1. ACTUALITES ECONOMIQUES

Dans un contexte marqué par la deuxième vague de Covid-19 en Espagne, qui a entraîné notamment un « confinement périmétral » de plusieurs communes de la région de Madrid, le gouvernement a annoncé le 7 octobre dernier sur le front économique les grandes lignes de son « plan de relance » : le « Plan de Récupération, Transformation et Résilience ».  L’Espagne prévoit que 27 Md€, sur les 72 Md€ de subventions de l’UE pour l’Espagne pour faire face à la crise, seront décaissés en 2021. Ce plan devrait, selon le gouvernement, apporter +2,5 pp à la croissance annuelle du PIB et créer 800 000 emplois dans les 3 ans à venir. Des 140 Md € de financement des fonds européens disponibles pour l’Espagne entre 2021 et 2026, 72 Md € seront alloués sur la période 2021-2023 (59 Md € du fonds de récupération et résilience et 12,4 Md € du React-EU). Figurent en bonne place les thèmes de la transition écologique (37 % des investissements : changement du modèle productif avec un plan massif de développement des énergies renouvelables ; électrification de la mobilité avec 250 000 nouveaux véhicules électriques et 100 000 points de recharge, transformation du système énergétique, réhabilitation de 500 000 logements, 2 Md€ pour revoir le système hydrique et le maintien des écosystèmes fluviaux et des aquifères) et la transition numérique (33 % des investissements).

2. ENERGIE ET ENVIRONNEMENT

Énergie

Adoption le 6 octobre dernier en Conseil des Ministres de la feuille de route espagnole en matière d’hydrogène.

Ce document établit 60 mesures pour soutenir le développement de la filière hydrogène, représentant un investissement total de 8,9 Mds€, sans précisions sur la part de soutien public. Les objectifs majeurs, d’ici 2030, sont d’installer 4GW d’électrolyseurs, de parvenir à une consommation de 25% d’hydrogène renouvelable dans le secteur industriel, et de mettre en service deux lignes ferroviaires propulsées à l’hydrogène. La mesure n°47 de cette feuille de route mentionne explicitement le dialogue avec le Portugal et la France comme faisant partie des axes de développement de cette filière. La presse espagnole fait également écho du projet du gestionnaire du réseau gazier (ENAGAS), de mettre en service, dans la région de Castille-León, la plus grande installation d’hydrogène du pays (investissement estimé à 260 M€), équipée d’un électrolyseur de 32 MW et d’une centrale photovoltaïque de 150 MW capable de produire 12t/jour d’hydrogène vert.

 

Le groupe Total fait son grand retour sur le marché espagnol et affiche ses ambitions

Depuis 2011, Total est présent en Espagne uniquement dans le secteur des lubrifiants, après la vente de ses actifs dans la société Cepsa au groupe Mudabala : le groupe fait en 2020 son grand retour sur le marché espagnol. Début 2020, le groupe français a signé un accord avec les sociétés Powertis et Solarbay Renewable Energy, pour des projets solaires d´une puissance totale de 2 GW dans les régions d´Aragon, Castille-la-Manche et Andalousie.

En mai, Total a annoncé le rachat, pour un montant de 515 M€, au groupe portugais EDP, de deux centrales à cycle combiné (d’une puissance cumulée de près de 850 mégawatts) et de son portefeuille en Espagne de 2,5 millions de clients résidentiels, devenant par la même occasion le quatrième énergéticien du pays derrière Iberdrola, Endesa, Naturgy.

Le 25 septembre dernier, Total a signé un accord avec le groupe énergétique espagnol Ingis, pour le développement de nouveaux projets solaires (d´une puissance totale de 3,3 GW) dans les régions de Madrid et d´Andalousie dont la mise en service est prévue entre 2022 et 2025. 

Le PDG du groupe, Patrick Pouyanné, a accordé le 28 septembre dernier, un entretien au principal quotidien économique du pays, Expansión, après avoir rencontré à Paris, Teresa Ribera, la 4ème Vice-Présidente du gouvernement et ministre espagnole pour la transition écologique. Il y confirme que ces différentes opérations s’inscrivent dans l’ambition du groupe d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050 et de faire de l’entreprise un acteur de premier plan de la transition énergétique en Europe. Pour M. Pouyanné, le choix de l’Espagne, en tant que premier marché hors de France pour les énergies renouvelables, est justifié par le fait que ce pays s’est doté d’une « feuille de route ambitieuse et claire pour le développement de projets d’énergies renouvelables » justifiant pleinement ces investissements.  

