Le Premier ministre britannique a dévoilé le 18 novembre son plan en 10 points (Ten point plan for a Green Industrial Revolution) qui doit permettre au Royaume-Uni (RU) de lancer une révolution industrielle verte.

Le Premier ministre britannique a dévoilé le 18 novembre son plan en 10 points (Ten point plan for a Green Industrial Revolution) qui doit permettre au Royaume-Uni (RU) de lancer une révolution industrielle verte. Reporté à plusieurs reprises en raison de la gestion de la pandémie, ce plan vise un triple objectif. Il doit d’abord permettre de décliner le mantra « build back better » de Boris Johnson avec pour ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 et de créer 250 000 emplois verts. Il vise également, en amont du Climate Ambition Summit co-organisé par le RU le 12 décembre, à faire apparaître ce dernier comme étant à la pointe en matière de lutte contre le changement climatique. Enfin, il doit permettre de décliner l’un des engagements de campagne du Premier ministre, consistant à développer (« level-up ») économiquement certains bastions industriels du centre et du nord de l’Angleterre, en capitalisant notamment sur les forces du RU dans certains secteurs comme l’éolien maritime, la capture et le stockage du carbone, le secteur automobile, la mobilité électrique et le nucléaire.
  • La déclinaison du narratif « build back greener » sur un plan interne et externe

Pris par la gestion de la pandémie, le Premier ministre a dévoilé plus tardivement que prévu ses intentions en matière de relance verte, même si plusieurs annonces ont été faites à partir du printemps 2020 (biodiversité, mobilité électrique, isolation des logements). Le plan en 10 points a été plutôt bien reçu par la presse et les ONG, Greenpeace UK[1] indiquant qu’il constituait, malgré certains manques, un grand pas pour tenir compte de l’urgence climatique. L’opposition travailliste, par le biais d’Ed Miliband[2], le ministre fantôme chargé de l’Economie, l’Energie et la Stratégie industrielle, s’est déclarée plus critique en soulignant la faible ambition du plan par rapport aux plans français et allemand. Sur la scène internationale, cette annonce doit permettre au RU de gagner en crédibilité comme en légitimité pour fédérer et entraîner les principaux Etats émetteurs. Le Royaume-Uni vise à susciter le relèvement à la hausse leurs engagements en matière de lutte contre le changement climatique en vue de la COP 26 qui se tiendra en novembre prochain à Glasgow.

Une transition bas carbone centrée sur « l’optimisme technologique »

Comme le Premier ministre avait déjà eu l’occasion de l’indiquer à plusieurs reprises (campagne générale de décembre 2019 et premières annonces du 30 juin dernier en matière de relance), le plan repose sur le triptyque « innovation, technologies et emplois » et a pour ambition de faire du RU un champion en matière de technologies propres et de finance verte[3]. Le plan se concentre principalement sur le développement d’innovations technologiques dans les principaux secteurs émetteurs de C02 de l’économie britannique (transports, production d’énergie, bâtiment), sans remise en cause radicale des façons de produire, de se déplacer ou de consommer. En se concentrant principalement sur le développement et le succès  de certaines technologies, le plan n’est pas sans fragilités : l’atteinte de la neutralité carbone pourrait être compromise en cas de retard dans le déploiement de ces technologies.

Une priorité donnée aux secteurs où le RU est déjà bien placé ; certains secteurs sont absents

Le plan vise à renforcer les secteurs où le RU est déjà bien positionné (éolien maritime, nucléaire) ou à créer de nouvelles filières d’excellence (hydrogène, capture et stockage du carbone, avions et navires zéro ou faibles émissions). Il vise également à accélérer la transition dans le domaine de la mobilité électrique en interdisant à partir de 2030 la vente de véhicules neufs thermiques et certains hybrides et à partir de 2035, celle de tous les véhicules émettant du carbone. Il propose aussi de développer les mobilités douces via la construction de nouvelles pistes vertes et cyclables. Il apparaît en revanche modeste sur d’autres points (renforcement de l’efficacité énergétique des bâtiments) et n’apporte que peu de nouveaux engagements en matière de protection de la nature. Il fait par ailleurs l’impasse sur l’agriculture et l’alimentation, la gestion des déchets et l’économie circulaire ou encore l’éolien terrestre et les énergies marines. Il ne traite de l’adaptation au changement climatique que sous l’angle de la prévention des inondations. Les sujets liés à la taxation du carbone et à l’adaptation du réseau électrique, qui sera  nécessaire pour alimenter 11 M de véhicules électriques d’ici à 2030, n’ont pas été traités dans ce plan mais pourraient faire l’objet d’annonces ultérieures. En matière de finance verte, l’ambition britannique est d’être leader dans le financement de la transition bas carbone, mais les deux annonces (création d’une banque verte d’investissement et arrêt des financements à l’export pour les projets carbonés) sont toujours attendues.

  • Un montant d’investissements limité qui doit bénéficier aux régions du nord

Un montant de dépenses nouvelles qui reste in fine limité

Plusieurs sites spécialisés comme Business Green ont indiqué que sur les 12 Md£ annoncés par le gouvernement, seuls 3 Md£ correspondaient à des dépenses nouvelles principalement dans l’hydrogène (500 M£), le secteur nucléaire (525 M£), la mobilité électrique (1,4 Md£) et la capture et le stockage du carbone (200 M£). Sur les 12 Md£ annoncés, près de 5,2 Md£ concernent la prévention des inondations et ont déjà été annoncés et budgétés précédemment. Le Gouvernement espère par ailleurs débloquer via les 12 Md£ d’investissement public un montant plus de trois fois supérieur de financements privés (42 Md£ d’ici à 2030 dans l’ensemble des secteurs).

