Le sommet en visio entre l’Union européenne et la Chine, le 14 septembre, a vu la signature de cet accord, concluant ainsi des négociations entamées en 2010. L'analyse du Service économique régional de Pékin :

Cet accord de coopération et de protection des indications géographiques (dit « accord 100 + 100 ») devrait entrer en vigueur au 1er trimestre 2021, après que le Parlement européen aura donné son assentiment, prévu au 4ème trimestre 2020. Il confèrera une protection juridique renforcée à 100 indications géographiques (IG) européennes en Chine et 100 IG chinoises dans l’Union Européenne, dès son entrée en vigueur, puis à 175 autres de part et d’autre, dans les quatre ans à venir. L’enjeu est, pour l’UE, de faire bénéficier ces IG d’un régime de protection équivalent à celui de la marque collective.

Cette négociation, longue et laborieuse, s’est heurtée à diverses oppositions d’origine chinoise mais plus encore anglo-saxonne (et particulièrement américaine) à l’encontre d’une évolution qui conduit à une reconnaissance par la Chine de l’approche européenne. Le deal phase 1, signé le 15 janvier entre la Chine et les États-Unis, avait ainsi inclus des stipulations visant à vider de portée cet accord dont le texte avait pourtant été agréé entre les parties européenne (le Commissaire à l’agriculture Phil HOGAN) et chinoise (le ministre du commerce ZHONG Shan), le 6 novembre, durant la visite du Président de la République  à Pékin.

Cet accord Union européenne - Chine n’est que le début – au mieux, une étape – de la reconnaissance pleine et entière des indications géographiques en Chine

La signature de cet accord et son entrée en vigueur ne clôturent pas le sujet : il conviendra en effet de s’assurer de son effectivité lors des procédures administratives et judiciaires qui seront entamées sur le fondement de la protection qu’il confère. Ceci vaudra non seulement contre les contrefaçons chinoises mais également contre les emplois abusifs de certains termes, par exemple Asiago et Feta, dont l’usage restera autorisé pendant six et huit ans, respectivement, par l’accord (phasing out). La bonne foi de la Chine dans l’application de cette protection pourra alors être appréciée. L’âpreté des autorités chinoises dans la négociation, afin entre autres d’éviter les plus grandes difficultés (l’IG Parmesan a ainsi été sortie du champ de l’accord à la dernière minute), laisse toutefois penser que celles-ci ont l’intention de l’appliquer, au terme d’un exercice d’équilibrisme juridico-diplomatique visant à respecter leurs engagements vis-à-vis de leurs interlocuteurs, tant européens qu’américains.

Au-delà, le véritable enjeu sera de reprendre les stipulations inscrites dans cet accord limité à quelques IG dans le droit commun. Seul ce rehaussement du niveau de protection légale des IG sui generis sur celui conféré aux marques donnera une pleine reconnaissance aux IG, à l’instar de celle dont elles bénéficient en Europe. À cet égard, l’accord UE-Chine constitue une avancée, voire une étape importante, mais en aucun cas un aboutissement.

Le ministère chinois du commerce a salué la signature, en soulignant les avantages que la Chine allait en tirer
  • il s’agit en effet du premier accord international sur les IG signé par la Chine ;
  • il permet de protéger un grand nombre de ces IG (275, au final) de nature variée, d’origine agricole mais aussi « quasi-agricole » (papier de riz, brocart Shu, etc.). La Chine aurait également voulu protéger des IG non-agricoles, ce que l’UE (qui ne reconnaît pas de telles IG) a refusé, n’acceptant à la limite que des IG dérivées de produits agricoles (ce qui constitue déjà une première) ;
  • le niveau de protection est élevé : en fait, dans l’Union européenne, les IG chinoises bénéficieront de la protection forte conférée aux IG dans le droit commun. La situation en Chine est différente puisque les IG européennes bénéficieront d’une protection renforcée par rapport au droit commun des IG, insuffisamment protecteur. En effet, s’il est possible de s’opposer au dépôt de marques de mauvaise foi en conflit avec une IG, et d’agir en contrefaçon sur la base d’une marque collective ou de certification, la condamnation de la contrefaçon d’une IG sui generis est quasi-impossible, du fait de la faiblesse de la protection juridique mais aussi de la méconnaissance de cette règlementation par les autorités locales de contrôle ;
  • la Chine pourra utiliser le logo européen pour ses IG ; elle tenait beaucoup à pouvoir bénéficier de ce signe officiel de qualité à la notoriété forte auprès des consommateurs européens, chinois mais aussi – et sans doute, surtout – asiatiques. Cette autorisation constitue une autre première pour l’UE ; elle avait d’ailleurs suscité des réserves, au vu d’un cahier des charges de certaines IG chinoises peut-être moins rigoureux que leurs équivalents européens ;
  • cette reconnaissance permettra de faire bénéficier les producteurs chinois, souvent situés dans des zones pauvres, du développement économique que permet une IG. Il est intéressant de voir la Chine reprendre ici la vision européenne (et française) – fondatrice – de la contribution des IG au développement rural.

Un article du People’s Daily – qui permet aux autorités d’exprimer leur position sans l’endosser officiellement – reprend ainsi une étude européenne ayant conclu que le prix de vente des produits sous IG est en moyenne le double de celui de produits similaires sans protection (2,85 pour le vin, 2,52 pour les spiritueux et 1,5 pour les produits agricoles et agroalimentaires).

Cet article souligne en outre que l’accord favorisera la reconnaissance des IG au niveau mondial (ce qui constituait bien l’une des ambitions de l’UE avec cette négociation). Il ne se prive pas de mentionner que les États-Unis sont intervenus pour en décourager la conclusion. Enfin, la conclusion de cet accord est vue comme une indication de l’entente sino-européenne qui a vocation à se poursuivre avec la réforme de l’Organisation mondiale du commerce et la conclusion de l’accord bilatéral sur la protection des investissements.

 

Pour en savoir plus sur l'accord UE-Chine