  

Environnement

Espagne : adoption du plan national d’adaptation au changement climatique

Le conseil des ministres du 22 septembre a adopté le Plan National d'Adaptation au Changement Climatique 2021-2030 (PNACC), qui comprend 81 lignes d'action sectorielles dans 18 domaines de travail, avec 28 indicateurs de suivi. Cet outil a pour objectif d’une part, de construire une société et une économie plus stables face aux risques du changement climatique qui sont déjà visibles en Espagne, d’autre part de générer des externalités positives pour la préservation de la biodiversité, la protection de la santé ou l'atténuation du changement climatique lui-même. Il s’inscrit dans un cadre stratégique pour l’énergie et le climat comprenant notamment le plan national intégré énergie et climat 2021-2030, le projet de loi sur le changement climatique et la transition énergétique (adopté en conseil des ministres du 10 février 2020), la stratégie à long terme pour une économie moderne, compétitive et climatiquement neutre en 2050 et la stratégie de transition juste.

 

Recours pour inaction climatique à l’encontre de l’Espagne

Les ONG « Ecologistas en acción », OXFAM et Greenpeace ont présenté le 1er octobre, devant la Cour suprême, un recours contre le gouvernement espagnol. Cette décision fait suite à des actions similaires dans d’autres pays européens, notamment l’Allemagne, les Pays-Bas ou la France. Les principaux griefs à l’encontre de l’Espagne concernent notamment l’objectif espagnol en matière d’émissions (-23%) jugé en deçà des préconisations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat -GIEC (objectif : -55%) afin de maintenir l’augmentation des températures (-1,5C°) par rapport aux niveaux de 1990, mais également les retards pris dans l’adoption de la stratégie de décarbonation à long terme (dont la consultation publique s’est achevée le 23 juillet 2020).

3. TRANSPORT ET INDUSTRIE

Transports

Visite du ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, à Madrid les 22 et 23 septembre 2020 :

https://es.ambafrance.org/Visita-del-ministro-de-Transportes-Jean-Baptiste-Djebbari-a-Madrid-el-22-y-23

Le Ministre délégué chargé des transports, M. Jean-Baptiste Djebbari, s’est entretenu avec son homologue espagnol,  M. José Luis Abalos Meco, ministre des transports, de la mobilité et de l’agenda urbain. Les deux ministres ont signé une déclaration d’intention sur l’avenir des véhicules autonomes et connectés, qui ouvre la voie à des coopérations techniques et réglementaires.

Arrivé la veille à l’aéroport Adolfo-Suárez de Madrid-Barajas, le ministre délégué chargé des transports a visité le terminal 4 où les protocoles sanitaires mis en place par AENA, l’autorité espagnole chargée de l’exploitation de l’aéroport, lui ont notamment été présentés. M. Jean-Baptiste Djebbari a ensuite rencontré des dirigeants d’entreprises à la Résidence de l’Ambassadeur Jean-Michel Casa, et a dîné avec des membres de la communauté d’affaires française installée en Espagne. Ensemble, ils ont fait le point sur la situation économique dans les secteurs des transports, de l’industrie automobile et du tourisme en cette période de crise, ainsi que sur les perspectives de relance tant au niveau national qu’européen.

Le lendemain matin, le ministre a participé, avec le secrétaire d’Etat espagnol aux transports, Pedro Saura, au colloque « Transports et mobilité dans les sociétés durables », organisé par l’association d’amitié franco-espagnole Diálogo. Cet événement a été l’occasion d’un partage d’expériences sur les cadres réglementaires des deux pays, notamment à la lumière de la loi sur les mobilités adoptée en France en 2019, et dont l’Espagne veut s’inspirer. En fin de matinée, M. Jean-Baptiste Djebbari a visité les locaux d’Alstom, grand acteur industriel fortement implanté en Espagne, afin de mieux connaître les enjeux de la présence du groupe dans le pays. Enfin, Mme Isabel Pardo de Vera, présidente du gestionnaire du réseau ferroviaire espagnol (Adif), a reçu le ministre en gare d’Atocha, pour lui faire visiter la plus grande gare d’Espagne, son centre de contrôle ultra-moderne et lui exposer les projets d’investissements dans la métropole, comprenant aussi des aménagements majeurs en gare de Chamartín.  