Une transition bas-carbone qui doit d’abord bénéficier aux régions du nord

Le Premier ministre britannique a présenté le plan comme devant d’abord bénéficier aux régions du Nord de l’Angleterre mais également au Pays de Galles et à l’Ecosse,  qui accueillent de nombreuses industries fortement émettrices de carbone (usine chimique, cimenteries, aciéries), s’efforçant ainsi de rassurer les habitants de ces « bastions rouges » (red wall).  Peu de détails ont toutefois filtré sur la façon dont le RU entendait gérer les infrastructures hautement émettrices en carbone situées principalement dans ces régions, ni comment allait s’opérer la transition d’emplois souvent peu qualifiés vers des emplois verts très qualifiés ; or, la formation et le développement de compétences apparaît comme l’un des enjeux cruciaux pour la réussite de ce plan. L’absence de réelle structure de gouvernance, hormis l’annonce de la mise en place d’une Task Force Net Zero dont la mission pourrait être davantage consultative que décisionnelle, pour assurer le suivi et la coordination des efforts à accomplir en matière de transition bas carbone, a également été soulignée par les commentateurs.

Commentaires : l’annonce du Plan en 10 points, qui s’est faite en plein confinement, a été plutôt bien accueillie par la société civile (think tanks, ONG)  mais également par les entreprises. Elle vise autant, sur un plan interne, à rassurer l’opinion britannique sur le virage vert opéré par le gouvernement qu’à démontrer, sur un plan externe et en vue de la COP 26, le volontarisme de B. Johnson et sa capacité d’entraînement de la communauté internationale sur le climat. S’il ne précise pas quelles seront les cible d’émissions de CO2 d’ici à 2030, il apporte toutefois des précisions sur les priorités britanniques en matière de relance économique en attendant l’annonce par le Chancelier le 25 novembre du projet de budget (Spending Review) et la publication, d’ici début 2021 de stratégies ciblées et livres blancs complémentaires (cf. annexe 2). La tenue du Climate Ambition Summit le 12 décembre, co-organisé par le RU, devrait faire l’objet de nouvelles annonces telles que la contribution déterminée nationale britannique révisée qui devrait fixer de nouvelles cibles en matière de baisse des émissions de CO2 d’ici à 2030.

  Annexe 1

Mesures

Objectifs et financements

1. Eolien maritime

40 GW de capacité installée incluant 1 GW d’éolien flottant d’ici à 2030/ investissement de 160 M£ dans les infrastructures portuaires.

2. Hydrogène

Objectif de production de 5 GW d’hydrogène propre d’ici à 2030, création de hubs bas carbone « SuperPlaces », allocation de 240 M£ dans le Net Zero Hydrogen Fund.

3. Nucléaire

Soutien réaffirmé aux projets de réacteurs nucléaires de puissance  ainsi qu’aux petits réacteurs modulaires (215 M£) et réacteurs modulaires avancés (170 M£).

4. Véhicules électriques

Arrêt de la vente des véhicules 100 % thermiques à partir de 2030, hybrides rechargeables autorisés jusqu’en 2035, ventes uniquement de véhicules 0 % émission après 2035. 1 Md£ pour développer la chaîne d’approvisionnement britannique ainsi que des usines de batteries. 1,3 Md£ pour le déploiement des bornes de recharge. 582 M£ d’incitations fiscales (Plug In Car) d’ici 2023. 20 M£ pour une expérimentation des poids lourds bas carbone.

5. Transport publics, marche et vélo

Objectifs de développer les mobilités douces (marche, vélo) et les transports publics.

6. Avion zéro émission et transport maritime vert

Soutien au projet Jet 0 qui vise à créer un avion 0 émission (12 M£), biocarburants pour l’aviation (15 M£) et 20 M£ dans un Clean Maritime Demonstration Programme.

7. Efficacité énergétique des logements et bâtiments publics

Extensions du dispositif Green Homes Grant jusqu’à 2021 (+1 Md£). Mise en place d’un Future Homes Standard en 2023 et lancement d’une consultation sur la mise en place de standards renforcés dans le secteur non résidentiel. 600 000 pompes à chaleur installées par an en 2028.

8. Capture du carbone

Nouveau financement à hauteur de 200 M£. Cible de capture de 10 Mt CO2 par an d’ici à 2030. Volonté d’utiliser d’anciens champs gaziers en mer du Nord. Objectif de capturer le carbone de 4 clusters industriels d’ici à 2030.

9. Nature

Objectif de protéger 30 % des terres anglaises d’ici à 2030, création du Nature Recovery Network et investissements en matière de protection des inondations (5,2 M£ sur 6 ans). 40 M£ supplémentaires dans le cadre du Green Recovery Challenge Fund.

10. Innovation et finance

Lancement d’un Net Zero Innovation Portfolio (1 Md£) qui viendra en appui du  financement des 10 points. Rappel de l’émission à venir de l’obligation verte britannique et publication obligatoire d’ici 2025 d’éléments sur l’exposition des entreprises aux risques climatiques.

 Annexe 2 : Stratégies et livres blancs à venir

stratégies et livres blancs à venir

 

[1]  « Although there are some significant question marks and gaps, overall this is a big step forward for tackling the #ClimateEmergency   ».

[2] « The plan doesn’t remotely meet the scale of what’s needed to tackle the unemployment emergency and climate emergency we are facing, and pales in comparison to the tens of billions committed by France and Germany ».

[3]Just as science will enable humanity to rout Coronavirus, so we will use the UK’s extraordinary powers of invention to repair the economic damage and build back better”.