Cette année, l’événement annuel de promotions du 11 novembre aurait généré des ventes record, bien que difficiles à analyser du fait du nouveau format de cet événement, réparti sur plusieurs jours. L’adoption déjà rapide du e-commerce, de même que la transformation de la distribution selon la logique du « new retail », ont cependant indéniablement été accélérées par l’épidémie de Covid-19. Le e-commerce transfrontalier et le développement international de groupes comme Alibaba ou JD.com sont de plus activement promus par le gouvernement via des politiques favorables et un soutien affiché via les Routes de la Soie numériques.

 

L’impact des tensions sino-indiennes sur les intérêts technologiques chinois en Inde

Le climat de tensions actuel couplé à une politique forte promouvant l’autosuffisance pousse l’Inde à revoir sa relation vis-à-vis de la Chine dans tous les domaines. Dans le secteur des technologies de l’information, les récentes mesures gouvernementales vont à rebours des tendances à l’intégration croissante des deux écosystèmes à l’œuvre depuis plusieurs années. Passé le pic des tensions, il semble néanmoins probable que le gouvernement indien adopte à  moyen terme une approche médiane, cherchant à préserver les intérêts des entreprises et consommateurs indiens tout en réduisant progressivement les leviers économiques et les risques cyber associés à une trop forte dépendance envers les acteurs chinois.

 

Chine - Les applications de la 5G sont déjà nombreuses, bien qu’encore en phase exploratoire

Selon les chiffres officiels, 700 000 stations de base 5G auraient été déployées en Chine fin novembre 2020, dont 32 000 seraient dédiées à l’internet industriel. A l’occasion d’une conférence nationale visant à promouvoir le développement du secteur, le think tank gouvernemental CAICT a recensé 1100 projets estampillés « 5G+Internet industriel » en cours de déploiement à travers le pays, dont seulement 30% seraient en phase commerciale. Si la 5G bénéficie d’un fort soutien gouvernemental et fait l’objet de projets ambitieux dans de nombreux secteurs (mobilité autonome, fabrication avancée, médecine à distance, logistique, énergie…), force est de constater que plusieurs obstacles demeurent : standardisation toujours en cours, niveau de modernisation inégal de l’appareil industriel chinois, équipements et composants (processeurs, terminaux…) toujours en cours de développement, coopérations industrielles difficiles entre les acteurs privés et publics… En octobre dernier, un cadre de Huawei a même présenté l’expérience de la 5G en Chine comme « fake, dumb and poor », illustrant le fait que le développement d’un écosystème complet et des technologies associées prendra encore plusieurs années. 

 

La Chine, un salut pour l’industrie aéronautique française ?

La crise du COVID-19 n’épargne pas l’industrie aéronautique en Chine, du fait de la nature mondialisée du secteur. Mais le marché chinois, adossé à un immense marché intérieur, repart de manière dynamique, tant au niveau de l’offre que de la demande. Il est fortement soutenu par des autorités qui souhaitent pousser COMAC (constructeur national) à concurrencer dans la prochaine décennie le duopole Airbus / Boeing. La Chine est plus que jamais, pour l’aéronautique française et européenne, un enjeu stratégique majeur, qui plus est au centre de tensions avec les Etats-Unis.

 

La Chine fait la promotion de sa version de passeport sanitaire mondial pour le transport de passagers

L’adoption d’un système de type « passeport d’immunité numérique », adossé à la technologie du « code QR santé » semble constituer une étape incontournable pour le rétablissement des liaisons aériennes internationales, y compris dans le contexte d’un déploiement des vaccins contre le Covid-19. La Chine déploie des efforts pour imposer et généraliser sa propre solution, qui pose à la fois des problèmes de souveraineté, de contrôle et de confidentialité des données.

 

Le gaspillage alimentaire en Chine, entre annonces et réalité

L’appel du président XI Jinping à lutter contre le gaspillage alimentaire, le 11 août 2020, n’a fait que rappeler un souci de longue date en Chine que le président lui-même a fréquemment abordé, soulignant la priorité que la Chine attribuait à sa sécurité alimentaire ; il déclarait ainsi, en septembre 2018, que « le bol de riz du peuple chinois devait, en toutes circonstances, être tenu fermement dans ses propres mains ». Ce souci majeur de la part des autorités se manifeste dans le fait que le premier document annuel du Comité central du Parti concerne l’agriculture, mais aussi dans le discours du Premier ministre lors des Lianghui.

 

Webinaire franco-chinois « La transition écologique de l’agriculture – un atout pour la biodiversité »

L’agriculture n’est pas incompatible avec la préservation de la biodiversité. Loin d’être un danger, des systèmes de développement agricoles durables peuvent contribuer au maintien et au développement de la biodiversité. La transition agro-écologique, en France, présente à ce titre une expérience intéressante.

 

Vers la neutralité carbone en Chine d’ici 2060 : quelles trajectoires d’émissions et quelles implications économiques ?

Lors de son allocution à l’Assemblée générale des Nations Unies le 22 septembre dernier, le président chinois Xi Jinping a annoncé que la Chine « redoublera d’efforts pour atteindre le pic de ses émissions de CO2 avant 2030 et s’efforcera de réaliser la neutralité carbone d’ici 2060». Cette annonce surprise, si elle a été positivement accueillie par la communauté internationale comme un signal fort de relance de l’engagement climatique, a néanmoins suscité de nombreux questionnements quant à la faisabilité et aux implications économiques de sa mise en œuvre. La mise à jour de la contribution déterminée au niveau national de la Chine ainsi que la publication prochaine du 14ème plan quinquennal  (pour la période 2021-2025) devraient intégrer ce nouvel objectif climatique ambitieux.

 

Panorama sur la filière du nucléaire civil en Chine

Dans le cadre de l’augmentation et de la décarbonation de sa consommation énergétique, la Chine met en œuvre un plan ambitieux de développement du nucléaire sans équivalent dans le monde, investissant à la fois dans les réacteurs de troisième génération (EPR de Taishan construits en partenariat avec EDF, Hualong-1 développé par CGN et CNNC) et les technologies innovantes (SMR, fusion). Ayant fait le choix explicite du cycle fermé, elle négocie actuellement avec Orano pour la construction d’une usine de retraitement des combustibles usés d’une capacité de 800t/an qui lui permettrait de fabriquer des combustibles pour les réacteurs de troisième génération et de quatrième génération.

 

Mécanismes de soutien aux énergies renouvelables : comment la Chine se tourne-t-elle progressivement vers une disparition des subventions ?

La politique chinoise de soutien aux énergies renouvelables (EnR) a connu une transformation rapide et complexe ces dernières années. Face à l’explosion du nombre de nouveaux projets EnR, la Chine diminue progressivement les subventions allouées et met en œuvre de nouveaux mécanismes de marché.