 

Iberia, déterminée à racheter Air Europa, renégocie les conditions convenues fin 2019

Le prix d’1 Md€ convenu en novembre 2019 entre les groupes IAG (dont fait partie Iberia) et Globalia, pour l’achat d’Air Europa par Iberia, ne semble plus d’actualité : le cours des actions boursières d’IAG a chuté de 72 % par rapport au maximum de février 2020, la valeur d’Air Europa s’est également fortement dépréciée. L’attention est maintenant portée sur le soutien financier qu’Air Europa pourrait recevoir de l’Etat espagnol, notamment sous forme d’un prêt de 400 M€, qui va conditionner la décision d’Iberia. IAG vise une clôture de l’achat à fin 2020 ou au plus tard au premier trimestre 2021.

Le gouvernement espagnol approuve un fonds de 275 M€ pour financer le déficit extraordinaire des services de transport public local

L’objectif du fonds est d’assurer la continuité d’un service public essentiel et de soutenir les entreprises du secteur, en couvrant la réduction des recettes (entre le 14 mars date de l’entrée en vigueur de l’état d’alerte sanitaire et fin 2020), causée par une diminution drastique de la demande, ainsi que les surcoûts issus des mesures de prévention, le nettoyage, la désinfection et les restrictions d’occupation des véhicules. Ce fonds pourrait atteindre 400 M€ si la situation des acteurs locaux le justifie.

Au premier semestre 2020, le nombre de voyageurs dans les transports publics en Espagne a presque diminué de moitié (-48,5%).

La pandémie a provoqué la plus grande crise dans les transports publics de passagers jamais connue en Espagne, avec des conséquences imprévisibles pour les entreprises du secteur. Malgré la levée du confinement et le doublement de la fréquentation (156,5 M en juin contre 73,1 M de voyageurs en mai), le nombre de clients des transports publics reste encore bien inférieur aux chiffres 2019 (-63,5% en comparaison aux 432,6 M de juin 2019). En cumulé sur le premier semestre 2020, tous les secteurs affichent une perte de clientèle : aérien (-62%) et ferroviaire à grande vitesse (-60%), maritime (-55,4%) et bus longue distance (-55,5 %). Sur ce premier semestre de l’année, les services de proximité ont également souffert : - 47,3% pour les trains-banlieue et -46,9% pour les bus.

Le secteur des transports : en 4ème position en termes de salariés en chômage partiel (ERTE*), après la restauration, le commerce et l’hébergement touristique

Selon le ministère de la sécurité sociale, fin septembre, un total de 728 909 salariés en Espagne continueraient à être soumis au chômage partiel à cause du covid19 (soit 1 sur 4 par rapport au maximum atteint en avril : 3,4 millions de salariés). Au sein de ce contingent, le transport (marchandises et passagers) occupe une place importante après l’hôtellerie/restauration, le commerce et l’hébergement touristique. Ces 4 secteurs avec les activités artistiques, les jeux de hasard et les arts graphiques cumulent 15 % des dossiers de chômage temporaire. En outre, selon l’Association internationale du transport routier (ASTIC), 40 % des entreprises ont été touchées par un « ERTE » durant la crise sanitaire. Au total, l’Espagne a fini le mois de septembre avec 696 774 chômeurs de plus qu’il y a 12 mois - plus mauvais chiffre depuis 2009 - et avec 447 000 emplois détruits- plus mauvais chiffre depuis 2013.

*ERTE : plan de régulation temporaire de l’emploi

 

Industrie

Le secteur espagnol de l’automobile, durement touché par la fermeture complète des sites de production en mars et avril, prévoit, au mieux, une production de 2,2 M de voitures, soit une baisse de 21 % par rapport aux 2,82 M d’unités fabriquées en 2019.

Au cours des six premiers mois de l’année, les exportations de véhicules ont atteint 13,6 Md€, soit une baisse de 28,2% par rapport à la même période de 2019, conséquence de la fermeture des principaux marchés de débouchés en Europe. En outre, les importations de véhicules ont chuté de 42,2 %, à 6,7 Md€, reflétant également la faiblesse du marché intérieur durant le pic de la pandémie. Les principaux clients de l’Espagne sont dans l’Union européenne (destination de 85% de la production), aux États-Unis et en Turquie. Parmi les destinations export, la France (2,9 Md€) arrive en tête pour la première fois, suivie de l’Allemagne (2,8 Md€) et du Royaume-Uni (1,6 Md€). Ces trois pays représentent 53% des exportations espagnoles de véhicules sur les 6 premiers mois de l’année.

