Le commerce extérieur de la Suisse en 2024
Fortement dépendante des échanges internationaux au regard de son fort taux d’ouverture (autour de 60 %), la Suisse a enregistré en 2024 une progression de ses exportations et un léger repli de ses importations, après une contraction de son commerce extérieur en 2023. L’an dernier, les exportations ont crû de +4,2 % et les importations ont reculé de -0,3 %. L’excédent de la balance commerciale a ainsi augmenté jusqu’à atteindre un montant record de 66 Mds CHF, soit environ 8 % de son PIB. La chimie-pharmacie, qui compte pour 38 % des ventes totales, a notamment enregistré une forte hausse de ses exportations (due à l’accroissement à la fois des prix et des volumes), compensant le repli des ventes de presque tous les autres secteurs. Les prix des produits énergétiques ont poursuivi leur recul, expliquant en partie le recul des importations helvétiques. Alors que l’Union européenne reste le 1er partenaire commercial de la Suisse, avec 40 % des exportations et 53 % des importations de la Confédération, en dépit du léger repli des ventes vers ses pays voisins, l’Amérique du Nord a dépassé pour la première fois l’Asie, devenant le 2e débouché suisse, conséquence en particulier de la chute du commerce avec Singapour.
I. Structurellement excédentaire, le solde commercial suisse des échanges de marchandises a dégagé un nouveau record de 66 Mds CHF en 2024
Evolution des exportations et des importations suisses de marchandises (Mds CHF)
Source : Douanes suisses (métaux précieux – dont or, pierres gemmes, objets d’art et antiquités inclus)
Après le recul observé l’année dernière, les exportations suisses ont atteint en 2024 la nouvelle valeur record de 394 Mds CHF (soit une hausse de +4,2 % par rapport à 2023). Les importations ont quant à elles poursuivi leur repli – plus léger cette année –, à 328 Mds CHF (-0,3 %). Du fait de cette double dynamique, le solde de la balance commerciale, déjà très élevé les années précédentes, a atteint un nouveau record de 66 Mds CHF (après 49 Mds CHF en 2023).
En excluant les métaux précieux et pierres gemmes, la dynamique commerciale a été relativement similaire : les exportations ont crû de +3,3 % à 283 Mds CHF alors que les importations ont fléchi de -1,3 %, à 223 Mds CHF. Le commerce suisse a ainsi progressé en 2024 dans un contexte de reprise mondiale : après s’être contracté en 2023, le commerce mondial a repris son essor en 2024 (+2,9 %, calculé en dollars US), de manière toutefois moins marquée qu’en 2021 et 2022, dans le sillage de la reprise post-covid.
L’excédent commercial (60 Mds CHF en excluant les métaux précieux) tient principalement aux performances exportatrices des industries pharmaceutiques et chimiques qui ont enregistré un solde positif de 73,9 Mds CHF. Avec le groupe des denrées alimentaires, boissons et tabacs, il s’agit du seul secteur dont les exportations nominales ont augmenté en 2024. Sa nette progression (+10,0 %), en particulier dans le segment des matières premières, a compensé les autres replis sectoriels. Elle est due à la fois à la hausse des prix et à la hausse des ventes en volumes de médicaments. Cependant, certains reculs, en particulier des exportations de métaux et de produits énergétiques, sont dus uniquement à la baisse des prix, leurs ventes ayant progressé en termes réels. Par ailleurs, les ventes du secteur horloger ont connu l’an dernier une baisse de -2,8 %, après trois ans de croissance continue.
La Suisse enregistre toujours des déficits commerciaux importants dans le secteur automobile (-14,7 Mds CHF), reflet de l’absence de capacités de production ou d’assemblage en propre, ainsi que dans le secteur textiles et habillement (–7,2 Mds CHF). Les prix des produits énergétiques ont continué à baisser, réduisant ainsi leurs importations jusqu’à un seuil proche de celui de 2021, et permettant au déficit sectoriel de se réduire à -5,5 Mds CHF. Ce montant reflète néanmoins toujours la dépendance extérieure du pays sur le plan énergétique.
