Le 17 novembre 2020, le Parlement angolais a approuvé la proposition de budget pour l’année 2021 à 127 voix pour (toutes MPLA), 45 contre et 1 abstention. Après révision par les gouvernements provinciaux, le vote final pour le budget aura lieu le 14 décembre. Les recettes sont estimées à 18,9% du PIB (contre 19,2% en 2020) et les dépenses à 21,1% du PIB (23,2% en 2020). Un déficit de 2,2% du PIB est donc attendu pour 2021, plus faible que celui de 4% du PIB prévu en 2020.

Un nouveau budget de crise élaboré selon un scénario pessimiste
Les hypothèses posées par le gouvernement pour 2021 sont relativement pessimistes : alors que le budget révisé pour 2020 tablait sur un retour de la croissance en 2021 après 5 ans de récession, le taux de croissance prévu dans ce budget est nul. Le secteur pétrolier devrait connaître une nouvelle récession (-6,2% contre -7% pour 2020). Le PIB non pétrolier devrait, quant à lui, augmenter de 2,1%, poussé par les secteurs des mines (+14,3%), de l’énergie (+5%) et de l’agriculture (+2,5%). En termes réels, la chute du PIB angolais est extrême : en prenant l’estimation du gouvernement pour 2021 de 42 000 Mds AOA convertie au taux du 23/11/2020 (1 USD=650 AOA), le PIB angolais serait d’environ 65 Mds USD contre 145 Mds USD en 2014.
Les prévisions d’inflation sont en baisse par rapport aux années précédentes avec une augmentation de l’IPC de 18,7% contre 25% en 2019 et 2020. Pour ce qui est des prévisions liées aux recettes pétrolières, elles sont une nouvelle fois pessimistes comparées aux analyses internationales. Le budget a été élaboré avec un pétrole à 39 USD/baril alors que les prévisions de l’AIE indiquent un prix moyen de 47 USD/baril sur 2021. Au niveau de la production, l’hypothèse de 1,22 M de barils par jour est plutôt alignée sur le plafond imposé à l’Angola et sur la tendance à la baisse de la production (-6,3% en 2021) liée à l’épuisement des réserves et à l’absence de découvertes majeures sur les 5 dernières années. Contrairement aux années précédentes où les prévisions de production optimistes tendaient à contrebalancer les estimations pessimistes du prix du baril, les hypothèses sur 2021 sont basées sur un scénario pessimiste sur les deux variables.

Des intérêts sur la dette qui représentent près du tiers des dépenses alors que les recettes fiscales sont affaiblies
Ces prévisions pessimistes pour le secteur pétrolier affectent la part des recettes fiscales pétrolières : celle-ci s’élève à 51% pour 2021 (9,7% PIB). Ce niveau est semblable à celui atteint pour d’autres années marquées par un prix du baril faible (2016, 2020). Pour les années avec des cours plus favorables, la part des recettes pétrolières dans les recettes totales dépasse généralement les 60%. La réforme fiscale du secteur non pétrolier (qui fait partie des engagements de l’Angola envers le FMI) a permis une augmentation remarquable des recettes fiscales non pétrolières qui, contrairement aux revenus du pétrole, ne bénéficient pas de la forte dévaluation du kwanza. Celles-ci passent donc de 2329 Mds AOA en 2020 à 3063 Mds AOA en 2021 (soit 7,3% du PIB pour les deux années). Cette réforme fiscale doit cependant s’accompagner d’un retour à la croissance pour montrer des résultats sur la durée. La mise en place complète de la TVA en est la mesure phare mais dans un contexte de récession prolongée avec un niveau de consommation très faible, les gains réels pourraient être plus faibles que ceux projetés. Cependant, si les cours reflètent les prévisions internationales, les estimations pessimistes du gouvernement pour le secteur pétrolier permettront d’avoir des recettes supplémentaires pouvant compenser des manques sur la collecte d’autres impôts ou améliorer le solde budgétaire global.
Au niveau des dépenses, l’analyse du budget révèle un excédent budgétaire primaire de 4% du PIB en dépit du solde global déficitaire de 2,2% du PIB. Le poids des intérêts de la dette s’élève à 6,2% du PIB (l’équivalent de 29,3% des dépenses contre 26,6% en 2020) se révèle encore une fois être une entrave importante à la politique budgétaire angolaise. Les intérêts de la dette externe représentent 3,7% du PIB (3,3% en 2020) contre 2,5% du PIB (2,9% en 2020) pour ceux liés à la dette interne. Pour ce qui est de la répartition sectorielle des dépenses, le secteur social représente 39,5% de la dépense primaire (hors intérêts sur la dette) soit 6,6% du PIB. Les dépenses en éducation et en santé représentent respectivement 2,4% et 2% du PIB. La défense et l’ordre public représentent 26% de la dépense primaire, soit 3,2% du PIB.

Baisse des besoins de financement mais persistance du problème de la dette publique

Le pic en besoins de financement attendu pour 2020 et 2021 semble avoir été atténué, en grande partie grâce à l’accord trouvé avec les grands créanciers chinois et à l’ISSD. Les besoins bruts de financement pour 2021 sont estimés à environ 6 860 Mds AOA, soit 16,3% du PIB. Cela représente une réduction de 6,4 pp par rapport à 2020. Ceux-ci sont liés à un remboursement de la dette de moyen et long terme arrivant à échéance à hauteur de 12,3% du PIB, à un financement du déficit budgétaire d’une valeur de 2,2% du PIB et d’acquisition d’actifs financiers à hauteur de 1,8% du PIB. Ces besoins seront principalement couverts par un recours à l’endettement à hauteur de 14,7% du PIB (9,5% du PIB pour l’endettement externe). Le reste sera couvert par des recettes de privatisations d’une valeur équivalente à 0,4% du PIB et un retrait des réserves du Trésor à hauteur d’1,2% du PIB. L’Angola doit profiter du lissage de ses remboursements pour se préparer à affronter un potentiel nouveau pic de besoins de financements lorsque les montants inclus dans les moratoires devront être remboursés.
L’endettement reste le plus grand défi du gouvernement. Il devrait atteindre 123% du PIB à la fin 2020, principalement à cause de la récession qui perdure et à la forte dévaluation du kwanza. Alors que le plus gros de la dévaluation du kwanza est passé, la réduction de ce ratio tient désormais à un maintien de la discipline budgétaire dont le pays fait preuve depuis maintenant 3 ans et à sa capacité à renouer rapidement avec la croissance. Le FMI est plutôt optimiste sur la capacité du pays à maintenir ce cap et prévoit une réduction rapide du ratio dette/PIB sur les prochaines années qui devrait passer sous la barre des 70% en 2025. D’autres analystes comme la Standard Bank sont plus réservés quant aux prévisions de rebond de la croissance angolaise du FMI et prévoient une stabilisation de ce ratio à partir de 2021 (125% á la fin de l’année).