 

Les principaux opérateurs de téléphonie (Movistar, Orange, Vodafone et Yoigo) proposent la 5G à leurs clients.

Sans attendre la disponibilité de la bande de 700 MHz, dont la mise aux enchères a été retardée par l’Etat espagnol à cause de la pandémie, tous les opérateurs ont décidé de lancer dès à présent une offre commerciale « 5G » dans la bande de 3,5 GHz, malgré des performances moindres. Le déploiement a d’ores et déjà commencé dans les villes les plus grandes et les plus intéressantes pour les opérateurs : Madrid, Barcelone, Valence, Séville et Malaga.

 

Les ventes de voitures chutent de 13,5% en septembre malgré les aides de l’Etat.

Les subventions à l’achat, représentant un total de 250 M€, ont permis au marché d’amortir le choc mais n’ont pas permis de rattraper le niveau de ventes de l’année dernière (-13,5% par rapport à septembre 2019). Le secteur prévoit une réduction de 35% pour l’ensemble de l’année 2020. Sur les neuf premiers mois de l’année, la baisse cumulée est de 38,3%. En septembre, tous les segments ont enregistré un recul, particuliers comme entreprises, particulièrement les sociétés de location qui ont souffert de l’effondrement de la fréquentation touristique. Les rebonds de l’épidémie et la perspective d’une crise économique pèsent sur les décisions d’achat et laissent présager une sous-consommation de l’enveloppe de 250 M€.

Le premier groupe espagnol de travaux publics, ACS, serait en train de négocier avec le groupe français Vinci la vente de Cobra.

Rien n’aurait pu laisser penser que le groupe de Florentino Pérez puisse envisager de céder son fleuron spécialisé dans la construction (4 Md€ de chiffre d’affaires, dont 66% à l’étranger, intégré au groupe depuis 1989). Pourtant, le groupe doit désormais faire face à des difficultés en raison de la pandémie et à des mauvais résultats liés à son activité au Moyen-Orient. ACS aurait ainsi ouvert des négociations pour céder Cobra à l’un des géants européens du secteur des infrastructures, le français Vinci.

Le géant du textile espagnol Inditex (Zara, Pull&Bear, Massimo Dutti, Bershka, Stradivarius, Oysho, ZaraHome et Uterqüe) redresse progressivement ses ventes.

En attendant l’évolution de la deuxième vague de l’épidémie et les restrictions sur les différents marchés (notamment à Madrid), Inditex est parvenu à partiellement retrouver une activité comparable à l’an dernier en termes de recettes pour le mois de septembre* : septembre 2020 a ainsi représenté 89% des ventes en comparaison avec le mois de septembre 2019. Inditex signale que 98% de ses magasins sont à présent ouverts : « Les ventes en magasin continuent de se redresser progressivement et les ventes en ligne continuent de croître à un rythme significatif (forte croissance au premier semestre de 74%) ».

*mars (-50%), avril (avec la plupart des magasins fermés dans le monde, -72%), début du redressement en mai (49% des ventes de l’année précédente), 72% en juin et à 83% en juillet.

 

4. TOURISME

L’arrivée de touristes étrangers en Espagne a chuté de 75,9% en août, soit une réduction des dépenses de 79%.

Contrastant avec les chiffres records enregistrés l’été précédent (10,1 M de visiteurs), le nombre de visiteurs étrangers en Espagne, au mois d’août, a chuté de 75,9%, à 2,443 M, entraînant mécaniquement une baisse des dépenses de 79% à hauteur de 2,457 Md€ contre 11, 77 Md€ pour le même mois de 2019. Les baisses les plus significatives ont été enregistrées pour la clientèle britannique, qui est passée de 2,18 M arrivées de touristes à 256 528 (-88,2 %), suivie par les touristes allemands avec 298 217 entrées (1,12 million en août 2019 soit une réduction de -73%). Dans ce contexte, la France est devenue le premier pays émetteur de touristes à destination de l’Espagne cet été (863 665 touristes en août).

En cumulé sur 2020, le bilan est également très préoccupant pour un secteur qui représente 12% de l’économie du pays : sur les huit premiers mois, 15,7 M de touristes sont venus en Espagne contre 58,2M il y a un an (-73,04%), pour 16,75 Md€ de dépenses, contre 64,12 Md€ pour la même période en 2019 (soit -73,8 %).