II. Les exportations suisses se concentrent sur des secteurs à forte valeur ajoutée…
Répartition sectorielle des exportations suisses en 2024
Source : Douanes suisses (métaux précieux, pierres gemmes, objets d’art et antiquités inclus)
Les exportations de marchandises de la Suisse en 2024 reflètent à la fois :
(i) son positionnement sur le segment industriel à forte valeur ajoutée, qui repose sur la chimie-pharma (149,1 Mds CHF d’exportations), les machines et l’électronique (32,1 Mds CHF), l’horlogerie (25,9 Mds CHF), et les instruments de précision (17,4 Mds CHF).
(ii) le rôle de la Suisse en tant que plateforme mondiale d’affinage et de stockage de pierres et métaux précieux (108,9 Mds CHF d’exportations), en particulier de l’or (aussi visible à l’import).
III. … qui représentent également les principaux postes d’importation du pays
Répartition sectorielle des importations suisses en 2024
Source : Douanes suisses (métaux précieux, pierres gemmes, objets d’art et antiquités inclus)
Les importations de marchandises de la Suisse traduisent pour leur part :
(i) l’importance des consommations intermédiaires de ses industries, notamment de la chimie et de la pharmacie (75,2 Mds CHF d’importations) ainsi que la taille de ce marché en Suisse ;
(ii) l’absence d’une industrie automobile produisant des voitures complètes (20,0 Mds CHF d’importations de véhicules), obligeant ainsi à importer.
Globalement, ce constat illustre la forte intégration de la Suisse dans les chaînes de valeur mondiale.
IV. L'Union européenne reste de loin le premier partenaire commercial de la Suisse
Principaux partenaires commerciaux de la Suisse à l’export et à l’import en 2024 (hors métaux précieux pierres gemmes, objets d’art et antiquités)
L’Union européenne représente, de loin, le 1er partenaire commercial de la Suisse : elle génère 71 % de ses importations (158 Mds CHF) et capte 51 % de ses exportations (144 Mds CHF) de marchandises, hors métaux précieux. Les exportations vers l’Europe ont crû de +3,9 % l’an dernier, la forte progression des ventes vers la Slovénie (+7,9 %) ayant compensé les baisses enregistrées avec les pays voisins (Allemagne, Italie, France, Autriche). L’Amérique du Nord se place pour la première fois au 2e rang des débouchés suisses, avec un chiffre d’affaires en hausse de +6,7 %, dépassant ainsi l’Asie, avec qui le chiffre d’affaires a diminué de -1,9 %.
Au niveau national, l’Allemagne reste le principal partenaire du pays, même si les États-Unis ont confirmé leur 1ère place à l’export acquise en 2021, détrônant l’Allemagne, premier marché pendant 70 années consécutives.
Dans la continuité du recul de 2023, les importations en provenance des trois principaux marchés d’approvisionnement ont régressé, de manière toutefois moins marquée. Avec une baisse de 2,5 Mds CHF des achats, l’Asie enregistre la plus forte des contractions (-5,8 %), suivie par le repli de 658 M CHF de l’Europe et celui de 292 M CHF de l’Amérique du Nord. En Europe, la baisse cumulée de 7,3 Mds CHF due aux livraisons de l’Allemagne, la France, l’Espagne, et l’Irlande n’a pas été compensée par la hausse de +5,8 Mds CHF de la Slovénie.
Hors métaux précieux, la France a perdu des parts de marché en Suisse en 2024, passant du 3e au 5e rang des fournisseurs du pays, dépassée par la Slovénie, dont les ventes sont quasi-intégralement des produits pharmaceutiques du fait de l’implantation de Sandoz, ex-filiale de Novartis, qui a par ailleurs développé l’an passé ses capacités de production et d’exportation, et la Chine.
V. Une politique commerciale structurée par la convention AELE et les accords avec l’UE, mais menacée par les décisions douanières américaines
Attachée à la défense du multilatéralisme commercial, membre fondateur de l’Association européenne de libre-échange (AELE), la Suisse dispose d’un réseau de 34 accords de libre-échange (ALE) avec 44 partenaires, auxquels s’ajoutent la Convention AELE de 2001. La plupart de ces accords sont conclus dans le cadre de l’AELE, mais la Confédération a aussi la possibilité de signer des accords en propre, comme elle l’a par exemple fait avec les Iles Féroé (1995), le Japon (2009) et la Chine (2014).
L’accord de libre-échange avec l’Union européenne de 1972 s’insère dans un ensemble de plus de 130 accords sectoriels, dont une partie devrait être modernisée grâce au nouveau paquet d’accord UE-Suisse, dont les négociations ont été terminées en décembre 2024, et qui comprend également trois nouveaux accords sectoriels dans les domaines de l'électricité, de la sécurité alimentaire et de la santé. Le Conseil fédéral a approuvé les textes des accords en juin 2025, ouvrant la procédure de consultation.
Au-delà du paquet UE-Suisse, des avancées notables ont été faites au cours des derniers mois sur plusieurs accords : l’ALE avec la Moldavie est entré en vigueur en avril 2025 ; un accord de libre-échange avec l’Inde, le premier pour des partenaires européens, a été signé au titre de l’AELE en mars 2024 ; d’autres ont été conclus au plan bilatéral avec la Thaïlande et le Kosovo à Davos, en janvier 2025, puis avec la Malaisie en juin 2025 ; la conclusion d’un accord entre l’AELE et le Mercosur a été annoncée le 2 juillet 2025. D’autres négociations sont en cours, en particulier avec le Vietnam.
De plus, à l’occasion de leur conférence ministérielle de juin 2025, les membres de l’AELE ont souligné l’importance de moderniser les accords existants avec le Mexique, le Canada et la Corée du Sud, et de mieux exploiter le potentiel commercial avec les pays africains. Les discussions avec l’union douanière entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan ont été suspendues après l’annexion de la Crimée en 2014. Une renégociation de l’accord avec la Chine - la Suisse étant le seul pays en Europe (avec l’Islande) à disposer d’un ALE avec ce pays - est parfois évoquée, mais le refus de Pékin d’inscrire des provisions sur la protection des droits de l’homme fait obstacle à l’approbation, indispensable, du peuple suisse. Sur la période récente, l’accent est davantage mis sur l’Inde.
Dans le cadre de la stratégie « Mind the gap » du Conseil fédéral pour assurer la continuité des relations commerciales bilatérales après le Brexit et les intensifier dans certains domaines, la Suisse et le Royaume-Uni ont signé un ALE en février 2019, lui-même largement issu de la reprise des principaux accords commerciaux UE-Suisse. Des discussions ont été ouvertes en mai 2023 pour étendre son champ d’application.
Les débats entourant l’approbation des accords de libre-échange s’avèrent toutefois virulents en Suisse, notamment dans les milieux écologistes et agricoles, inquiets respectivement des conséquences sur l’environnement et la compétitivité : en mars 2021, le peuple suisse avait ainsi accepté de justesse l’accord de partenariat économique entre l’AELE et l’Indonésie par référendum à 51,7 % des voix. De la même manière, les débats au Parlement au sujet de l’accord avec le Mercosur s’annoncent houleux, et pourraient être suivis par une initiative populaire conduisant à un référendum.
Cette diversification des partenaires commerciaux est aujourd’hui particulièrement importante pour la Suisse, qui subit la forte incertitude provoquée par la politique commerciale américaine de ces derniers mois. Après le « Liberation Day » du Président D. Trump, la Suisse avait accueilli avec stupeur l’annonce des droits de douane additionnels à son encontre pouvant monter jusqu’à 32 %, bien au-delà des 20 % imposés à l’UE. Les autorités helvétiques ont depuis choisi la voie de la négociation, espérant à l’heure actuelle conclure un accord avec les Etats-Unis -son premier marché à l’export au plan bilatéral- minimisant les conséquences pour les industries exportatrices.